Biodiversité
Un apiculteur du Nord devenu chasseur de frelons asiatiques

Hélène Grafeuille
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Nicolas Sottiau est apiculteur dans l’Avesnois (Nord). Il y a deux ans, toutes ses abeilles ont été tuées par le frelon asiatique. Une espèce qu’il croise de plus en plus dans la région. L’apiculteur a décidé d’agir pour protéger ses ruches, mais aussi la biodiversité.

Un apiculteur du Nord devenu chasseur de frelons asiatiques
Pour Nicolas Sottiau, agir contre les frelons asiatiques est autant une question de protection de la biodiversité qu'un impératif économique pour préserver son activité d'apiculteur.

Les ravages que peut causer le Vespa velutina, plus connu sous le nom de frelon asiatique, Nicolas Sottiau les connaît parfaitement. En 2020, alors qu’il vient de commencer son activité d’apiculteur professionnel, cet habitant de Solre-le-Château, dans la région de l’Avesnois (département du Nord), voit l’ensemble de ses abeilles décimées par ce nuisible en moins d’une semaine. « Les frelons asiatiques les attaquent et les mangent pour récupérer leurs protéines afin de nourrir leur reine. À l’époque, j’avais environ 130 ruches, ce qui représente des millions d’abeilles, il ne me restait plus rien… » Une catastrophe estimée à 30 000 euros, sans compter le manque à gagner du miel que ses abeilles n’ont pas produit l’année suivante. « J’ai dû reprendre un autre travail et reconstituer l’ensemble de mon cheptel. » Il décide alors de passer une formation pour devenir chasseur de frelon. « Lorsque je me suis aperçu qu’il y avait des frelons asiatiques dans le coin, j’ai voulu faire appel à des désinsectiseurs mais les prix étaient très aléatoires et surtout exorbitants, j’ai eu des devis allant de 180 € à 600 €… » La prolifération du frelon asiatique sur le secteur, Nicolas Sottiau assure en être témoin depuis plusieurs années. « Le problème, c’est que les gens ne se sentent pas toujours concernés par cette invasion. Les frelons asiatiques peuvent être très dangereux pour l’homme car si on s’approche trop près d’un nid, ils peuvent attaquer. Leur venin est très allergène et plusieurs piqûres peuvent être mortelles. Mais généralement, ils ne s’en prennent pas à l’homme, alors si le nid n’est pas installé à l’intérieur d’une maison, cela n’est pas forcément gênant. Je peux comprendre qu’ils hésitent à payer pour faire enlever les nids… »

Un problème de biodiversité

Si, pour son activité d’apiculteur, la multiplication des frelons asiatiques est très ennuyeuse, elle l’est aussi pour la biodiversité : « Les frelons asiatiques tuent les abeilles, mais aussi les autres pollinisateurs sauvages. Sans pollinisateurs, c’est la mort de toutes les espèces à long terme. D’autant qu’il n’a pas de prédateur naturel chez nous d’où sa prolifération. Et il ne nous est d’aucune utilité, contrairement au frelon européen qui, lui, régule les insectes comme les moustiques. » En septembre 2022, Nicolas Sottiau a décroché son certificat, appelé Certibiocid, après une formation où il a appris à manipuler la perméthrine, un insecticide qu’on ne peut se procurer qu’à la condition d’avoir cette certification. « Si le nid est accessible, j’y mets de la poudre. S’il est en hauteur, j’utilise un fusil à billes qui libère l’insecticide. Cela permet de tuer les frelons de manière foudroyante. » Notre apiculteur a également investi dans une combinaison spéciale, plus épaisse que celle qu’il utilise pour aller chercher son miel, « car le dard du frelon asiatique est plus grand que celui d’une abeille ». En plus d’un grillage qui protège ses yeux, il porte également une visière en plexiglas, car l’insecte crache de l’acide formique, « un liquide irritant qui peut rendre aveugle si on en reçoit dans les yeux ». Cette activité de chasseur de frelons est complémentaire à son métier d’apiculteur : « Cela me permet de protéger mes abeilles, mais aussi d’aider les gens aux alentours car je pratique des prix raisonnables », assure-t-il.

Intervenir tôt

Pour une intervention, il faut compter entre 60 et 120 € en fonction de la complexité de la situation. En moins de quatre mois, le chasseur de frelons est déjà intervenu une vingtaine de fois sur son secteur, « c’était la grosse période, car c’est à ce moment que les arbres perdent leurs feuilles et on peut alors voir les nids. » Que faire lorsqu’on trouve un nid de frelon ? « Surtout, on ne s’approche pas. Si le nid est dans une maison, on ferme la porte en faisant le moins de bruit possible. » Selon Nicolas Sottiau, les pompiers n’interviennent généralement plus pour les nids de frelons, « ils ont beaucoup d’autres urgences à gérer, mais on peut toujours les appeler car, s’ils ne peuvent pas se déplacer, ils ont généralement une liste de désinsectiseurs à conseiller ». Il faut noter que certaines communes prennent en charge tout ou partie du coût de la destruction du nid, « mais c’est au bon vouloir des mairies », regrette Nicolas Sottiau. Il serait favorable à ce que cette dépense soit prise en charge par les collectivités, « c’est un problème de santé public ». Pour limiter la prolifération, il conseille également de mettre des pièges dès l’arrivée du printemps : « C’est à cette période que les reines vont se remettre en route et chercher à s’alimenter. Si elles sont prises dans un piège, comme une bouteille avec du sirop, c’est un nid de moins à devoir détruire plus tard ! »