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Observatoire prospectif régional

L'€™agriculture bourguignonne à la loupe

Pour la huitième année consécutive, les Chambres d'€™agriculture de Bourgogne, le réseau CER France et le Conseil régional viennent de présenter, le 23 mai dernier, les résultats de l'€™Observatoire prospectif de l'€™agriculture Bourguignonne. En 2011, l'€™agriculture régionale demeure une composante essentielle de l'€™économie et l'€™Observatoire, en analysant finement les résultats de tous les systèmes, permet de positionner la Bourgogne agricole dans ses forces et ses faiblesses. Cet important travail collaboratif joue un rôle majeur dans les orientations de la politique régionale et révèle toute la diversité d'€™une l'€™agriculture régionale dont toutes les composantes participent pleinement à la performance de l'€™ensemble.
Par Anne-Marie Klein
L'€™agriculture bourguignonne à la loupe
En présentant les grandes lignes des données 2011 de l'€™Observatoire prospectif de l'€™agriculture bourguignonne, François Roze, responsable du service régional économie et prospective, a dressé le cadre «d'€™une activité économique ancrée aux territoires, portée par des hommes, exposée à des contraintes locales et sensible à des événements internationaux». Le croisement des chiffres confirme la tendance lourde observée depuis trente de la diminution du nombre d'€™actifs agricoles et de la restructuration des entreprises agricoles. En 2011, le nombre d'€™actifs familiaux dans les exploitations continue de décroître, l'€™emploi salarié progresse, le nombre d'€™exploitation diminue, mais la SAU reste stable. Ce qui se traduit par des exploitations toujours plus grandes et une augmentation des formes sociétaires (Gaec et EARL représentent près de 30% des exploitations de la région). Fait notable, la capacité de production régionale se maintient, la compétitivité de l'€™agriculture bourguignonne résiste aux aléas des politiques agricoles. Un résultat qui s'€™explique par l'€™amélioration de la technicité et les efforts de modernisation des entreprises agricoles qui ont su s'€™adapter malgré une conjoncture plutôt morose. Cette capacité d'€™adaptation et cette compétitivité maintenue, en dépit des potentialités limitées d'€™une région située en zone intermédiaire, amène la région à miser aussi sur l'€™export. Avec cependant l'€™inconnue de la future Pac : les particularités des zones intermédiaires comme la Bourgogne, seront-elles prises en compte ? La vocation exportatrice de la région se confirme d'€™année en année et les démarches qualité mises en œuvre par les producteurs amènent en bonne place les productions régionales sur les marchés en France et à l'€™étranger.

[INTER]Une agriculture à la fois spécialisée et diversifiée[inter]
Tout aussi évidente, la spécialisation des territoires se poursuit avec une corrélation marquée entre les enjeux de territoires et les enjeux de filières. Les productions de céréales et d'€™oléagineux dominent nettement en Côte d'€™Or et dans l'€™Yonne (75% de la production régionale) alors que l'€™élevage s'€™impose en Saône et Loire et dans la Nièvre (85% des exploitations bovins viande de la région). La polyculture élevage fait figure d'€™exception (10%) et la viticulture reste concentrée dans ses zones de production historiques. Ainsi, depuis plus de trente ans, les territoires poursuivent leur spécialisation. Attention cependant à ne pas sous estimer le rôle et l'€™impact économique des autres productions hors des trois grands secteurs (élevage, grandes cultures et viticulture). La diversification des productions régionales et le développement des circuits de proximité jouent un rôle non négligeable dans la richesse régionale.
A côté de l'€™agriculture conventionnelle, l'€™agriculture biologique poursuit son déploiement. 95 nouveaux producteurs sont recensés en 2011, mais c'€™est la viticulture qui bénéficie du plus grand nombre de conversions ( 30% des exploitations certifiées). Le maraîchage bio poursuit également sa progression, avec une forte proportion de hors cadre familial. Globalement cependant, après deux années de forte croissance, le rythme des conversions se ralentit. On peut y voir la conséquence d'€™une bonne conjoncture de prix en céréales conventionnelles, corrélée aux incertitudes de la PAC et aux difficultés inhérentes au manque de clarté des différentes réglementations.

