Agritourisme
L'agritourisme parie sur les bons produits en Italie

Pierrick Bourgault
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L’Italie développe le marketing touristique sur ses produits et zones d’appellation d’origine. Huile d’olive, vins et fromages témoignent d’une culture millénaire et les visiteurs adorent cette approche sensorielle. Rencontre avec Massimo Garavaglia, ministre du Tourisme.

L'agritourisme parie sur les bons produits en Italie
Buffet cuisiné à l’huile d’olive chez Frantoio Sant Agata. (Crédit photo Bourgault)

Ce n’est pas le ministre de l’Agriculture, mais celui du Tourisme, Massimo Garavaglia, qui est venu encourager les filières agricoles de Ligurie, lors du week-end Oliveti Aperti (Oliveraies ouvertes) les 18 et 19 juin derniers : « Au-delà du vin ou de l’huile, c’est le territoire que l’on met en évidence. On ne vend pas une bouteille mais une expérience émotionnelle, des itinéraires à découvrir, en particulier à vélo électrique. Ce « slow tourisme » durable répond aux nouvelles demandes des visiteurs. Ensuite, ceux qui ont apprécié un repas pourront acheter les produits, les commander sur Internet. L’œnotourisme et l’oliotourisme sont des instruments de développement puissants pour l’Italie, afin de préserver nos emplois ruraux et continuer à entretenir notre territoire. Le rôle des agriculteurs est essentiel. » Le ministre sait le poids du tourisme : 210 milliards d’euros par an en Italie. Et selon l’enquête de Turismo DOP (un organisme qui promeut et met en lumière l’impact des produits alimentaires et agricoles sur le tourisme), 71 % des visiteurs choisissent leur destination en fonction des vins et de la gastronomie. Turismo DOP fournit des outils de marketing aux réseaux des appellations d’origine qui proposent un « tourisme d’expérience » autour des produits à Dénomination d’origine protégée (DOP) et IGP italiens.

Propositions diversifiées

Aux classiques dégustations, visites de caves, de musées, (dont celui dédié à l’huile d’olive de Carlo Carli, près de San Remo) aux itinéraires pédagogiques et ludiques dans les vignes, s’ajoutent des propositions plus contemporaines comme la cueillette d’herbes sauvages ou des cours de yoga donné entre les oliviers. Autre activité : l’initiation à la réparation des fabuleux murs en pierre sèche, omniprésents dans les oliveraies. Les participants à Oliveti Aperti reçoivent un sac en toile et un T-Shirt jaune, des échantillons de crème Carli revitalisante pour le visage et une abondante documentation papier : recettes de cuisine, carte du territoire avec des suggestions d’itinéraires, adresses d’huileries à visiter. Ils peuvent acheter de l’huile et des assortiments de conserves dans l’huile : tomates, aubergines, champignons séchés, filets de thon… Une invitation à préparer des plats faciles, colorés et savoureux. L’Italie cultive cette fierté de nourrir la famille en cuisinant des produits locaux, plutôt que de passer à l’hypermarché récupérer des plats du traiteur ou se faire livrer par Uber Eats.

L’huile d’olive, locomotive de l’approche touristique

Dans le prolongement de la Côte d’Azur française, la Ligurie est une région escarpée et proche de la mer, qui produit depuis l’Antiquité romaine une huile d’olive largement exportée en bateau vers toute la Méditerranée. Ce véritable or liquide servait dans l’alimentation humaine, en cosmétique, en médicament et pour des usages religieux. Le second choix partait pour l’éclairage et en lubrifiant. Pour presser les olives, quelques moulins à huile fonctionnaient avec l’énergie des rares ruisseaux et une roue à aubes, d’autres étaient actionnés par un âne. L’élaboration était identique à celle du cidre en Normandie : écrasage des fruits sous une roue de pierre puis extraction au pressoir à vis. C’était l’époque où un litre d’huile payait la journée d’un homme. Sur les terrasses entre les oliviers, les paysans cultivaient céréales, légumes et herbes aromatiques. Aujourd’hui, ils passent la débroussailleuse pour éviter les incendies. La proximité de la riviera aux yachts luxueux et les plages pour tous les budgets attirent de nombreux touristes, et autant de clients pour les spécialités locales DOP. Mais la cueillette manuelle dans les oliveraies escarpées est concurrencée par les plantations espagnoles sur terrain plat, irriguées, mécanisées. La sécheresse actuelle inquiète les producteurs, dont les oliviers non irrigués donnent des fruits plus petits. Le parcellaire familial est morcelé : la coopérative Olivicola di Arnasco compte ainsi 300 membres pour 170 ha, soit à peine un demi-hectare chacun.

Comme avec le vin

Comment une huile plus coûteuse en main-d’œuvre peut-elle faire vivre économiquement des villages et préserver des emplois agricoles et ruraux ? Giorgio Lazzaretti, directeur de l’appellation Riviera Ligure, confie la stratégie : « Il faut faire le même travail qu’avec le vin. On n’achète plus du rouge ou du blanc, mais telle appellation, tel cépage. Pour l’huile, l’auto-déclaration « extra-vierge » ou « première pression à froid » dont se contente la grande distribution ne suffit pas. L’appellation d’origine garantit la qualité, il y a des contrôles sur toute la filière et des examens chimiques, physiques et sensoriels. Aucune marque ne peut prendre le nom du territoire, c’est la meilleure garantie pour les producteurs. » Pour expliquer terroirs et variétés d’olives, les appellations organisent ces journées Oliveraies ouvertes, ainsi que des formations dans les écoles de cuisine. En même temps, un réseau est créé avec d’autres produits qui ont déjà réussi ce parcours. « On ne dit plus « du fromage italien », mais « parmigiano reggiano, mozzarella di buffala… », poursuit Giorgio Lazzaretti. En France vous avez très peu d’huile, mais il faut la garder, car elle participe à la sauvegarde du territoire. Les appellations garantissent une durabilité d’un point de vue environnemental, économique et social. »