Attaques de loup
Le positionnement des acteurs institutionnels

Chloé Monget
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Dans notre dernière édition, Gricha Lohmann exprimait ses interrogations face aux positionnements des Pouvoirs publics et autres organismes sur la menace que peut représenter la prédation du loup pour les animaux d’élevage. Dans un souci de partage, nous donnons la parole aux différents acteurs : Chambre d’agriculture de la Nièvre, Parc Naturel Régional du Morvan et Préfecture de la Nièvre.

Le positionnement des acteurs institutionnels
L'institut de l'élevage offre des informations sur les chiens de protection : https://idele.fr/chiens-de-troupeau/publications/detail-article?tx_atolidelecontenus_publicationdetail%5Baction%5D=showDossier&tx_atolidelecontenus_publicationdetail%5Bcontroller%5D=Detail&tx_atolidelecontenus_publicationdetail%5Bpublication%5D=1310&cHash=b8d402ad3e6ed3d7f2921241de20a227. Crédit photo : Crédit photographique : J. F. Guittard

Les éleveurs se sentent seuls face à la prédation, mais certains acteurs du territoire mettent des moyens à leur disposition (chiens de protection, filets électriques). Malgré tout, ceux-ci ne semblent pas suffisants pour garantir à 100 % la protection des cheptels. Dans certains cas, ces moyens peuvent engendrer de nouvelles problématiques comme des comportements dangereux des chiens de troupeaux envers des personnes ou des animaux étrangers au cheptel… Pour le moment, aucune réponse idéale n’a été trouvée, mais une chose paraît sûre : les éleveurs attendent de nouvelles réponses afin de continuer à exercer leur métier. De leur côté, les acteurs institutionnels font le point.

La Chambre d’agriculture

Si la Chambre d’agriculture de la Nièvre ne se positionne pas ouvertement sur une régulation drastique du loup, elle s’est néanmoins engagée, lors de sa session du 23 septembre, à allouer 500 euros, dans son prochain budget, à l’association des Lieutenants de Louveteries de la Nièvre. Didier Ramet, président de la Chambre d’agriculture de la Nièvre avait martelé : « au vu de la population de loups qui semble grandissante dans les départements voisins et des attaques, dans notre département, où « la responsabilité́ du loup n’a pas été écartée » (comme le mentionnent l’OFB et la DDT), l’État doit tout mettre en œuvre pour que le loup ne s’installe dans nos territoires. Les mesures de protection ne sont pas adaptées à nos élevages dispersés. L’élevage ovin, qui ne cesse de décliner, n’a pas besoin d’un problème supplémentaire à résoudre ».

Le Parc Naturel Régional du Morvan

Du côté du Parc Naturel Régional du Morvan, Cyril Brulé, vice-président et référent à la « Maison du Parc », s’exprime : « Nous avons créé, il y a quelques années, le groupe Loup pour permettre aux exploitants et aux autres acteurs du territoire d’échanger. Il a été mis en veille, faute d’animateur, mais nous allons le relancer au vu de la situation et des questionnements des éleveurs. Une délégation va se rendre dans le Haut-Jura dans les mois qui viennent afin d’observer les moyens mis en place là-bas, car ce département compte une population lupine plus importante et sédentarisée. Aller voir ailleurs ce qui se fait est indispensable pour avoir toutes les clefs en mains afin de proposer des solutions ici, c’est un transfert d’expérience ». Il stipule : « Le Parc ne remet pas en question la protection du loup, notre but est de faire cohabiter cette espèce avec l’activité humaine – ce qui n’est pas aisé, j’en conviens. Nous devons soutenir les éleveurs pour qu’ils puissent s’équiper. D’autres moyens pourraient être mis en place, je pense à une application d’alerte dédiée aux éleveurs, qui pourraient communiquer entre eux, et avec les institutions, en temps réel en cas d’attaque supposée. Cela permettrait de casser l’isolement ressenti par certains, mais aussi de récolter plus d’informations. Les études de vulnérabilité doivent être un départ pour chaque exploitation située dans une zone à risque, reste à savoir qui les prend en charge. Je suis persuadé qu’il ne faut pas négliger l’aspect humain, dont, entre autres, le traumatisme ou la détresse qu’une attaque peut causer. Souvent, ce n’est pas l’argent perdu le problème, mais le choc psychologique qui en découle. Même si le groupe Loup mis en place ne résout pas tout, il donne un espace pour parler ».

