Eau : irrigation ou abreuvement
Une ressource réglementée

Chloé Monget
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Comme indiqué dans le n° 1709 de TDB, voici les éléments détaillés, par la Direction départementale des Territoires (DDT), lors de la soirée élevage de la FDSEA le 17 novembre dernier.

Une ressource réglementée
La Loi sur l'eau et les SDAGE régissent l'établissement de prélèvement d'eau à usage agricole.

Durant la soirée élevage de la FDSEA (voir notre article TDB n° 1709), le 17 novembre, la Direction départementale des territoires (DDT) est revenue sur la réglementation en vigueur en matière de prélèvements d’eau à usage agricole. La DDT s’est arrêtée sur les deux types de réglementation qui régissent ces projets : la loi sur l’eau et les milieux aquatiques ainsi que les dispositions du schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (Sdage Loire-Bretagne ou Seine-Normandie). Marc Séverac, directeur adjoint de la DDT et Mathieu Dourthe, chef du service eau, forêt et biodiversité, insistent : « la Nièvre étant en tête de bassin-versant avec une multitude de « chevelus » (petits ruisseaux) et de zones à enjeux environnementaux, les procédures peuvent parfois apparaître longues et complexes. C’est pourquoi il est nécessaire de solliciter un cadrage technique et réglementaire (Police de l’eau de la DDT, Chambre d’agriculture) avant de faire quoique ce soit. Au préalable, il est nécessaire de bien mûrir son projet qui doit être quantifié et répondre à un vrai besoin économique. Il faut ensuite définir l’outil approprié au regard de la localisation du projet et bien le dimensionner. Ces projets peuvent en effet être coûteux et il est recommandé de se faire accompagner (chambre d’agriculture, bureau d’études…) ».

La loi sur l’eau

Ainsi, la loi sur l’eau est à prendre en compte que ce soit pour l’irrigation ou l’abreuvement. Cette loi régule les prélèvements qui sont soumis à autorisation, déclaration, ou aucun des deux, selon des seuils définis, différents en fonction du type de prélèvement (voir encadré dédié). Pour les dossiers relevant des seuils de déclaration, un dossier de conformité à la réglementation doit être déposé à la DDT, sans opposition ou demande de précisions de l’organisme sous deux mois le projet peut voir le jour. L’autorité administrative peut s’opposer aux opérations soumises à déclaration si elles ne respectent pas le Sdage en vigueur ou si les impacts sur l’environnement sont tels qu’aucune mesure ne pourrait y remédier. Pour les autorisations environnementales, il faut constituer, là encore un dossier. Une procédure qui comprend une phase d’instruction et une enquête publique, est alors engagée. En sus, un arrêté préfectoral d’autorisation environnementale peut être délivré. Enfin, si le seuil est inférieur aux deux évoqués ci-dessus, le porteur de projet n’a pas de procédure à effectuer – sauf une éventuelle déclaration en mairie – car la loi sur l’eau ne s’applique pas. Attention tout de même car pour certaines zones (Natura 2000 notamment), ou encore en cas de présence d’espèces protégées, d’autres procédures peuvent entrer en ligne de compte et régir l’établissement d’un forage ou d’une retenue. Pour rappel, la loi sur l’eau est applicable aux prélèvements ainsi qu’aux créations de forages ou de réserves.

Forage et prélèvements

Lors de l’élaboration d’un projet, il faut faire le distinguo entre l’ouvrage qu’est le forage et le prélèvement en lui-même. En effet, une autorisation de création de forage n’engendre pas automatiquement une autorisation de prélèvement. Pour rappel, une fois l’accord de création de forage accordé, les travaux sont réalisables dans un délai de 3 ans – au-delà l’accord est caduc. 15 jours avant le démarrage desdits travaux, la DDT doit obligatoirement être informée de l’enclenchement de la réalisation. Enfin, un rapport de fin de travaux doit être transmis – à la police de l’eau – dans les deux mois suivants la fin des travaux. Ce rapport doit contenir le résultat des essais de pompage permettant de mettre en avant les incidences éventuelles du prélèvement sur la ressource et les usages existants – en somme doit respecter l’arrêté ministériel de prescriptions générales du 11 septembre 2003 (1). Ces informations seront déterminantes dans l’octroi de l’autorisation de prélèvement. Marc Séverac martèle : « si les incidences sont trop importantes, l’autorisation de prélèvement n’est pas délivrée. Le forage a donc été fait pour rien ; là encore il faut bien se renseigner avant d’engager de tels travaux ». Outre les essais de pompage et leur incidence, le rapport de fin de travaux doit préciser : le déroulement du chantier, le nombre de forages, puits, sondages effectivement réalisés, la coupe géologique indiquant les nappes rencontrées, la coupe technique précisant les équipements réalisés, les modalités de surveillance et de comblement éventuel, les résultats des analyses d’eau.

