Héliciculture
Des fondations solides pour la filière escargot
Cela peut sembler paradoxal mais même en Bourgogne l’élevage d’escargots fait face à une réelle fragilité. Connaissances, pratiques, évolutions… le besoin de structuration de la filière se fait plus que jamais sentir. À la Chambre d’agriculture de Côte-d’Or, c’est désormais la mission qui échoit à Alice Cubillé.
Escargots et Bourgogne riment tellement dans l’imaginaire collectif qu’on ne peut imaginer que ce mode d’élevage puisse être confronté à des menaces réelles pour son avenir. C’est pourtant le cas et l’arrivée d’Alice Cubillé, conseillère-animatrice de la filière escargot à la Chambre d’agriculture de Côte-d’Or traduit une prise de conscience régionale dans ce domaine. En place depuis janvier sur un poste financé par le Conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté (BFC), la jeune femme assume la conduite de priorités définies par la Fédération nationale des héliciculteurs de France (FNHF), constituée par des groupements dont le Groupement des héliciculteurs de BFC (GHBFC) qui fédère 39 des 68 éleveurs régionaux. À la base, il y a le constat, largement partagé en France, d’une fragilisation et d’un manque de reconnaissance de la filière hélicicole. De ce point de vue, le Covid et son cortège de fermetures ou d’annulations (restaurants, marchés, foires…) ont agi comme un révélateur : la filière s’est retrouvée en panne de débouchés et sans pouvoir s’appuyer sur des aides gouvernementales jugées inadaptées. D’où, aujourd’hui, le besoin d’exister de manière plus solide et structurée.
Relancer la recherche
Pour y parvenir, les priorités sont de plusieurs ordres : d’abord relancer une recherche en déshérence mais qui constitue un outil indispensable pour permettre aux éleveurs de perdurer et progresser. « L’élevage d’escargots, souligne Alice Cubillé, est relativement récent. Il remonte aux années quatre-vingt. Avant cette période, il y avait du ramassage en milieu sauvage, interdit aujourd’hui. Vers la fin des années soixante-dix, de la recherche s’est développée, avec l’Inra et l’Institut technique de l’aviculture (Itavi), afin de tenter de mettre sur pied des démarches d’élevage, avec des races qui sont les petits-gris et les gros gris ». Active dans ce domaine jusqu’au début des années 2010, la recherche s’est progressivement mise en sommeil ces quinze dernières années, en raison du départ en retraite des chercheurs, d’une absence de relève et d’un certain désintérêt pour ce secteur. « Il faut à nouveau permettre à la filière de capitaliser sur les connaissances, poursuit Alice Cubillé, en particulier pour éviter les pertes dans les élevages dont les raisons précises sont difficiles à cerner, mais qui sont liées à la fois au changement climatique et à la prédation ». La jeune conseillère s’est donc attelée à la tâche de bâtir un programme de recherches qui nécessitera un appui de la part des Régions BFC et Auvergne-Rhône-Alpes (Aura). Sur ces deux Régions, un état des lieux va être dressé afin de connaître les pratiques des éleveurs, mais aussi pour tester des formulations alimentaires et mieux connaître les besoins des escargots. « Le but, c’est de permettre aux éleveurs de gagner en autonomie ».
Consolider les installations
L’agroforesterie, identifiée comme un des leviers pour renforcer l’héliciculture, sera aussi intégrée dans ce programme de recherches. Les Régions BFC et Aura possèdent chacune un centre de formation à l’héliciculture, l’un au lycée agricole Châteaufarine de Besançon et l’autre à La Motte-Servolex, en Savoie. Ces deux structures vont rejoindre le réseau de partenaires qui est en cours de constitution, aux côtés de l’Inrae et de l’Itavi. Il faut aussi compter avec la Chambre d’agriculture de Côte-d’Or qui va apporter son expertise en matière d’agroforesterie, ou encore avec le Syndicat des sélectionneurs avicoles et aquacoles français (Sysaaf) qui va aider à établir un état des lieux génétique du secteur. Autre priorité pour Alice Cubillé : fortifier le réseau au niveau des Chambres d’agriculture et faire en sorte que les porteurs de projets en héliciculture puissent avoir des référents dans ces Chambres. Il va aussi lui falloir renforcer la communication autour de l’héliciculture, créer des évènements, tels que des portes ouvertes qui devraient se tenir début août dans des fermes hélicicoles et peut-être une participation aux Terres de Jim, la grande fête nationale des JA, qui va se tenir dans le Doubs début septembre. Au final, le but de la structuration attendue de la filière, c’est aussi de favoriser les installations en héliciculture et de les pérenniser car les chiffres montrent qu’en moyenne, les héliciculteurs passent rarement la barre des dix années d’existence. Une part non négligeable ne va pas au-delà de 3 ou 4 ans. Face à ce constat, Alice Cubillé émet quelques hypothèses : « souvent, il y a une sous-évaluation de la charge de travail d’un mode d’élevage, dont on estime un peu vite qu’il n’est pas trop lourd de ce point de vue, ou qu’il ne réclame pas un investissement énorme. Pourtant, la difficulté à produire est réelle et impose d’acquérir des connaissances et de bénéficier de partage de savoirs. La rentabilité et les coûts de production sont aussi parfois mal appréhendés. Les niveaux de pertes peuvent alors être décourageants ». La reconstitution de fondations solides pour l’héliciculture de BFC devient donc une nécessité.