[INTER]Une viticulture dynamique et qui investit[inter]
En 2011 la viticulture ne connaît pas d'€™événements perturbants, avec une année climatique plutôt favorable bien qu'€™un été froid et humide ait généré quelques craintes. Au final, l'€™année 2011 a plutôt été d'€™un bon niveau et la commercialisation s'€™est déroulée dans des conditions favorables. L'€™ensemble des résultats économiques est à la hausse, en particulier sur les ventes de vrac et bouteilles qui ont bénéficié d'€™un bon rebond de l'€™export dû à une situation mondiale des marchés plus saine. On remarque que l'€™efficacité économique s'€™améliore pour tous les systèmes de commercialisation, toutefois on note des disparités importantes entre ces systèmes qui se traduisent par un forte variabilité des résultats dans chaque catégorie. Deux tendances à surveiller : le dérapage des coûts de production et l'€™évolution de la production avec une Bourgogne qui a tendance à «blanchir», en augmentant sa production de vin blanc et de crémant, alors que la demande mondiale se porte plutôt sur le «rouge». Les bonnes perspectives de 2012 ne font cependant pas oublier les incertitudes liées à la libéralisation très contestée par les professionnels des droits de plantation et à la parité euro/dollar. Point positif : la Bourgogne peut se prévaloir d'€™une viticulture dynamique qui investit.

[INTER]Grandes cultures : variabilité et adaptation[inter]
La variabilité c'€™est le mot qui caractérise le mieux les résultats de l'€™année 2011. Variabilité sur les rendements et donc sur les résultats qui apparaissent très contrastés en fonction des structures de production et des territoires. Les indicateurs ont plutôt été au vert avec des marchés porteurs et des prix favorables qui ont compensé, mais pour partie seulement, la forte augmentation des charges, engrais et énergie en particulier. La progression du produit reste supérieure à celle des charges opérationnelles ce qui se traduit par une marge brute en légère progression (+50€/ha).
En 2012, la situation climatique a entraîné de nombreux resemis qui génèrent une grande incertitude quant aux résultats à venir. Entre les baisses de rendements sur les cultures gelées et un potentiel altéré sur les cultures de
printemps resemées en «petites terres», le bilan pourrait s'€™avérer négatif.
Dans la perspective des négociations de la réforme de la Pac, les systèmes de grandes cultures vont devoir faire encore la preuve de leur capacité d'€™adaptation pour maintenir une agriculture de production et une compétitivité économique, environnementale et durable.

[INTER]Bovins viande : une productivité en hausse[inter]
Le nombre d'€™éleveurs continue son érosion, mais la productivité régionale progresse en 2011. Le prix de vente des animaux a bénéficié de l'€™ouverture de certains marchés émergents du pourtour méditerranéen, mais la sécheresse du printemps a produit un important déficit fourrager et une augmentation des charges d'€™alimentation. Les revenus restent donc historiquement bas mais la bonne tenue des cours des bovins et la stabilisation des coûts alimentaires donnent de meilleures perspectives pour 2012. L'€™engraissement repart, mais timidement, les signaux positifs qui se profilent (cours du gras, nouvelle prime à l'€™engraissement, projets d'€™ateliers...) pourrait accentuer la tendance. Reste une préoccupation majeure : la convergence entre la fragilité du territoire allaitant régional et le vieillissement des exploitants. Ce qui pose le problème de la cession et de la reprise des exploitations allaitantes. Il va falloir innover pour trouver des formules juridiques et des financements qui facilitent la reprise des structures. Le temps de l'€™exploitation individuelle est peut-être révolu à plus ou moins long terme. Dominique Chambrette ne dit pas autre chose lorsqu'€™il prophétise « l'€™élevage allaitant sera sociétaire demain ou ne sera pas ». L'€™enjeu est de taille pour la Bourgogne, car de la transmission dépend le maintien de la capacité de production de la région. Pour le président de la Caisse régionale du Crédit agricole Champagne Bourgogne, Vincent Delatte, il est essentiel « d'€™installer des chefs d'€™entreprise sur les exploitations d'€™élevage et pas des esclaves de l'€™élevage ». Un propos renforcé par Gilles Abry, vice-président de la Chambre régionale en charge des questions économiques, qui souligne l'€™impérieuse nécessité « d'€™alimenter les outils économiques et de se projeter dans une perspective environnementale et territoriale ».