La Préfecture de la Nièvre

Selon la Préfecture de la Nièvre « le département est considéré comme situé en front de colonisation du loup. Si les attaques de troupeaux par des loups, notamment sur les ovins, sont plus récurrentes dans l’est de la Bourgogne-Franche-Comté (BFC), celles localisées dans le département sont, à ce jour, isolées, peu nombreuses et mettent souvent des chiens en responsabilité. Au cours des cinq dernières années, le passage du loup a pu être identifié de façon ponctuelle dans le département. À ce jour, aucune présence certaine n’a pu être formellement validée dans la Nièvre. Aucun individu ou groupe d’individus sédentarisé, n’est identifié chez nous contrairement à plusieurs secteurs de la région. Il n’y a aucune certitude à ce jour sur l’origine des attaques intervenues depuis le début de l’année. Des expertises sont en cours sur les dernières attaques intervenues récemment ».

Transparence de l’État

La préfecture poursuit : « Concernant la notion de transparence de l’État sur le sujet, le protocole de communication de l’information visant à informer à juste titre les différents acteurs directement concernés a été ajusté début 2022. Il est basé sur un principe d’information à diffusion progressive au fur et à mesure des vérifications réalisées sur chaque cas d’attaque afin de ne pas générer des inquiétudes inutiles. Il prévoit lorsqu’un constat de dommage est réalisé, une information du maire, des différents services de l’État, et des représentants de la Chambre d’agriculture. Une fois les conclusions techniques émises, celles-ci sont communiquées à l’éleveur et aux personnes déjà avisées. Si une décision de « Loup non écarté » (LNE) est émise, cette information fait alors l’objet d’une communication de la situation aux éleveurs proches du lieu d’attaque par la Chambre d’agriculture et d’un communiqué de presse afin de ne pas diffuser à tort de fausses informations. Le comité loup qui suit ce sujet est également avisé à chaque décision de LNE avec un point sur la situation locale. En cas de divergence entre éleveurs et le Préfet sur le classement d’une situation d’attaque, celui-ci peut solliciter l’étude de son dossier dans une commission spécialisée de recours. Elle s’est réunie pour la première fois début novembre à la demande d’un éleveur ovin. La prochaine réunion annuelle du comité départemental « loup » se tiendra en décembre. Un point de situation sera fait ».


Rappel des situations

Dans un souci de précision, la préfecture rappelle que « lorsqu’il s’agit de statuer sur les circonstances d’une attaque, il est privilégié un classement dit « Loup non écarté » (LNE) chaque fois qu’un doute permet de ne pas exclure totalement la responsabilité du loup. Quand bien même d’autres facteurs peuvent converger fortement vers une responsabilité autre, notamment des chiens errants. Ce type de décision permet à l’administration d’aider l’éleveur dans la réparation de son préjudice. Lorsque ce classement LNE est pris, cela permet à l’éleveur de solliciter un soutien matériel par le prêt temporaire d’un kit de clôture électrifiée. Une autre situation courante est la décision « cause indéterminée » qui ne donne lieu ni à indemnisation ni à la possibilité de prêt de matériel. Elle se définit quand l’attaque met en avant des éléments non caractérisés, ou inexploitables, souvent liés à de la surprédation par les charognards. Dans ces situations particulières une décision LNE ne peut être prise car elle conduirait à générer une fausse information de la présence du loup. Dans les communes où des attaques ont donné lieu à un classement LNE au cours de l’année en cours et des deux précédentes et dans les communes limitrophes, les éleveurs peuvent solliciter une aide financière à la protection de leurs troupeaux au titre de l’arrêté dit de cerclage. Dans 64 communes en cercle 2 l’aide à l’acquisition de clôtures électrifiées s’ajoute aux dispositions concernant la mise en place de chiens de protection et leur entretien courant. Ces dispositifs sont peu utilisés dans la Nièvre : aucun dépôt de demande d’aide sur l’achat de clôtures électrifiées et seulement 4 éleveurs qui ont réalisé la mise en place de chiens de protection avec une aide financière de l’État depuis la mise en place du cercle 3 en 2020 ».