Farming Simulator
Derrière l’écran, la passion continue

Jérémie Renger
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Dans le domaine du jeu vidéo, s’il y a bien une licence que les férus d’agriculture connaissent, c’est Farming Simulator. Un jeu devenu la référence de la simulation agricole. Derrière l’écran, de nombreux agriculteurs poursuivent leur passion en ligne. Toujours avec l’amour du métier, les désagréments en moins.

Derrière l’écran, la passion continue
Avec plus de 4 millions d’exemplaires vendus pour la dernière édition, Farming Simulator est devenu, plus que jamais, une référence dans son domaine. (Crédit : Giants Software)

Entre la réalité du métier de Sébastien Claudel et la fiction, il n’y a qu’un pas ou plutôt qu’un bouton : celui de son ordinateur, qu’il allume pour jouer à Farming Simulator. Car si la journée, il est employé agricole à Wihr-au-Val (68), le soir, c’est derrière son écran qu’il poursuit sa passion. Quand il a le temps en tout cas. En été « pas trop car j’ai un peu plus de travail », dit-il, en hiver « 30 minutes à 1 h 30 tous les deux jours ».

Sébastien est un fan de la première heure. En 2008, le jeu développé par Giants Software voit le jour. A cette époque, il n’a que neuf ans mais déjà une fascination non dissimulée et bien développée pour le monde agricole. Alors quand il tombe sur la jaquette du jeu, au hasard d’une sortie avec ses parents, il n’hésite pas. Il découvre le jeu, son univers, ses fonctionnalités et devient très vite un fan qui ne manquera pas les différentes éditions qui suivront. Huit en tout. Et depuis 2008, le jeu évolue sans cesse.

Arrivée du mode multijoueur (permet à plusieurs personnes de participer ensemble et simultanément à une même partie) et de la méthanisation en 2011, de la sylviculture en 2015, des trains de frets en 2017 ou encore de l’élevage de chevaux en 2019. La dernière édition (2022) est marquée par l’arrivée de deux nouvelles cultures : viticulture et oléiculture. De quoi correspondre encore davantage au quotidien de Sébastien qui passe régulièrement ses journées dans les vignes.

Ces évolutions ont surtout permis à Farming Simulator de devenir de plus en plus fidèle à la réalité du monde agricole et c’est ce qui plaît à l’employé agricole de 24 ans : « Il y a de plus en plus de défis économiques, l’usure du matériel et la gestion des cultures qui s’est bien améliorée au fil des versions ». Il faut dire que la licence ne ménage pas ses efforts pour dépeindre au mieux l’univers agricole. Plus de 400 machines, outils et équipements sont présents dans le jeu avec les marques les plus renommées du domaine : Deutz, Massey Ferguson, New Holland, Case IH, Valtra et bien d’autres encore. D’un clic et une fois la journée de travail écoulée, l’employé agricole peut retrouver le décor de son métier. « Je cherche à avoir le matériel le plus proche possible de ce que j’ai dans la vie de tous les jours. Dans ma partie, j’ai trois tracteurs, les trois de la marque Massey Ferguson, les mêmes que j’utilise au quotidien ».

Collègue de ferme, ami de jeu

Installé à Kappelen (68), Guillaume Koerper, 25 ans, a repris l’exploitation familiale il y a maintenant deux ans. À l’instar de Sébastien, il joue à Farming Simulator depuis la première édition, et ce ne sont pas ses journées d’agriculteurs désormais bien remplies qui lui feront oublier le jeu. À la tête d’un cheptel de 200 bovins, c’est avec ses salariés qu’il poursuit, le soir venu, le développement de son exploitation mais, cette fois-ci, derrière un écran. « Après le travail, on se pose et on joue avec mes collègues. On a reproduit la ferme qu’on a chez nous : tracteur John Deere 6155R, moissonneuses, bennes ou encore herses, tout est similaire », indique Guillaume. De fait, Farming Simulator inclut un mode multijoueur pour partager ses aventures jusqu’à seize personnes. Une dimension collaborative qui permet de s’associer sur une même exploitation. « À une époque, on avait fait ça avec des amis. On avait tous notre ferme et on travaillait chacun de notre côté puis lorsqu’on avait besoin, dans les grosses périodes comme les ensilages ou les moissons, on s’entraidait », décrit Sébastien Claudel.

