Innovation
« Pâturage additionnel », la solution ?

Chloé Monget
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Le 12 juillet, la Chambre d'agriculture de la Nièvre organisait une rencontre sur le pâturage dans les vignes dans le Sud-Ouest de la France suite au projet Brebis_Link.

« Pâturage additionnel », la solution ?
La rencontre a balayé toutes les possibilités qu'offre le pâturage additionnel. Pour en savoir plus sur Brebis_Link : https://dordogne.chambre-agriculture.fr/innovation-expe/innoverenagronomie/nos-projets-innovants-en-agronomie/le-paturage-ovin-pour-creer-du-lien/#:~:text=Le%20projet%20Brebis_Link%20valorise%20les,et%20sociales%20du%20p%C3%A2turage%20ovin.

Pratique encore sporadique dans la Nièvre, le pâturage des brebis dans les vignes a fait l'objet d'un projet mené par la Chambre d'Agriculture de la Dordogne et l’Institut de l’élevage (Idele) de 2018 à 2021. Nommé Brebis_Link, il portait sur trois axes de travail. Une partie de ces travaux a été présentée par Camille Ducourtieux (chargée de mission ovins, fourrages et nutrition) et Carole Jousseins (cheffe de projet au service Approche Sociale et Travail en Elevage d’Idele) le 12 juillet à la cave des vignerons à Pouilly-sur-Loire. 

Les trois axes 

Ainsi, les trois axes cités au-dessus sont, selon la fiche de présentation du projet (https://dordogne.chambre-agriculture.fr/fileadmin/user_upload/Nouvelle-Aquitaine/099_Inst-Dordogne/Documents/Elevage/FichePresentationBrebis_link-finale.pdf) : 

  • Repérer et analyser les pratiques locales sur des territoires du grand Sud-Ouest et identifier les facteurs favorables, les freins et les leviers potentiels.
  • Tester ces pratiques afin de favoriser leur appropriation sur les territoires du projet. Il s’agit de mettre en place des dispositifs expérimentaux et de démonstrations, montrant aux éleveurs et cultivateurs comment les freins existants tels que les dommages potentiels sur les cultures ou la contrainte travail peuvent être levés. Il s’agit également de produire des références techniques permettant de rationaliser ces pratiques.
  • Promouvoir le pâturage additionnel grâce à l’élaboration et la diffusion d’outils d’appui technique sur tous les territoires où ces pratiques trouvent leur intérêt. Cela passe par la formalisation de cadres juridiques et l’élaboration d’une méthode de mise en relation éleveurs-producteurs-collectivités. 

 

Aujourd'hui ce projet est clôturé, mais la Chambre d'Agriculture de la Dordogne et Idele vont s'atteler au pâturage ovin et bovin dans les surfaces de grandes cultures (pâturage des intercultures semées, chaumes) afin d'obtenir encore plus de données sur cette pratique qui implique du pâturage itinérant et tournant. Camille Ducourtieux insiste : « c'est un système qui ne peut pas se développer à l'infini mais qui permet tout de même de montrer l'intérêt et les limites du pâturage des ovins sur un territoire ». 

Zone viticole : une pratique qui se redéveloppe 

« Autrefois, il y a eu un grand engouement autour de cette pratique, qui s'est ensuite totalement essoufflée à cause d'une image négative, parfois infondée, qu'elle renvoyait sur les viticulteurs. Aujourd'hui, on voit que l'utilisation d'ovins dans les vignes est de nouveau recherchée pour remettre du naturel dans les systèmes » souligne Camille Ducourtieux avant d'ajouter : «  les exploitants optant pour ce procédé lui trouvent divers bienfaits, comme la création de liens sociaux avec les promeneurs ou autre, en plus de l'obtention d'une certaine sérénité à voir des animaux dans leurs vignes ». Au-delà de l'affect, d'autres atouts ont été mis en avant, notamment pour l'amélioration de la flore des inter-rangs. 

