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Économie

Augmenter ses ventes à la ferme

Pour éviter les erreurs, des agriculteurs non formés à l’organisation d’un magasin suivent des stages d’aménagement commercial et de marketing. Exemple en Ardèche.
Par Pierre-Louis Berger
La vente de ses produits à la ferme, dans son propre caveau ou dans sa boutique est devenue un formidable enjeu pour les exploitants agricoles. «L’intérêt des circuits courts côtés consommateurs et producteurs est incontestable. Les producteurs tirent les avantages d’une valorisation financière de leurs produits, une valorisation personnelle (retour d’analyse ou de réactions des consommateurs, remise en question pour mieux coller au marché.) Le circuit court permet de reprendre contact avec la réalité du marché économique et du marketing. Les petites exploitations n’ont pas la capacité en termes de volume de s’intégrer dans les marchés économiques pour rivaliser, face à la grande distribution, aux marchés de masse. Il leur faut des outils stratégiques, économiques et de marketing. Suite aux crises alimentaires successives, le consommateur veut en savoir plus sur l’origine des produits. Il fait plus confiance aux connaissances du producteur» reconnaît Pierre Broussart, spécialiste dans l’aménagement intérieur et commercial des magasins, à la tête du cabinet de consultants dans l’Ain «Linéoscope». Pierre Broussard a été consultant pour le groupe Carrefour et a conseillé des centres commerciaux et des commerçants dans les centres villes. Il propose ses compétences aux points de vente collectifs et points de vente individuels à la ferme dans le sud est de la France. La chambre d’agriculture de l’Ardèche a fait appel à lui dans le cadre d’une formation sur trois jours. Sophie Trintignac- Baujeu conseillère en production fermière à la Chambre d’agriculture, conseille les porteurs de projets individuels ou les agriculteurs installés dans la transformation à la ferme et la vente directe. Elle suit avec intérêt ce stage : «Les trois jours se déroulent sur des exploitations qui ont des points de vente. Le formateur fait un diagnostic personnalisé des points de vente sur place ou d’après photos. Ce stage bouscule les idées en douceur. Il associe la théorie à la pratique. C’est une formation à vocation économique. On évite ainsi un grand nombre d’erreurs de conception, d’éclairage du caveau, de circulation de la clientèle, de choix et de présentation des produits. Les producteurs connaissent mal la distribution.»

Pas de savon à l’huile d’olive
Un vigneron caviste, Bernard Vigne, et un oléiculteur d’Ardèche, Éric Martin, ont participé à cette formation. Ils sont installés dans des régions très touristiques et doivent répondre à un afflux de clientèle pendant la période estivale. Leur motivation pour suivre ce stage de trois jours, à chaque fois sur un point de vente différent était «d’avoir un regard extérieur sur notre projet, prendre du recul et avoir des conseils d’aménagements intérieurs pour dynamiser la vente» détaille Bernard Vigne. Le domaine Vigne réalise plus de 80 % de ses ventes au caveau, à la ferme et sur les marchés locaux. 20 % de la clientèle est étrangère et touristique : «Notre caveau est devenu trop petit et mal adapté pour accueillir des visiteurs. Nous organisons des visites à la ferme, dans les vignes, qui se terminent à la cave par une dégustation en groupes. Nous voulons doubler l’espace de vente du caveau qui est trop petit et peu fonctionnel et créer un nouveau local à côté pour accueillir les groupes de plus en plus demandeurs. On veut tout réorganiser et éviter des erreurs de marketing. Cette formation m’a donné des pistes de réflexion au niveau de l’éclairage, de la disposition des produits, des bouteilles, du sens de circulation dans l’espace de vente. Il faut réfléchir notre espace de vente comme un show room. Notre idée est de stocker les cartons de bouteilles à l’extérieur pour gagner plus d’espaces dans notre lieu de vente. Les travaux doivent démarrer cet hiver.» Éric Martin, 32 ans et installé depuis 2008 à mi-temps, a dû revoir son concept d’espace vente à la ferme suite à la formation. Il possède 20 ha d’oliviers, un moulin à huile (prestations de services pour les particuliers et les agriculteurs) et un espace de vente : «J’ai suivi ce stage pour corriger des erreurs d’aménagement, de présentation de produits, d’éclairage. J’avais créé une petite zone de vente d’attente dans un décor très cosy avec table et chaises. Les clients ne venaient pas dans cet espace. J’ai dû modifier la conception de tout mon point de vente. J’ai privilégié un éclairage de zone, la vente de paniers que je fais moi-même. J’ai assemblé les produits par famille, épicerie sucrée, épicerie salée, huile d’olive, cosmétiques. Avant le stage, je ne vendais pas de savons, car ils étaient placés avec les produits cosmétiques plus chers. Aujourd’hui, ils sont placés, différemment, sur la banque d’achat, j’en vends un panier/jour. Tous ces petits détails accumulés ont boosté mes ventes. Je réalise 50 % de mon chiffre d’affaires à la vente à la ferme.»