Emploi
« Donner une chance »

Chloé Monget
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L'association « entreprise à but d'emploi des Vaux d'Yonne » (à Clamecy) et baptisée « le Rebond », constituée en 2021, vient de lancer ses premières plantations sur son site de maraîchage ; focus sur l'avancement de ses projets.

« Donner une chance »
Durant les fortes chaleurs, les salariés se relaient et adaptent leurs horaires pour l'arrosage des cultures.

« Nous sommes une entreprise expérimentale qui doit permettre de démontrer qu’il est humainement et économiquement possible de mettre fin à la privation durable d’emploi à l’échelle de territoires, sans surcoût significatif pour la collectivité, de proposer à toute personne privée durablement d’emploi qui le souhaite, un emploi à durée indéterminée et à temps choisi. Le profil type d’un salarié que nous employons dans l’EBE est un homme dans 70 % des cas, bénéficiant d’une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) dans 35 % des cas. Notre but est de donner une chance aux personnes éloignées du monde du travail suite à des accidents de la vie et qui sont parfois en inadéquation avec les attentes des entreprises » expose Fabrice Daval, directeur de l’Entreprise à But d’Emploi (EBE) des Vaux d’Yonne qui lance sa première campagne de culture maraîchère sur un site bien précis Boulevard Misset à Clamecy.

EBE de Clamecy

Pour rappel, les EBE sont issues de l’expérimentation « Territoire zéro chômeur de longue durée » (voir : https://www.tzcld.fr/) soutenue par ATD Quart-Monde en partenariat avec le Secours catholique, Emmaüs France, Le Pacte civique et la Fédération des acteurs de la solidarité. Depuis la première loi (du 29 février 2016) régissant cette expérimentation près de 60 territoires en France sont habilités (1). La Nièvre est le département le plus doté en Entreprises à But d’Emploi puisqu’il en existe cinq qui emploient près de 200 personnes : l’EBE 58 (Prémery, 105 salariés), L’Établi (Luzy, 15 salariés), Ô’ser (Moulins-Engilbert, 30 salariés), l’EBE des Portes du Morvan (Lormes, 17 salariés) et Le Rebond à Clamecy (25 salariés). Pour cette dernière (dont la zone d’intervention regroupe les 14 communes des Vaux d’Yonne), Fabrice Daval explique : « notre but est contenu dans notre nom, l’EBE le Rebond, car nous avons vocation à être un tremplin pour ceux qui en ont besoin ». Dès novembre 2022, 13 personnes volontaires ont retrouvé un emploi dans l’économie dite classique grâce à l’expérimentation. Aujourd’hui ils sont 23 salariés et deux cadres de direction dont la moyenne d’âge est d’environ 50 ans. « Leurs passés sont variés mais très souvent difficiles. Nos contrats, tous CDI, leur laissent le temps dont ils ont besoin pour se relancer dans la vie ce qui leur apporte également un certain réconfort au travers de cette nouvelle stabilité un peu oubliée » stipule Fabrice Daval. En plus, l’EBE de Clamecy a une particularité : « nous proposons l’adhésion à une mutuelle et une prévoyance en expliquant que cela permet d’éviter certains désagréments. Pour quelques-uns, cette démarche ôte une peur de l’avenir puisqu’ils sont libres de contracter plus d’options que les prestations de bases, afin de s’adapter à leur situation ». Ainsi depuis leur embauche, les salariés partagent leur temps entre la collecte de marc de café (pour la future culture de champignons pleurotes et shiitakés), celle du verre, un atelier de menuiserie, une activité espaces verts, un atelier de couture et une activité de maraîchage bio.

Un site riche

« Le terrain d’environ 4 500 m2 avec la maison attenante, situé 18 boulevard Misset au cœur de la ville de Clamecy est le site qui accueille nos premières cultures maraîchères bios. C’est une renaissance car historiquement il était le lieu de vie et de travail de la famille Picard également maraîchers. Depuis une dizaine d’années ce lieu était très bien entretenu mais non exploité. Avec nos actions, nous aidons à conserver ce patrimoine matériel et immatériel puisque nous reprenons le maraîchage et que nous rénovons la maison attenante. En effet la microculture est inscrite dans le Projet de création de l’EBE avec la mise à disposition par la municipalité de Clamecy d’un terrain dans le quartier Ferme blanche pour y produire des petits fruits rouges ; en raison de la saisonnalité de ce type de plantations et des problématiques de bureaux et stockage de matériel, cette action est provisoirement différée ». Il poursuit : « Nous avons une clause de non-concurrence dans nos missions. Et j’insiste car même si nous devons garder nos comptes à l’équilibre a minima, notre but n’est pas de faire de l’argent mais bien de se concentrer sur le retour à l’emploi des personnes que nous accompagnons. C’est pour cette raison que le site de maraîchage de Clamecy est dédié à des variétés anciennes que les autres maraîchers ne proposent pas. Ce choix est pensé aussi pour avoir d’autres facettes que la culture car nous envisageons une vente directe de nos produits. Ainsi, les salariés feront (re) découvrir ces variétés anciennes aux clients tout en expliquant comment les cuisiner. Cela implique donc : de communiquer avec le public ou encore de proposer des recettes, le tout de manière professionnelle. Nous voyons cela comme une façon de renouer avec la vie sociale, oubliée ou évitée pour certains ».

Retour à la vie

Toujours dans une optique de faire revenir progressivement les personnes en difficulté dans le monde du travail, Fabrice Daval rappelle que le temps de travail est choisi au départ par les salariés. « Si la majorité opte pour un mi-temps au début, ils passent ensuite pour la grande partie à temps plein, car ils reprennent confiance en eux et en leurs capacités. Je pense que c’est totalement improductif d’imposer à une personne au chômage depuis très longtemps de reprendre un temps complet du jour au lendemain, il faut que la reprise soit progressive pour ne pas engendrer de découragement et donc éviter un décrochage total ». Pour le moment les salariés sont payés sur la base du SMIC mais « nous travaillons pour instaurer une gradation des salaires afin qu’ils aient une reconnaissance de leur métier ». À terme, l’entreprise devrait employer 163 personnes réparties sur l’ensemble du territoire des Vaux d’Yonne. Le directeur évoque également l’acquisition prochaine d’autres sites, parmi lesquels un emplacement d’environ 10 000 m2 pour développer d’autres activités telles que la création de serres, la location de vélos, le ramassage des encombrants, des interventions personnalisées chez les particuliers, des livraisons, le nettoyage de véhicules et proposera ses services aux professions agricoles. Plus tard l’EBE ouvrira une unité de transformation et de conservation de fruits et légumes ainsi qu’une activité de curage-démantèlement dans le bâtiment en vue de créer une « matériauthèque ». La liste est longue car : « notre territoire est riche et mérite qu’on y investisse afin qu’il exprime tout son potentiel » insiste Fabrice Daval avant de conclure : « c’est un peu comme avec les personnes que l’on accompagne : on doit donner une chance ! ».

Note : (1) https://www.tzcld.fr/faq/question/un-territoire/

 

Photo supplémentaire
Fabrice Daval indique que les semences proviennent pour le moment de La Ferme de Sainte Marthe avant d'ajouter : « nous voulons à terme travailler avec nos propres graines ».