Stockage de carbone
« Les marges de progrès sont situées dans les sols des grandes cultures »

Propos recueillis par Léa Rochon
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Selon Sylvain Pellerin, directeur de recherches à l’Inrae, l’augmentation du stockage de carbone dans les sols ne peut se faire sans la réduction d’engrais azotés. Utilisés en grandes cultures et en élevage, ces produits dégagent de fortes quantités de protoxyde d’azote (N2O). Interview

« Les marges de progrès sont situées dans les sols des grandes cultures »
Au sein de l’Inrae, Sylvain Pellerin travaille sur les relations entre l’activité agricole et le changement climatique. (Crédit : Inrae).

Quelles pratiques agricoles rejettent le plus de carbone ?

Sylvain Pellerin : « L’agriculture émet du méthane (CH₄) et du protoxyde d’azote (N₂O). À CO₂ équivalent, 50 % des émissions correspondent au méthane produit par l’élevage et la physiologie digestive du cheptel (1), ainsi qu’au stockage des effluents. Ensuite, 40 % des émissions proviennent du protoxyde d’azote qui est émis lors de l’usage d’engrais azotés. Les 10 % restants correspondent au CO₂ émis lors de l’usage d’énergies fossiles, comme le fioul ou le chauffage des bâtiments. Réduire les émissions liées à l’agriculture et au secteur agroalimentaire nécessiterait donc de diminuer la part des produits animaux consommés dans notre alimentation. Mais il faudrait également agir sur la réduction d’émis­sions de protoxyde d’azote, en limitant le recours aux engrais de synthèse et en favorisant l’implantation de légumineuses qui utilisent l’azote de l’air ».

En élevage et en grandes cultures, quelles sont les pratiques agricoles favorables au stockage de carbone ?

S. P. : « A l’échelle française, une étude a montré trois leviers à actionner. Le premier est la généra­lisation des cultures intermédiaires, afin de ne pas laisser les sols nus entre deux cultures, puisqu’un sol nu perd du carbone. Certes, cette interculture ne sera pas forcément destinée à être récoltée, mais elle fera de la photosynthèse et stockera du carbone. Le second levier à actionner est le fait d’augmenter les linéaires de haies et l’agroforesterie. Planter des haies et des arbres permet de retirer du CO₂ de l’atmosphère. Plus un arbre est vieux, plus la quantité de carbone stockée est importante. Mais l’accroissement de ce stock diminue, il peut donc être justifié de remplacer cet arbre par un arbre plus jeune qui va accroître son stock. Enfin, le troisième levier consiste à développer des prairies tempo­raires, plutôt que du maïs ».

Au sein des élevages d’Auvergne-Rhône-Alpes, beaucoup de ces mesures sont déjà mises en place. Où se situent les marges de progrès ?

S. P. : « Dans les zones de prairies, les stocks de carbone sont déjà élevés. Au total, 80 t de carbone/ha sont situés sous une prairie permanente, entre 0 et 30 cm. En grandes cultures, ce chiffre est estimé à 50 t de carbone/ha. Les marges de progrès résident donc dans les sols des grandes cultures. Mais en élevage, comme en grandes cultures, il est encore tout à fait possible de réduire l’usage des engrais azotés et les émissions de N₂O ».

Note : (1) En France, plus de la moitié des émissions de méthane proviennent de la digestion des bovins. Après le C02, le méthane est le deuxième gaz responsable du réchauffement climatique, ndlr.