Congrès de la FNB
Lever les incohérences sur l'élevage

Christophe Soulard
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La colère des manifestations agricoles des dernières semaines n’a pas semblé s’éteindre au cours du congrès de la FNB, les 7 et 8 février à Vichy, dans l’Allier. Au cours de la table ronde qui réunissait les congressistes la dernière matinée, des cris du cœur ont permis de faire passer le message.

Lever les incohérences sur l'élevage
Arnaud Rousseau, le président de la FNSEA, est venu apporter son soutien au monde de l'élevage.

Les nombreuses injonctions contradictoires et les incohérences d’un système ont été au cœur de la table ronde marquant la fin du congrès de la Fédération national bovine (FNB), organisé les 7 et 8 février dans l’Allier, à Vichy. De nombreux participants ont exprimé leur exaspération : « Une norme supplémentaire, c’est une taxe en plus et du revenu en moins » ; « Quand on sort le tracteur pour curer les fossés, on est pris pour des criminels » ; « Avec le Green Deal, on perd 15 % de production et dans le même temps, on vient nous parler de souveraineté alimentaire »… Antoine Pellion, Secrétaire général à la planification écologique (SGPE), un organisme placé sous l’autorité du Premier ministre, n’a pu faire qu’amende honorable et convenir que ces incohérences existent. « Il serait difficile de dire l’inverse », a-t-il concédé. Tous les intervenants s’accordent à vouloir conserver l’élevage, notamment bovin, en France et en Europe. « Pour moi, il n’y a pas de débat entre prairies et élevage », a souligné Antoine Pellion, quand Aurélie Catallo, directrice de l’agriculture à l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri), a ouvertement milité pour « prendre en compte toutes les externalités positives des prairies ».

Mauvais exemple de l’État

Tous ont aussi remarqué que l’agriculture, dont l’élevage, doit s’inscrire dans une démarche de transition agroécologique et donc réduire les émissions de Gaz à effet de serre (GES). Il est possible, à volume de cheptel constant, de réduire ces GES de 30 % à l’horizon 2040-2050, a estimé, Grégoire Leroy, chargé des ressources zoogénétiques à la Food and agriculture organization, ou organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). « À condition que nos efforts soient inclus dans le coût de production et donc nos revenus », ont plaidé les congressistes invités à réagir. Or, la décapitalisation en France (-1 million de bovins en sept ans) entame sérieusement le potentiel de production. À cela s’ajoute une « écologie punitive » dénoncée par Dominique Fayel, éleveur dans l’Aveyron et président de la section bovine du Comité des organisations professionnelles agricoles de l’Union européenne (Copa) ainsi que le mauvais exemple de l’État et des collectivités locales qui ne respectent pas les lois Égalim. Au 1er janvier 2022, tous les restaurants collectifs devaient servir au moins 50 % de « produits durables et de qualité », dont au moins 20 % de produits bios. On en est loin. Il faut aussi compter que 16 % de la viande consommée en France provient de pays tiers (hors UE).

« Un pacte agricole européen »

Dominique Fayel demande que chacun, (surtout les politiques) ait conscience des réalités. Pour lui, les dividendes de la paix et la stabilité de nos systèmes (économiques, sociaux…) n’existent plus. « L’Europe a été naïve » de prendre ce postulat comme définitif. C’est pourquoi elle doit changer de paradigme et « revoir ses stratégies, redéfinir ses objectifs en matière de défense, d’industrie, d’agriculture », a défendu l’éleveur aveyronnais. Pour redresser la barre et attirer de jeunes éleveurs, « il faudrait un pacte agricole européen comme on a eu un pacte vert (Green Deal). Il faudrait aussi un choc de simplification de la PAC », a plaidé la députée européenne Anne Sander. Quant à la réciprocité des normes, « prenons exemple sur ce qui se fait dans d’autres domaines, comme la voiture. Qu’elles soient chinoises, américaines, japonaises, italiennes ou françaises, toutes les voitures doivent répondre aux mêmes normes européennes. Appliquons les mêmes règles pour l’agriculture et l’alimentation », a suggéré l’administrateur du Copa.

Les éleveurs pas convaincus

Les congressistes de la FNB qui s’étaient réunis à Vichy sont visiblement restés sur leur faim. Dans un communiqué du 9 février, leurs dirigeants ont dénoncé « une posture floue du ministre de l’Agriculture ». Ils ont été « sidérés par un ministre qui ne leur a accordé qu’une prise de parole à distance, et surtout qui a survolé les sujets en n’apportant que de très maigres explications sur la concrétisation des engagements, et en semant le doute par le flou sur l’ensemble d’autres points ! ». Leur président, Patrick Bénézit a averti : « Si une méthode de travail n’est pas mise en place par le ministre avec eux très vite, et si les choses n’ont pas évolué concrètement dans les jours qui viennent, les éleveurs se mobiliseront en amont et pendant le Salon de l’Agriculture ! »

Le président de la FNSEA en soutien

Arnaud Rousseau, président de la FNSEA, s’est rendu au congrès de la FNB pour porter un message de total soutien aux éleveurs. « Il y a urgence à renforcer et mettre en place le plan de souveraineté pour l’élevage », a-t-il annoncé, estimant que la déduction fiscale pour les éleveurs était « un élément de compétitivité ». Pour avoir des prix rémunérateurs, il faut « que les négociations entre organisations de producteurs et industriels interviennent avant que ces derniers ne négocient avec la grande distribution », a-t-il plaidé. « Il faut toujours continuer à produire parce que la demande est là et aussi parce que nous avons besoin de conserver les outils de proximité ». « Soyez fiers de ce que vous faites », a-t-il lancé aux congressistes. Sur le dossier du bio, il a souligné qu’en moins de dix mois, le secteur avait reçu 144 millions d’euros et que la crise traversée était avant tout un problème de marchés, de débouchés. « Le consommateur ne consent plus au paiement », a-t-il expliqué. Arnaud Rousseau a enfin annoncé qu’il devrait voir très prochainement le commissaire européen à l’agriculture, le Polonais Janusz Wojciechowski.