Se connecter pour déconnecter

Poursuivre en virtuel le quotidien souvent éreintant d’un agriculteur a de quoi susciter quelques interrogations. Il y a l’amour du métier, certes, mais, quelles sont les motivations qui les poussent à faire démarrer un tracteur virtuel alors qu’ils viennent tout juste d’en quitter un « vrai » après une journée de dur labeur ? Si Farming Simulator plaît autant, c’est qu’il permet de s’imprégner et de s’approcher au plus près de l’agriculture mais sans les tracas ordinaires de la réalité. « Ils font des efforts au fil des éditions pour être de plus en plus fidèle, mais ça reste beaucoup plus simple quand même », explique Guillaume.

La réglementation, notamment, est loin d’être aussi contraignante et complexe. « Il n’y a pas besoin de faire des rotations de cultures par exemple », complète Sébastien Claudel. Les plaisirs de l’agriculture sans les tumultes du terrain. « Et si au bout d’un moment on en a marre, on éteint le jeu et c’est réglé », dit-il. Un bon moyen de déconnecter après une journée bien remplie. Pour autant, ces facilités réduisent quelques fois le réalisme du jeu. « Au niveau des prix, c’est bien éloigné et c’est un peu trompeur. Dans la vraie vie on ne gagne pas des millions comme dans le jeu », souhaite rétablir Guillaume. Avis partagé par Sébastien, pour qui la simulation mériterait à gagner en réalisme, et en particulier au niveau des aléas climatiques : « Ce serait bien s’ils ajoutaient la gestion de l’eau ».

Susciter des vocations

Avec plus de 4 millions d’exemplaires vendus pour la dernière édition, Farming Simulator est devenu, plus que jamais, une référence dans son domaine. Et ça, le ministère de l’Agriculture l’a bien compris. En 2021, il lançait « Farming Simulator : le Tournoi » : une compétition d’eSport pour donner envie aux jeunes de s’intéresser aux métiers de l’agriculture. Une bonne façon de susciter des vocations. Dans le lycée agricole dans lequel Sébastien Claudel a fait ses études, nombreux sont ses camarades de classe qui avait le jeu installé sur leur ordinateur. « À l’internat, on y jouait tous les soirs. Ça permet d’être à la ferme sans y être », dit-il.

Pour Théo Arnold, 17 ans et passionné d’agriculture, le jeu est, en ce sens-là, pédagogique puisqu’il permet de faire connaître toutes les facettes du métier : « Je vis en Alsace mais en fond de vallée. Chez nous on ne voit pas trop de moissonneuses ou des choses comme ça, Farming ça nous fait connaître tout ce qui est blé, moisson. Si on me pose des questions là-dessus j’arrive à y répondre mais que grâce à Farming ». Apprendre et découvrir l’agriculture tout en s’amusant, voilà l’ambition de la simulation agricole qui a encore de beaux jours devant elle.

Jouer à Farming, ça rapporte

Comme tous les jeux vidéo, Farming a le droit à sa propre ligue d’E-sport. La cinquième saison de la compétition qui débutera en juillet promet, à la clé, un gain digne des grandes compétitions du type : 200 000 euros. Le principe, un match de 15 minutes qui oppose deux équipes lors d’une course à la récolte au sein de laquelle il faut récolter du blé, assembler des balles, les livrer dans la grange et transférer le grain reçu.

La simulation agricole a le vent en poupe

Si Farming Simulator a su, très vite, se faire une place dans le domaine de la simulation agricole, les autres licences du type ne manquent pas. Sortie en 2021, Roots of tomorrow, est un jeu de stratégie et de gestion qui permet de mieux saisir les enjeux et défis auxquels les exploitants agricoles font face. Le joueur incarne ainsi un agriculteur novice dont la mission est de réussir la transition agroécologique de son exploitation en 10 ans. Farm Together, paru en 2018, est lui un jeu où il faut développer son exploitation grâce à la vente de ses produits. En partant de rien, il faut faire grandir sa ferme via la culture des champs, la récolte de fruits et la gestion d’un cheptel. Dans Statdew Valley, le joueur doit reprendre l’exploitation de son grand-père décédé. Entre agriculture, entretien des animaux et minage, il doit désormais faire perdurer sa ferme tout en la protégeant de la Joja Corporation, une infâme organisation qui envoie des monstres pour détruire ses possessions. Et il est même possible de devenir apiculteur avec Apico, un jeu paru l’année dernière et dans lequel il faut élever, collecter et préserver ses abeilles.