[INTER]Filière ovin-viande : l'€™embellie[inter]
Pour la première fois depuis vingt-cinq ans le cheptel ovin bourguignon a augmenté. Après des années de « vaches maigres » les années 2010 et 2011 ont été plutôt favorables à l'€™élevage ovin viande qui a vu son cheptel progresser de 1,6% (même si dans le même temps le nombre d'€™éleveurs de plus de 50 brebis a diminué) et le prix des agneaux à la production augmenter de près de 4%. L'€™enjeu reste toujours de satisfaire durablement la demande de la filière, ce qui suppose de conforter l'€™embellie, de consolider la situation des élevages et de mettre à niveau les outils de production. Sur un marché tendu la conjoncture reste favorable à la production. En agriculture biologique, la filière ovine se maintient également et 79% des producteurs pratiquent la vente directe, la bonne valorisation des animaux compensant ainsi les coûts liés à des pratiques d'€™élevage plus extensives. A noter que le suivi pluriannuel Réseau d'€™exploitation a permis de mettre au point des «cas-types», des modélisation de systèmes d'€™exploitation viables et vivables sur le plan travail.
Avec les caprins, essentiellement situés en Saône-et-Loire qui totalise près de 80% des effectifs, la Bourgogne se situe à la quatrième place des régions fromagères caprines. Sur le plateau de fromages, pas moins de trois AOC/AOP caprines, dont le fameux crottin de Chavignol. La vente directe en ferme et sur les marchés s'€™impose à 70% pour une filière qui se maintient avec un nombre constant d'€™exploitations et une légère hausse du cheptel. En 2011, les résultats ont été pénalisés par l'€™augmentation des charges et une nouvelle baisse du prix du lait qui pénalise les exploitations commercialisant leur lait avec les laiteries. Trois éléments fondent la rentabilité des systèmes caprins : le rendement laitier par chèvre, la valorisation au litre et l'€™organisation du travail.

[INTER]Filière polyculture-bovins lait : un mieux certain[inter]
La campagne 2011-2012 a été portée par les prix et la collecte globale en France a nettement progressé. En Bourgogne, la carte du lait se divise en trois bassins, bassin Centre pour la Nièvre (l'€™Yonne a demandé son rattachement à ce bassin), bassin Grand-Est pour la Côte d'€™Or et l'€™Yonne et bassin Sud pour la Saône et Loire. Spécificité régionale, un part non négligeable du lait produit en Bourgogne est sous signe officiel de qualité. C'€™est le cas des AOC Epoisses, Brie de Meaux et/ou de Melun, Comté, Beurre et crème de Bresse et de l'€™IGP Soumaintrain. Là aussi la variabilité des résultats entre exploitations se remarque mais les résultats moyens sont en hausse en 2011. Sous surveillance pour demain : la gestion et le suivi de la contractualisation, la gestion de la production répartie sur trois bassins laitiers. Le marché du lait bio, collecté par Biolait se maintient mais les conversions restent limitées dans cette production.

[INTER]Filière porcine : des atouts en Bourgogne[inter]
En Bourgogne, comme sur l'€™ensemble du territoire français, les revenus 2011 des producteurs de porcs se détériorent du fait du différentiel entre le prix de l'€™aliment et le prix du porc. Au jeu de la maîtrise des coûts de production, la Nièvre et l'€™Yonne s'€™en sortent mieux que d'€™autres départements. Les 50 000 porcs produits en Bourgogne assurent le maintien de l'€™activité des abattoirs spécialisés, mais les perspectives des mises aux normes pour les truies font craindre une baisse de l'€™activité de naissage et un report sur des importations de porcelets, avec des conséquences économiques et sanitaires qui restent à évaluer. La Bourgogne ne manque pas d'€™atouts pour cette production avec ses vastes zones céréalières. Reste à régler le problème de l'€™acceptabilité des projets de bâtiments qui suscitent toujours autant de manœuvres d'€™obstruction.

[INTER]Filière avicole : une dynamique positive[inter]
La filière est dynamique et communique largement pour le faire savoir. En 2011 le revenu a progressé et les résultats des élevages se tiennent bien. La moitié des volailles abattues en Bourgogne sont produites sur place. En dix ans les productions ont évolué en fonction de la spécialisation des structures d'€™abattage. La forte régression des canards, dindons et autres pintades s'€™est confirmée face à l'€™augmentation de la production des poulets de chair. Les perspectives 2012 restent favorables pour une production très organisée qui répercute l'€™augmentation des coûts de production sur le prix de vente. Cet atelier qui produit de l'€™engrais de ferme est particulièrement intéressant pour les zones céréalières.
Toutes ces données ont marqué, comme l'€™a souligné Jacques Rebillard dans sa conclusion, « l'€™interdépendance des systèmes ». Leur analyse et les éléments de réflexion qu'€™ils apportent doivent permettre d'€™améliorer dans une perspective de durabilité et de vivabilité des systèmes, la gouvernance de l'€™agriculture en Bourgogne.