Sdage

Outre la loi sur l’eau, la seconde réglementation s’appliquant dans la Nièvre est le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (Sdage). Dans le département, deux existent : Loire-Bretagne et Seine-Normandie. Selon la zone géographique dont dépend le projet, l’un des deux textes régira la demande de prélèvement, le forage ou la réserve – en plus de la loi sur l’eau. Si quelques détails sont différents entre les deux Sdage (notamment le volume de prélèvement défini et strict pour Loire-Bretagne), dans les deux cas la préservation des zones humides est un paramètre essentiel à prendre en compte dans la réalisation de tout projet. L’intégralité des documents relatifs au Sdage Loire-Bretagne (2022-2027) est téléchargeable ici et pour Seine-Normandie (2022-2027) : ici

Forage ou plan d’eau ?

Pour faire choix entre la création d’un forage ou d’un plan d’eau, Marc Séverac détaille : « lors de la constitution du projet, de nombreux paramètres doivent donc être pris en compte, notamment en ce qui concerne la biodiversité. De ce fait, parfois, un forage aura un impact moins important – selon la réglementation en vigueur – qu’un plan d’eau ou une réserve de substitution. Les zones humides, qui remplissent de nombreuses fonctions et ont largement régressé au cours des dernières décennies, font l’objet d’une protection réglementaire forte. Pour les Sdage, les impacts sur ces milieux doivent en premier lieu être évités, c’est-à-dire en cherchant une autre implantation aux projets ». L’article 4 de l’arrêté du 9 juin 2021 (2) définit également des conditions strictes et complexes à atteindre rendant possibles de tels projets. Toujours pour la création d’un plan d’eau, il est donc pris en compte par l’administration : la surface, le mode d’alimentation et le contexte d’implantation. Pour rappel, différentes possibilités existent dans le cas d’une création de réserves : en dérivation, en communication discontinue en aval ou sans communication avec un cours d’eau. Marc Séverac souligne : « la création de barrages sur cours d’eau est à proscrire, car ils engendrent un impact trop important sur la continuité écologique (notamment avec l’empêchement de circulation des sédiments et de la population piscicole) et le régime hydrologique, thermique et physico-chimique des cours d’eau à l’amont et à l’aval » avant d’ajouter : « Dans tous les cas, que ce soit pour un forage, un plan d’eau ou un prélèvement, il est indispensable de contacter la DDT/police de l’eau avant d’engager des travaux et de bien évaluer ses besoins ». Pour toutes informations sur ces sujets : http://www.nievre.gouv.fr/ ou par mail : ddt-sefb@nievre.gouv.fr ou par téléphone : 03 83 71 71 71.

Notes : (1) Lien Legifrance sur l'arrêté ministériel de prescriptions générales du 11 septembre 2003.

(2) https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043936142

 Cours d'eau, comment demander une révision de leur classement ?
La cartographie classifiant les cours d'eau est mise à jour deux fois par an selon la Préfecture.

Cours d'eau, comment demander une révision de leur classement ?

En cas de doute sur une classification concernant un cours d’eau, un recours est possible. Pour ce faire, il faut remplir un formulaire (https://www.nievre.gouv.fr/IMG/pdf/formulaire_demande_expertise.pdf) disponible sur le site de la préfecture (https://www.nievre.gouv.fr/cartographie-des-cours-d-eau-a1863.html) puis envoyer un exemplaire à la DDT par mail ddt-sefb nievre.gouv.fr ou par courrier (DDT- Service Eau Forêt Biodiversité, 2 rue des Pâtis – BP30069 – 58020 NEVERS Cedex). Un exemplaire doit être conservé par le demandeur. Le traitement de la demande peut prendre un peu de temps car cela nécessite, dans la plupart des cas, un retour terrain. Pour les cours d’eau aux frontières du département, il est nécessaire de consulter les cartographies du ou des départements voisins concernés. Afin de connaître la classification, une cartographie dynamique est disponible sur : https://carto2.geo-ide.din.developpement-durable.gouv.fr/frontoffice/?map=9825f567-8897-4ca1-bf11-9630cb6cae33

Enfin, pour l’entretien des cours d’eau, un guide explicatif existe pour savoir qui doit l’effectuer et dans quelles mesures : https://www.nievre.gouv.fr/IMG/pdf/guide_nievre-2.pdf

Les seuils régissant la déclaration ou l'autorisation
Les différentes retenues possibles. Attention, la DDT insiste sur le fait que le barrage d'un cours d'eau est formellement interdit car il fait obstacle au passage des sédiments, à la continuité écologique du cours d’eau et empêche la circulation de faune piscicole et affecte le régime hydrologique, thermique et physco-chimique du cours d’eau. Aussi, les conditions pour obtenir une autorisation pour la création d’un barrage sur cours d’eau sont généralement très difficiles à réunir. Crédit photo : DDT 58

