Grêle
Dossier vignes : réagir face à la puissance croissante des orages de grêle

Cédric Michelin
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Le dispositif antigrêle installé en Bourgogne et dans le Beaujolais a été beaucoup sollicité en 2022. Il peine à répondre totalement aux phénomènes météorologiques d’une ampleur toujours plus inhabituelle qui ont frappé la France l’année dernière.

Dossier vignes : réagir face à la puissance croissante des orages de grêle
Témoignage de la violence de certains orages désormais : ces bottes de foin propulsées dans les vignes.

L’Association régionale d’étude et de lutte contre les fléaux atmosphériques (Arelfa) en Bourgogne a tenu récemment son assemblée générale pour le secteur Saône-et-Loire/Sud et Rhône/Nord. Son président, le côte-d’orien Thiébault Huber (également président de la CAVB), a présenté le bilan financier d’une année particulièrement difficile. À l’équilibre, il est doté d’une réserve d’environ 200 000 € en cas de coup dur. L’occasion de faire baisser la cotisation à 6 € / hectare pour un total de 265 210 €, contre 307 222 € en 2021, alors que l’association ne bénéficie plus de subventions des Régions BFC et Aura. Pourtant, les charges ont pratiquement doublé, passant de 88 503 € à 165 867 € en raison, notamment, de l’augmentation de la consommation de la solution acétonique qui a coûté cette année 85 680 € contre 20 400 en 2021. En effet, plus il y a d’alertes, plus on consomme cette solution essentielle au dispositif antigrêle. Or l’alerte a été déclenchée à 22 reprises en 2022, contre 12 en 2021. En cause, des phénomènes météorologiques de plus en plus violents et récurrents qui s’étalent sur une période de l’année plus importante. En 2022, l’Arelfa a enregistré cinq alertes de grêle au mois de septembre, du jamais vu depuis la mise en place du système régional. Jusqu’en 2021, les dernières alertes de l’année étaient données fin août.

Deux témoignages sur de gros orages

Autre phénomène : la violence particulière des chutes de grêle. En témoignaient deux vignerons présents à l’assemblée générale. Le premier a vu son vignoble détruit à près de 95 % le 23 juin : « Lorsque l’orage est arrivé, nous n’avons même pas eu le temps d’ouvrir la porte de la voiture pour nous protéger. Nous nous sommes réfugiés derrière le véhicule pour assister, impuissants, au phénomène. Il n’aura fallu qu’une dizaine de minutes pour voir la quasi-totalité de notre récolte détruite ». Un autre, basé dans les Pierres dorées, raconte les trois chutes de grêle qu’il a affronté en 2022 et interroge sur l’efficacité des générateurs. Thiébaut Huber a insisté sur le fait que l’Arelfa n’a jamais prétendu pouvoir empêcher la grêle de tomber. Le principe de ces générateurs (voir encadré) est de minimiser l’impact de menaces météorologiques en réduisant la taille des grêlons. Autre avantage, dit-il, « les assureurs réduisent de 48 % les indemnisations dans les secteurs où il n’y a pas de protections anti-grêle ». Si l’Anelfa (association nationale) continue à défendre son système, donné à 50 % d’efficacité, elle reconnaît que ces phénomènes météorologiques « deviennent plus violents étant donné le changement climatique », insiste Gérald Monamy. Ce technicien du réseau qui s’étend de Villefranche-sur-Saône à la Nièvre, est largement revenu sur les impacts de ce changement avec des évènements orageux extrêmes rarement observés en France. « Entre le début du mois de mai et la fin du mois de juin, à 1 400 mètres d’altitude, les températures étaient supérieures de 10° à 20 °C ». Un phénomène qui a engendré la création de super-cellules orageuses au cœur desquelles se forme, potentiellement, une chute de grêle de taille parfois importante.

Des phénomènes monstrueux

Sur les six dernières années, il était rare d’en observer. En 2018, trois super-cellules successives se sont formées à 30 minutes d’intervalle. Le 23 juin 2022, un train de huit super-cellules, d’environ 60 km de diamètre chacune, a traversé la France avec les conséquences que l’on connaît. « Dans ce cas, l’alerte de l’Arelfa fonctionne et les générateurs sont allumés. La première super-cellule aspire les particules d’iodure d’argent et relâche de la grêle plus fine. Une demi-heure plus tard, la seconde super-cellule arrive, alors qu’il faut une heure et demie pour que le dispositif fonctionne, la grêle est un peu plus dense. Idem pour la troisième, mais là, les générateurs n’ont plus la capacité d’agir ». Autre phénomène, toujours plus inquiétant : la cellule mésocyclonique à moteur droit de 100 km de diamètre qui a traversé la France et notamment provoqué deux tornades majeures. Elle est passée sur Lyon, sous Tarare puis Ambérieu-en-Bugey avant de continuer sa route. Une cellule de ce type est si puissante qu’elle s’autorégénère et peut durer dix heures, contre trois ou quatre heures pour une super-cellule et une heure pour une cellule orageuse normale. Le changement climatique impacte tout particulièrement la Vallée du Rhône, jusque dans l’Yonne. En 2019, l’office mondial de la météo a déclassifié toute cette zone qui est passée de climat tempéré en climat subméditerranéen.

Le technicien de l’Arelfa a voulu faire une mise au point en rappelant que « le système, tel qu’existant, n’empêchera jamais des chutes potentielles de grêle. Sa fonction est de réduire, autant que faire se peut, la taille de la grêle. Le fait qu’un, ou plusieurs générateur(s) n’ai (en) t pas fonctionné lors d’une alerte ne remet pas en cause la protection des zones à proximité ». Ce qui compte, selon lui, c’est la quantité de générateurs en fonction et, donc, un pourcentage suffisant pour « saturer » l’atmosphère en noyaux glaçogènes. Le président de l’Arelfa Bourgogne rappelle que 170 bénévoles, dont une moitié de vignerons, sont mobilisés sur le Beaujolais pour couvrir plus de 20 000 hectares de vigne. Ils ont été particulièrement sollicités en mai et en juin, ces deux mois ont concentré 65 à 72 % des alertes de la campagne 2022. Ils ont en outre dû répondre à quatre alertes de nuit… Pour répondre à ces alertes nocturnes, mais aussi pour pallier quelques oublis et/ou problèmes techniques, l’association teste des systèmes d’arrêt automatique. Les premières remontées montrent une certaine efficacité pour gérer la consommation de produit afin d’éviter les oublis d’extinction en fin d’alerte. Pour rappel, le fonctionnement non justifié d’un poste la nuit, durant 15 heures en moyenne, engendre un surcoût de 100 €.