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Activité des sols

Des sachets de thé pour un pré-diagnostic de l’activité des sols

Le programme international tea bag a été mis en place pour mesurer la capacité des sols à stocker le carbone. Dans l’Yonne, 390 sachets ont été enfouis en 2018 : les premiers résultats ont été interprétés par la Chambre d’agriculture.
Par Orianne Mouton
Des sachets de thé pour un pré-diagnostic de l’activité des sols
La Chambre d’agriculture de l’Yonne a présenté les premiers résultats des 390 sachets enfouis dans différentes parcelles du département.
Ils ne disent pas tout, mais ils peuvent orienter la compréhension du fonctionnement de ses sols. Les sachets de thé sont plutôt appelés par leur nom anglais «tea bag» quand ils sont ne sont pas infusés dans de l’eau pendant trois minutes… mais dans la terre pendant trois mois. Les tea bag, un thé vert et un thé rouge (roibos) contiennent tous deux de la matière organique. En enterrant cette matière organique dans leur sachet, non biodégradable et perméable seulement aux micro-organismes, on peut étudier la dégradation de la matière organique. Le thé vert représente la matière organique fraîche (MOF) : les débris végétaux et animaux ayant un C/N de 12 en moyenne. Le thé rouge est similaire à la matière organique stable (MOS), de la matière humique provenant de l’évolution de la MOF, avec un C/N de 40 en moyenne.

L’expérience tea bag
Le protocole est simple : trois sachets sont enterrés au même endroit à 8-10 cm de profondeur, et y sont laissés pendant trois mois au printemps, période où l’activité biologique est la plus intense. Les sachets récupérés sont renvoyés à la Chambre d’agriculture pour être pesés, une fois secs, pour connaitre la perte de matière précise. Les résultats donnent les ratios suivants : S pour le thé vert, qui représente la capacité du sol à huméfier plus ou moins de la MOF, donc stocker de la matière organique ; K pour le thé rouge, représentant la capacité du sol à déstocker de la MOS (humus).

390 sachets enterrés dans l’Yonne en 2018
Les résultats des 390 sachets enterrés dans l’Yonne en 2018 ont été interprétés. Ils concernent 65 parcelles de différents groupes de travail : Silex en Puisaye, Dephy Grandes Cultures répartis sur le département, Dephy Vignes et Durasolvie dans l’Auxerrois et le Chablisien, et Plaine du Saulce sur les plateaux de Bourgogne.

L’analyse des premiers résultats observés dans le département ne permet pas réellement d’interpréter des caractères, puisque les références de ce type de tests manquent encore.

La Chambre d’agriculture de l’Yonne a cependant étudié les résultats en comparant les situations et les groupes.
Les résultats de dégradation de la matière organique ont été étudiés en fonction de plusieurs critères : type de production ; type de culture ; technique culturale (labour, technique culturale simplifiée, semis direct) ; Type de sol (profondeur, texture, hydromorphie) ; conduite (conventionnel ou bio).

Des critères d’influence à préciser
Après trois mois dans le sol, les sachets de thé vert ont perdu plus de 50% de leur poids, ce qui représente une bonne dégradation de la MOF. La dégradation la moins importante concerne les parcelles de vignes. L’analyse de l’indicateur S montre des résultats différents selon les groupes : l’occupation de la parcelle et la nature de sol semble influencer ce paramètre.
La dégradation est plus mitigée pour le thé rouge, exprimée par l’indicateur K: seule la moitié des sachets ont perdu au moins 35% de matière, la MOS est donc moins déstockée que la norme établie. Les résultats des tests ne permettent pas de mettre en évidence des facteurs d’influence de K, sans exclure qu’une combinaison de critères puisse avoir une incidence.
Suite à cette étude, présentée le 6 mars dernier, la Chambre d’agriculture souhaite poursuivre l’expérimentation et fournit des kits de tea-bag aux agriculteurs désireux de mettre en place ce suivi. Enterrer des sachets de thé a l’avantage d’être une opération accessible à tous et peu onéreuse, bien que l’expérience donne uniquement des premiers éléments de réflexion. Sa reproductibilité permettra de constituer des bases de données complètes sur plusieurs années pour créer un référentiel important et peut-être un jour une interprétation fiable.

Aller plus loin dans les analyses et interprétations

Des analyses et des interprétations ont été réalisées en comparant les différentes situations des parcelles.
Les résultats des paramètres S et K en fonction de divers critères ont été étudiés individuellement :
- Sous différentes cultures, on observe des comportements différents. En vigne ou en culture de  légumineuses, on retrouve un stockage plus important de MOF et un déstockage plus faible de la MOS. Globalement, on a de plus faibles minéralisations (alimentation) dans ces situations. Au contraire des cultures oléagineuses et céréales, où la tendance est inverse.  La nature des MOF pourrait expliquer ces différents comportements.
Les critères intrinsèques du sol ont une influence sur le S et le K : profondeur, texture, hydromorphie (saturé en eau de manière saisonnière). Les cas où la MOF est le plus stockée et la MOS la moins déstockée (cas ci-dessus), sont soit en sols superficiels, soit à texture argileuse, soit non hydromorphe. Plus un sol va s’approfondir, présenter une texture plus sableuse ou avoir un problème de circulation d’eau, plus ces sols auront des capacités de stockage de la MOF réduites et potentiellement des taux de déstockage de MOS forts. Ce dernier peut être considérer comme alertant, car on « attaque » le stock sans le reconstituer.
- Les techniques culturales ont montré également des différences de résultats. Le labour présenterait de faibles capacités à stocker la MOF et à déstockage de la MOS.
L’étude n’est pas allé jusqu’à une analyse multicritères, par manque de données constituants différents groupes.
Valérie Duchenes, pédologue, Chambre d’Agriculture 89