Crémants
Des bulles festives, toute l’année

Pierrick Bourgault
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Les crémants, en particulier d’Alsace et de Bourgogne, sont les seuls vins dont la consommation augmente en France. À l’apéro ou à table, une envie de fête et de prix légers.

Des bulles festives, toute l’année
Alsace, Bourgogne, Bordeaux, Die, Jura, Limoux, Loire ou Savoie… les ventes de crémants ont repris de plus belle à la fin des restrictions liées au Covid-19. (Crédit Pierrick Bourgault).

« Champagne pour tout le monde ! » clamait Jacques Higelin dans son album enregistré en 1979, même si le plus prestigieux des vins n’est pas à la portée de tous. En effet, dénicher un champagne à moins de 15 € relève de l’exploit, voire de la témérité, tandis qu’un crémant de qualité coûtera deux à trois fois moins qu’un bon champagne. Le crémant est un vin effervescent mousseux obtenu par la méthode traditionnelle, la double fermentation en bouteille à la manière champenoise, mais dans une autre zone d’appellation géographique : Alsace, Bourgogne, Bordeaux, Die, Jura, Limoux, Loire ou Savoie. L’an dernier, ces crémants ont dépassé la barre symbolique des 100 millions de bouteilles vendues (contre 300 millions de champagnes). Ne pas confondre avec les effervescents produits en « cuve close » par la méthode Charmat industrielle, à la prise de mousse rapide et aux prix encore plus bas, dont le prosecco à la mode. Ni avec les « pet nat » ou pétillants naturels dont la fermentation inachevée laisse du sucre de raisin dans la bouteille – certes agréable à boire, mais ce n’est pas la même histoire. Pourquoi les effervescents sont-ils appréciés du public ? Durant la crise de la Covid-19, l’annulation des mariages, banquets et autres rassemblements festifs a sabré les ventes, qui ont repris de plus belle à la fin des restrictions. Le crémant est tendance car il s’associe à la fête, à la convivialité, aux plaisirs. Il se déguste à l’apéritif, au dessert ou au cours du repas, au fil des accords mets-vins. Blanc et parfois rosé, il profite de la mode des vins clairs tandis que la part de marché du rouge diminue. Ainsi, le verre qui accompagne les repas quotidiens est remplacé par un vin plaisir, festif et moins fréquent. La moindre teneur en alcool joue aussi en faveur des crémants (11,5 % à 13 %, rarement davantage).

Crémants de Bourgogne

Quelle différence avec le champagne ? Aucune, sinon que ses vignes poussent un peu plus au sud. Dans la continuité géographique des terroirs de Champagne, et avec les mêmes cépages (pinot noir, chardonnay…), les vignerons de Rully et Nuits-Saint-Georges tentent depuis 1820 de reproduire le succès champenois, en pratiquant les mêmes techniques de double fermentation dans la bouteille. Les raisins doivent être cueillis à la main afin de ne pas briser la peau – sinon, il serait difficile d’élaborer un vin blanc avec le pinot noir, le jus sortirait rosé. Autre fine différence, le gamay est autorisé en Bourgogne, pas en Champagne.

Les premiers jus pressés sont les plus aromatiques et expressifs car ils proviennent de la partie centrale de la baie. Ils sont réservés aux cuvées millésimées, Éminent ou Grand Éminent. Comme pour le champagne, l’étape de l’assemblage réunit années – sauf bien sûr pour les cuvées millésimées – et cépages. La prise de mousse s’effectue par ajout de sucres et de levures avant la seconde fermentation. Ensuite, maturation sur lattes d’au moins 12 mois (24 mois pour la mention Éminent et 36 pour Grand Éminent).

Depuis 1992, l’expression « méthode champenoise » doit être remplacée par « méthode traditionnelle » tandis que « crémant », qui qualifiait autrefois un champagne léger à la mousse crémeuse, n’est plus usité en champagne. Même si l’appellation « bourgogne » est aussi prestigieuse que « champagne », ses bulles restent bon marché. Ainsi, le crémant de Bourgogne brut Moillard, ceux de Louis Bouillot, Catherine et Didier Tripoz, Vérizet, Cave de Lugny et Veuve Ambal (famille Piffaut) affichent leurs premiers prix à moins de 10 €. Les cuvées suivantes dépassent 10 €, les producteurs répercutant l’augmentation des verriers sur ces bouteilles plus lourdes que pour un vin tranquille.

Crémants d’Alsace

Premier effervescent consommé en France après le champagne, le crémant d’Alsace voit ses ventes dépasser les objectifs. « C’est aussi le vin dont les parts de marché ont le plus augmenté l’an dernier », se réjouissent Pierre-Olivier Baffrey, président de la coopérative Bestheim et Vanessa Kleiber, directrice marketing et communication. Leurs expéditions de crémant ont dépassé de 17 % celles de 2019, année de référence avant le Covid. Les 6 millions de bouteilles de crémant d’Alsace que Bestheim produit chaque année ne suffisent pas à étancher la soif d’amateurs toujours plus nombreux. Les cépages s’éloignent de ceux du champagne : pinot blanc, gris, riesling, auxerrois… en plus du chardonnay et du pinot noir. Créée en 1946 sur les ruines des chais dévastés par la guerre, la coopérative Bestheim rassemble désormais 377 familles membres, soit 10 % de la superficie viticole de l’Alsace. Elle est le plus important acteur des vins et crémants d’Alsace. Du point de vue qualitatif, sa production s’enorgueillit de ses excellents classements dans les concours d’effervescents, devant certains champagnes. En 2016, la Confrontation des meilleurs vins effervescents du monde à Dijon (Bourgogne) a sacré un crémant d’Alsace, la cuvée « Grand Prestige Rosé 2014 » de Bestheim, devant des champagnes renommés. La coopérative sait aussi proposer des bouteilles purement festives et bon marché, telle sa gamme Ice by Bestheim destinée à être dégustée avec des glaçons, en cocktail. L’équivalent du rosé-piscine ou du prosecco, pour démocratiser les bulles !