Légumineuses en force 

En effet, le suivi Brebis_Link montre une augmentation de 30 % de légumineuses avec le passage de brebis dans les rangs de vigne. Camille Ducourtieux détaille : « le test s'est fait avec un troupeau de 30 brebis romanes / ha qui ont pâturé 18 jours dans une parcelle durant l'hiver 2018/2019. Leur pâturage permet l'éclaircissement du sol avec l'ouverture de percées lumineuses idéales pour la repousse des légumineuses. Néanmoins, il est nécessaire de rappeler que les ovins ne mangent pas tout et ont des préférences qui peuvent évoluer en fonction des lots ou de l'éducation des animaux. En général, ils sont friands d'avoine rude, de colza fourrager, de pois fourrager, de vesce, radis chinois ou encore trèfle d'Alexandrie. Ensuite, ils ne raffolent pas de la féverole ou de la phacélie mais peuvent la manger quand même – nous avons constaté cela pendant l'étude avec une féverole en fleur. Enfin, il faut éviter de leur faire consommer de la moutarde, du Sarrazin ou encore de la vesce velue ». Outre la repousse de légumineuses, les viticulteurs ayant participé au projet ont mis en évidence d'autres avantages agronomiques comme le décalage du premier passage pour le travail du sol en sortie d'hiver ou encore l'amélioration de la vie du sol, mais « pour ce dernier point, il s'agit de ressentis qui n'ont pas été quantifiés » souligne Camille Ducourtieux. 

Bon ou mauvais ? 

La question du cuivre, a été évoquée durant les échanges de la rencontre via un projet mené sur l'AOP Clairette de Die. Avant la mise en pâture, le taux de cuivre dans l'herbe peut être jusqu'à 9 fois supérieur au seuil de toxicité. Camille Ducourtieux et Carole Jousseins martèlent : « la présence de soufre, de molybdène et de fer réduit la sensibilité des animaux et d'ailleurs depuis une dizaine d'années on observe très peu d'intoxications. Cela étant des études sont en cours sur le sujet. Dans tous les cas la situation est problématique si le rapport cuivre sur molybdène est supérieur à 20 mg. Il faut donc, sur les parcelles avec un historique cuivre lourd, faire des analyses sur la végétation pour avoir l'esprit tranquille »

Mise en pratique 

Si l'utilisation du pâturage dans les vignes et plus largement le pâturage additionnel semble une bonne idée sur le papier, il n'en reste pas moins qu'il soulève des enjeux humains à prendre en compte. Carole Jousseins souligne : « Il faut penser à l'éloignement du berger. En fonction, un logement décent sera nécessaire. La qualité de l'accueil peut d'ailleurs avoir une influence sur la reconduite du contrat avec lui ou non. Cette pratique demande un grand investissement du berger et, pour le soulager, les viticulteurs peuvent surveiller le troupeau eux-mêmes ou aider à la pose de filets.Cela a d'ailleurs été observé dans le cadre de Brebis_Link et les vignerons en question furent ravis de l'expérience. D'autres ont choisi de s’organiser collectivement pour faire intervenir un berger , cela demande une bonne organisation et un engagement de tous ». Christophe Rainon (Conseiller spécialisé ovins allaitant  de la CA 58) conclut : « dans la Nièvre, les élevages ovins sont assez éloignés des vignes, cela peut donc être difficile à mettre en place. Mais, cette pratique, si elle est complétée avec d'autres terrains pour les pâtures, peut permettre l'installation de bergers dits « sans terres » »

Louer un cheptel

Camille Ducourtieux a présenté aussi l’engagement du Conservatoire des races d’Aquitaine qui loue aux viticulteurs des brebis de race landaise pour les faire pâturer dans leurs rangs. « Le Conservatoire prend en charge le transport des animaux et toute la partie administrative. Quant aux vignerons, ils s’occupent du cheptel et des déplacements nécessaires pour le pâturage tournant. L’engagement est d’un an renouvelable avec la possibilité de le reconduire. À terme, les vignerons peuvent acheter le troupeau en question ». Renseignements : conservatoire.races.aquitaine@gmail.com ou 05 57 35 60 86.