Climat
À quoi ressemblera la vigne demain ?

Christopher Levé
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Avec le changement climatique, des interrogations ressortent de tous les côtés sur l’image qu’aura la vigne d’ici quelques dizaines d’années. Pour essayer d’avoir une vision de ce que sera l’avenir de la filière et éviter les pires scénarios, la Chambre d’agriculture fait des projections. Les conseillers font également des essais afin d’offrir des solutions aux viticulteurs dans l’objectif de pérenniser la vigne.

Climat
La Chambre d'agriculture de l'Yonne travaille sur divers scénarios afin d'anticiper et contrer au mieux l'impact du changement climatique sur la vigne.

Le principal enjeu du présent et du futur n’est autre que le climat. Et « il concerne tout le monde », tient à rappeler Édith Foucher, responsable du département territoires, environnement et terroirs, à la Chambre d’agriculture de l’Yonne.
Alors, pour essayer de voir à quoi ressemblera le climat dans les années à venir, la Chambre construit des hypothèses pour se projeter. « Il faut bien insister sur le fait que ce ne sont que des hypothèses », insiste Édith Foucher. « On essaye de faire des scénarios basés sur des faits concrets ». Même si ce ne sont que des hypothèses, celles-ci ne sont donc pas faites au hasard. « Dans beaucoup de situations, compte tenu du fait que l’on vient de passer plusieurs années avec des aléas climatiques importants, on a fait le choix, à la Chambre d’agriculture, de se projeter plutôt sur les scénarios les plus pessimistes, en espérant que ce ne soit pas ceux-là qui se réalisent. Cela nous donne un vrai objectif de travail dans la façon d’accompagner les agriculteurs et viticulteurs dans l’adaptation de leurs pratiques. Le but est d’éviter ces pires scénarios ».
Cependant, si l’agriculture peut intervenir de façon significative sur le climat, elle n’est pas la seule. « Tout le monde à son rôle à jouer. Les scénarios que nous faisons sont aussi liés à la politique mondiale. Il faut que chacun œuvre à son niveau et c’est ce que l’on fait à la Chambre, en essayant d’avancer sur des projets concrets, avec des exploitants, toutes productions confondues, y compris la viticulture qui est déjà très engagée dans cette démarche. Car la vigne est une culture pérenne. Son investissement doit rapporter sur plusieurs années contrairement aux cultures annuelles ». Si la vigne est déstabilisée, l’impact peut se répercuter sur plusieurs années.

Des températures en hausse

Alors, comment sont faites ces projections ? « On se base sur des périodes de référence », répond Édith Foucher. « On part toujours sur des données météo réelles. Tout le travail de projection est fait avec Météo France ». Des données entrées ensuite dans l’outil des Chambres d’agriculture, Climat 21, qui met en avant diverses projections avec différents types de scénarios. « La projection se fait à moyen et long terme, c’est-à-dire à échéance de milieu et fin de siècle. Cela permet de donner de la perspective ».
C’est le cas pour les précipitations et des températures, par exemple. « Globalement, quand on fait les projections, il n’y aura pas forcément moins d’eau de pluie qui tombera en 2050 voire en 2100, par contre cette eau de pluie se répartira différemment. Cependant, une hausse des températures moyennes est à constater ainsi qu’une augmentation de fréquence des aléas climatiques. Cela veut dire des situations de canicules avec des problèmes physiologiques sur les plantes (coulure des fleurs, grillure de fruits ou de feuilles), des périodes de gel tardives après les temps doux ce qui cause des impacts plus importants sur la vigne », détaille Édith Foucher.
En ce qui concerne la vigne, des projections sont faites sur la date de début des vendanges. Sans surprise, celle-ci devrait être de plus en plus précoce. En moyenne, elle était au 27 septembre sur la période 1976-2005. Elle est aujourd’hui au 13 septembre sur la période 2021-2050. Elle sera encore plus tôt sur la période 2071-2100 avec un départ annoncé au 6 septembre.

Limiter l’érosion des sols

En viticulture, toujours, des enjeux sont définis pour pérenniser la culture. « Il faut essayer de garder au maximum de l’eau dans le sol. Cela passe par une protection du sol, une couverture du sol. C’est aussi essayer d’augmenter la teneur en matière organique des sols. Ça, on va le retrouver aussi dans d’autres productions que la viticulture », explique Édith Foucher. « L’implantation de haies est aussi importante, pour ramener de la biodiversité, de la vie et donc de l’eau, afin de limiter les phénomènes d’érosion ».
La responsable de pôle à la Chambre met en avant un point spécifique de la viticulture, « qui est fondamental dans la structuration de l’organisation viticole et des marchés : la viticulture est liée à des cahiers des charges de production, eux-mêmes liés à des cépages. C’est un enjeu particulier pour la vigne car on se demande si demain il sera possible ou non de produire du chablis avec d’autres cépages que ceux que l’on a aujourd’hui ? Avec le changement climatique, il peut y avoir une remise en question de l’utilisation de certains cépages, qui ne seraient plus adaptés au climat du secteur. À la Chambre, l’équipe viticole travaille sur des expérimentations dans ses vignes, pour essayer de proposer aux viticulteurs des solutions adaptées ».
Cela restera toutefois possible de faire de la vigne dans le futur. « Ce qui changera c’est la façon de la cultiver. Mais dans les pays chauds, il y a aussi de la vigne. Cependant, la rentabilité économique de la production, elle, pourrait être remise en cause. Mais la vigne continuera bien à vivre », conclut Édith Foucher.