Photographie
Le jeu du hasard et du Morvan

Chloé Monget
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Pour son premier recueil de photographies dédié au Morvan, Jean-Luc Pillard explique, par son parcours singulier, l'histoire de cet ouvrage témoin d'une quête de mesure et d'équilibre.

Le jeu du hasard et du Morvan
La photo « ratée » et préférée de Jean-Luc Pillard qui fait la couverture de son livre « Le Morvan : Terre d'eau et de lumière ». Crédit photo : Jean-Luc Pillard / A Nous la Nièvre.

« Je suis venu à la photographie par hasard, et je continue d’avancer en me laissant porter par le courant de la vie. C’est un peu pompeux de dire cela ainsi, mais je crois que c’est un résumé assez fidèle de ce que je fais » déclare Jean-Luc Pillard pour la sortie de son recueil « Le Morvan, terres d’eau et de lumière » (édité par Frédéric Houdaille, H2 COM - À Nous la Nièvre – 25 euros). Il poursuit : « Je ne prétends aucunement représenter l’entièreté du Morvan. C’est simplement un extrait représentatif de ce que je vois de ma fenêtre, de mon environnement proche ». Pour comprendre ce parcours, il faut revenir 10 ans en arrière…

Implosion

À l’époque, Jean-Luc travaille à Paris : « J’avais de grosses responsabilités et dès que je le pouvais, je fuyais cette vie et la pression qui va avec. Une nuit alors que je ne dormais pas, j’ai cherché quasi machinalement un bien à acheter. Je suis tombé sur l’annonce d’un chalet de pêcheur à restaurer dans les alentours du lac de Chaumeçon. Il n’y avait pas de photo de ce dernier mais une seule de la plage juste à côté ; j’ai craqué et immédiatement acheté le bien. J’avais enfin mon petit coin de forêt à moi ! ». Une fois les clefs en poche, il fait des allers-retours avec son bureau parisien et un jour, tout implose. « J’ai eu un surplus de tout : des relations humaines omniprésentes, des exigences des entreprises, des carcans quotidiens dans lesquels on se débat pour vivre… J’ai donc tout quitté et suis parti vivre une année sabbatique dans le chalet pour le rénover et voir si je pouvais cohabiter avec les quatre saisons du Morvan ».

Aucune barrière

Ainsi, sans s’imposer de but précis, il commence les travaux : « j’ai réappris que les choses les plus simples ont un coût et qu’elles ne sont pas là par miracle comme l’eau potable ou le chauffage. C’est pour ces raisons que je voulais une maison qui s’intègre dans ce petit coin de forêt (avec panneaux solaires, toilettes sèches, etc.). En la matière, j’ai compris que les dernières technologies étaient des alliés indispensables pour vivre en permanence dans un environnement parfois difficile ». Au bout de cette année de réfection (ou de réflexion), Jean-Luc réalise que la vie morvandelle au quotidien est possible. Il se met alors en quête d’un nouvel emploi. « J’ai postulé à une offre de médiateur numérique… je n’y connaissais strictement rien mais j’ai été embauché ! Je me suis laissé porter par le courant, sans lutter. Puis, j’ai rapidement pris goût à la photo et la vidéo et j’ai été sollicité par le Parc naturel régional du Morvan pour quelques prestations ». En continuant à naviguer entre de nouvelles occupations - il rencontre Frédéric Houdaille, fondateur de À Nous la Nièvre et des éditions La Tengo, connues notamment pour leur revue à succès Schnock. « Il avait vu mes photos, et m’a dit qu’un livre serait opportun. J’ai dit oui car le challenge m’intéressait, mais on ne peut pas dire que je me considère comme un photographe professionnel au vu de mon parcours - qui est un joyeux bordel pour être honnête ! ».


Se laisser porter

Un peu à l’image d’une goutte se diluant dans une rivière mais pouvant redevenir unique à tout moment, Jean-Luc suit le mouvement de l’éditeur pour son livre « Le Morvan, terre d’eau et de lumière » tout en restant indépendant : « je lui ai envoyé des centaines de clichés et c’est lui qui les a sélectionnées. Je n’en ai imposé qu’une seule, ma préférée, qui d’ailleurs était une photo ratée ! » s’amuse-t-il avant de continuer : « j’ai proposé en parallèle des haïkus car j’aime à les rédiger. Enfin, j’ai déterminé le titre, car il résume ma vision de ce territoire : de la terre, de l’eau et de la lumière ». Pour la suite, Jean-Luc pense à faire une exposition de ces photographies et a un projet de film… « il m’arrive plein de choses intéressantes depuis que j’ai arrêté de lutter contre certaines contraintes de la vie et que je me suis extirpé des cases imposées par les actuels rois des concepts. Je pense continuer à vivre, rien de plus rien de moins. La vie est une grosse blague comico-tragique dans laquelle on est trimballé avec l’impression de tout maîtriser, alors que pas du tout. De ce fait, ne nous prenons pas au sérieux car nous sommes tous des plaisantins ». Une tasse de café à la main sur la terrasse de son chalet de Chaumeçon, Jean-Luc semble en accord avec le « joyeux hasard et bazar qu’est ma vie ». Pour entrevoir son regard retrouvez son livre : « Le Morvan Terre d’eau et de lumière » (édition A Nous la Nièvre (https://anouslanievre.fr/) – 25 euros).