Les seuils régissant la déclaration ou l'autorisation

Afin de déterminer si un projet requiert une autorisation, une déclaration ou aucun des deux, des seuils existent. Pour la création d’un plan d’eau, permanent ou non (avec des vidanges ultérieures), la surface comprise entre 0,1 ha et 3 ha demande une déclaration. Pour une surface supérieure à 3 ha, une autorisation sera requise. En cas de création d’un obstacle à la continuité écologique (piscicole et sédimentaire) si l’ouvrage entraîne une différence de niveau de 20 à 50 cm du débit annuel de la ligne d’eau, il faudra une déclaration. Pour une différence supérieure à 50 cm, c’est une autorisation qui sera nécessaire. Pour modifier le profil en long ou en travers d’un cours d’eau, sur une longueur de moins de 100 m, ce sera la déclaration, pour une longueur supérieure, une autorisation. Pour détruire des zones humides, si la surface de l’ouvrage est comprise entre 0,1 ha et 1 ha, la déclaration sera le document à remplir, pour une surface supérieure à 1 ha, l’autorisation prendra le relais. Pour les prélèvements dans un cours d’eau ou sa nappe d’accompagnement, si le débit de prélèvement est compris entre 400 et 1 000 m3/h ou entre 2 et 5 % du débit du cours d’eau, une déclaration est imposée, pour un débit de prélèvement supérieur à 1 000 m3/h ou plus de 5 % du débit du cours d’eau c’est l’autorisation qui est appliquée. Pour les nappes souterraines, si le volume prélevé est compris entre 10 000 m3/an et 200 000 m3/an, il faudra constituer un dossier répondant à une procédure de déclaration (loi sur l’eau), pour un volume supérieur à 200 000 m3/an, c’est une autorisation qu’il faudra constituer. Pour tous ces cas de figure, si les surfaces, altérations ou prélèvements du projet sont en dessous des seuils minimums indiqués ci-dessous, aucune déclaration ou autorisation n’est nécessaire à la réalisation du projet - sauf pour la création du forage qui nécessite tout le temps une procédure de déclaration (sauf pour un prélèvement < 1 000 m3/an). Cela étant il est tout de même nécessaire d’informer la DDT ou la Police de l’eau de la réalisation de l’ouvrage.

Incompréhension
Le forage en pleine création chez Jean-Charles Zwaenepoel début 2022.

Incompréhension

Face à la réglementation, les cas pratiques peuvent, à première vue, manquer de logique pratique. En effet, pourquoi prélever de l’eau souterraine, engendrant des coûts importants quand un prélèvement en surface semble pouvoir se faire. Pour illustrer cela, Jean-Charles Zwaenepoel (exploitant à Varennes-lès-Narcy) explique : « J’avais une autorisation de forage. Mais avant de commencer les travaux, j’ai voulu étudier le processus administratif d’une création de retenue. En effet, j’en avais déjà une sur un autre site et comme l’accès à l’eau en retenue me paraissait plus simple, je pensais me tourner vers cette solution pour mon projet. Ainsi, un agent administratif s’est présenté pour réaliser un carottage, sur le site en question, afin de mesurer l’oxydoréduction dans le sol (un des critères pour déterminer s’il s’agit d’une zone humide). Après son relevé, il s’est avéré qu’il n’y en avait pas… Donc la création de la retenue aurait pu être possible. Cependant l’agent m’a dit que des analyses complémentaires devraient être faites (analyse de pH du sol) alors même qu’elles ne sont pas demandées par la loi. Voyant la complexité de l’affaire, j’ai écourté le rendez-vous en me disant que j’allais utiliser mon autorisation de forage déjà acquise ; pour plus de simplicité administrative. Que l’on s’attache à préserver l’environnement je suis pour, mais dans mon cas, l’empreinte carbone laissée par la création du forage n’est pas négligeable et me pose question sur la logique de la réglementation ». Pour information, le forage de Jean-Charles Zwaenepoel a été fait pour prélever 50 m3 /h pour 25 ha de maïs, il ajoute : « Si le forage est une solution plus simple, elle engendre une dépense énergétique plus importante, puisqu’il faut plus d’énergie pour remonter l’eau d’une nappe que de la pomper en surface. Pour pallier en partie à cela, j’envisage d’investir dans une rampe frontale qui permettra d’économiser de l’eau et de l’énergie face à un enrouleur ». Marc Séverac indique : « parfois, les prélèvements en surface ne sont pas accordés à cause des débits trop faibles des cours d’eau, ou du cumul de prélèvements déjà existants qui ont un impact fort sur les milieux et la ressource. Le but de la réglementation n’est pas de contraindre mais de borner les pratiques pour que tous puissent avoir une solution adaptée à l’environnement en question ».