Ces agriculteurs sportifs qui visent le haut du podium
Joël Piganiol : «Je quitte les bottes et j’enfile les baskets»

Charlotte Bayon
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Joël Piganiol a participé au trail du Verbier en Suisse, organisé par l’UTMB (l’ultra-trail du Mont-Blanc). Un défi de taille, mais l’agriculteur sportif a l’habitude. Cet éleveur originaire du Cantal, du haut de ses 50 ans, vit au rythme soutenu de deux passions qui demandent du temps, de l’engagement, mais qu’il concilie pour créer son propre équilibre de vie.

Joël Piganiol : «Je quitte les bottes et j’enfile les baskets»
Joël Piganiol, le 7 juillet, au trail du Verbier Saint-Bernard en Suisse. (Crédit photo : Joël Piganiol).

« J’étais plus endurant que tech­nique ». Footballeur depuis ses 11 ans, Joël Piganiol signe la fin de sa carrière à 40 ans. Il décide alors de commencer la course en 2010, quand son beau-frère, lui-même ultra-trailer, le sensibilise à la disci­pline. Trois années plus tard, il rejoint le running club Arpajon à Aurillac, dans le Cantal : un club d’athlétisme qui lui permettra de mettre un pied réel dans le monde de la course. Il réalise son premier ultra-trail (80 km) en 2016 à l’occasion du Grand Raid des Pyrénées. Professionnellement, tout s’accélère, puisqu’il devient secrétaire général de la FDSEA pour deux mandats : une expé­rience qui le mènera à la présidence de la FDSEA du Cantal en 2013, son poste actuel. Ce père de trois enfants de 17, 19 et 21 ans, humble et dynamique, a également transmis sa passion du sport en devenant entraîneur de football et en encourageant ses enfants à progresser dans cette discipline.

Le soutien familial est nécessaire

À travers le sport, Joël découvre les limites de son corps, de magnifiques paysages, mais ce qu’il chérit par-dessus tout, ce sont les moments en famille : « les voir à l’arrivée, c’est toujours beau­coup d’émotion », confie-t-il. Il se sou­vient de l’ultra-trail de la Diagonale des Fous à l’île de la Réunion : « c’était une course mythique. Arriver à Saint-Denis de la Réunion, après une course extrême qui s’est bien passée, et voir ma famille qui m’attendait, c’est aujourd’hui mon plus beau souvenir de course ». Car pour composer avec tous ses engagements, Joël assure que le soutien familial est nécessaire. Cet éleveur a repris l’ex­ploitation familiale, un élevage de 125 vaches limousines, sur 130 hectares, avec son frère, Marc. Ce dernier n’a eu de cesse de l’encourager depuis ses débuts et accepte tout le temps que Joël dédie à la course. « Avec mon frère, on s’organise bien. On a un vacher de remplacement, qui couvre une partie du temps passé à la FDSEA ou à une course importante. Mais j’ai une organisation stricte, pour ne pas renvoyer mes responsabilités à mon frère ou à ma famille », affirme-t-il.

L’agenda à la main

Joël Piganiol ne se déplace jamais sans son agenda, et il « coche les cases », entre famille, travail, entraînements et courses. D’ailleurs, l’ultra-trailer a multiplié les séances de préparation physique et mentale, qui lui ont permis d’affronter de nombreuses difficul­tés. « Pour l’appréhension, la gestion du stress, ça m’a rendu service bon nombre de fois. On a travaillé la marche afghane, qui consiste à caler sa respi­ration sur le rythme de la course. Cela permet d’affronter la douleur et de ne pas abandonner », avance-t-il. Une technique qu’il a adoptée pendant la Diagonale des Fous, qu’il se languis­sait d’accomplir tout en l’appréhen­dant. Mais faute de temps, Joël part souvent à l’aventure sans s’entraîner suffisamment. « Lorsque j’ai beaucoup de travail, je dois réduire le temps que j’accorde au sport et cela passe souvent par une réduction des entraînements », avoue-t-il. Malgré cela, il se satisfait de son niveau et ne se sent pas péna­lisé pour autant. La course pédestre représente pour lui un réel soutien dans une vie captivante et sans répit. « Le sport m’aide à me vider la tête : le métier d’agriculteur est plein de préoccupations, on a toujours quelque chose à faire ou à penser. Pouvoir décrocher pendant une heure, se défouler, ça fait toujours un bien fou », raconte-t-il. Il privilégie la course en fin de journée, pour décompresser. L’effort est pour lui vecteur de bonheur : atteint d’un cancer en 2010, cette époque reste pour lui « un vrai marqueur de vie ». Aujourd’hui, guéri et en parfaite santé, il assure que la course et sa difficulté lui permettent de dompter une douleur qu’il s’impose à lui-même. C’est une des raisons pour lesquelles il dit trouver un plaisir immense dans « l’approche mentale de l’effort », qui prend, pour sa part, « totalement le pas sur l’approche physique ». Son objectif ultime est de participer à ce qu’il considère comme la course la plus prestigieuse au monde, l’UTMB, avec ses 171 km et 10 000 m de dénivelé positif.