Témoignage
Attaquer la « montagne » par le flanc du collectif

Berty Robert
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Emmanuel Raillard est céréalier bio en Côte-d'Or. Il transforme son blé en farine et en pâtes alimentaires qu'il commercialise déjà en restauration collective dans certains collèges. Approvisionner les lycées l'intéresse, à condition de se frotter à la complexité des appels d'offres. Pour cela, il a fait le choix d'une approche collective.

Attaquer la « montagne » par le flanc du collectif
Emmanuel Raillard, devant une partie de sa production de pâtes alimentaires en cours de séchage. Approvisionner la restauration collective des lycées serait pour lui une véritable opportunité.

Pour Emmanuel Raillard, l'expérimentation lancée par le Conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté (BFC) dans le cadre de sa démarche Relocalisation des achats de denrées alimentaires (Rada) est incontestablement un choix politique fort et une opportunité réelle de débouché. Mais cette expérimentation, dans laquelle sont impliqués vingt lycées de BFC, réclame des efforts d'adaptation. Pour ce céréalier bio de Côte-d'Or, installé à Montagny-Mornay-Villeneuve-sur-Vingeanne et producteur de pâtes alimentaires et de farine avec sa marque « Le Moulin de Léopaul », la question de l'approvisionnement de la restauration collective est une préoccupation de longue date. Il fournit depuis plus de cinq ans plusieurs collèges du département qui lui passent commande via la plateforme Agrilocal, ou en direct. Emmanuel Raillard produit chaque année entre 6 et 7 tonnes de pâtes artisanales, à base de farine de blé, grand épeautre ou petit épeautre. Séduisante, la démarche Rada l'est véritablement, à condition de parvenir à se confronter à une mécanique d'appels d'offres complexe, en conformité avec la réglementation européenne.

Double tranchant

« Je ne connaissais pas la réglementation qui se rattachait à ces appels d'offres, précise Emmanuel Raillard, j'ai donc suivi une formation proposée par la Chambre d'agriculture. » C'est là qu'il a découvert le projet Rada, qu'il qualifie d' « intéressant et de très ambitieux, mais avec un double tranchant : moi, petit producteur, je me retrouve au même rang que des grossistes ou semi-grossistes. De ce fait, participer à ces appels d'offres est compliqué administrativement. Heureusement que nous sommes secondés dans les démarches par le service dédié de la Chambre d'agriculture de Côte-d'Or. Face à ce défi, les grosses sociétés ont un avantage, par rapport à nous : elles disposent de services juridiques qui savent travailler sur cette complexité, ce qui n'est pas mon cas… » Agriculteur, producteur, transformateur et même commercial : Emmanuel Raillard doit déjà assumer un grand nombre de fonctions. Même si, en tant qu'agriculteur, il a habitude de devoir être sur des fronts différents, cette logique a quand même ses limites. Il n'en demeure pas moins qu'à ses yeux, l'opportunité d'approvisionner des cantines de lycées avec ses pâtes ou sa farine reste porteuse et attirante. « Par ce biais, j'ai aussi l'ambition d'avoir des volumes à livrer plus importants. » La question des volumes est importante, le problème est que candidater à un appel d'offres ne garantit pas que l'on soit choisi. « Peut-être que la Région devrait prévoir un cadre réglementaire spécifique adapté aux petits producteurs locaux, poursuit-il, parce que nous n'avons pas les capacités de répondre à ces appels de la même manière que des grossistes. Les appels d'offres se font par lots et si on ne répond pas à l'un des lots, on n'est pas pris… Certes, la Région doit se conformer à la législation européenne, mais elle doit quand même prendre en compte le fait qu'elle a en face d'elle des acteurs à la taille et aux moyens très différents, si elle veut que cette stratégie Rada porte ses fruits en matière de produits locaux et bio. »

Le collectif, c'est plus simple

Cette difficulté a poussé notre producteur-transformateur à faire le choix d'une réponse en collectif plutôt qu'individuellement. Il est donc passé par la structure Manger bio BFC dont il est adhérent et qui fédère plus de 80 producteurs. Finalement, c'est cette structure qui endosse la charge de répondre aux appels d'offres. « Je crois vraiment que dans ces cas de figure, candidater en groupe représente une véritable opportunité, remarque-t-il, et permet de surmonter la complexité des marchés. Peut-être qu'à l'avenir j'évoluerai et je répondrai de manière individuelle mais, pour l'instant, la candidature en collectif me paraît plus sûre. » Dans le cadre de ce collectif et de l'expérimentation Rada, Emmanuel Raillard a l'objectif de répondre, pour les 20 lycées de BFC impliqués, à hauteur de 1 tonne de pâtes au total, soit environ 50 kg par établissement. Une quantité qui, si elle est validée, réclamera un certain délai pour être réalisée, notre producteur devant également faire avec un outil de transformation de taille relativement modeste. « L'intérêt de répondre en collectif, conclut-il, c'est aussi qu'on a la possibilité de proposer une offre complète de produits, pour répondre à un maximum de besoins. »