Santé
L’espérance de vie moins grande en campagne qu’en ville

Christophe Soulard, Actuagri
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« À âge et sexe égal, l’indice de mortalité des bassins de vie ruraux est supérieur de 6 points à celui des bassins de vie urbains, ce qui correspond à 14 216 décès par an en plus dans les zones rurales que ce qui serait attendu si l’espérance de vie y était identique à celle des villes », souligne l’étude de l’Association des maires ruraux de France (AMRF) disponible sur son site Internet.

L’espérance de vie moins grande en campagne qu’en ville
Dans une étude de septembre 2020 l'AMRF dénonçait déjà le fait qu’au moins 10 millions d'habitants vivaient dans un territoire où « l'accès aux soins est de qualité inférieure à celle de la moyenne des territoires français ».

Les hommes et les femmes du milieu rural continuent de vivre moins longtemps que leurs semblables des départements urbains. Selon l’étude réalisée avec le concours du professeur émérite des universités, Emmanuel Vigneron, « les écarts d’espérance de vie entre départements ruraux et département urbains se sont aggravés au cours des trente dernières années, pour atteindre près de deux ans d’espérance de vie en moins pour les hommes et un an pour les femmes ». Concrètement un homme en milieu hyper-rural n’avait une espérance de vie, en 2021, que de 78,8 ans contre 80,2 ans pour son alter ego vivant en zone hyper-urbaine. De même, une femme en zone hyper-rurale a une espérance de vie (84,9 ans) moindre que celle d’une femme hyper-urbaine (85,7 ans). L’AMRF (1) concède toutefois que l’écart d’espérance de vie entre la ville et la campagne se réduit. Mais de nombreuses études ayant montré que la Covid-19 avait été plus létale en milieu dense, « cette réduction semble plus conjoncturelle que structurelle ».

Surmortalité

Autre enseignement de cette étude : un indice comparatif de mortalité (ICM), c’est-à-dire, le rapport entre le nombre de décès observés dans le département et le nombre de décès attendus, permet de pointer les disparités entre les régions et les départements. La carte ICM établie par l’AMRF souligne l’opposition qui existe entre centre urbain, sa périphérie et les zones rurales. Citant l’exemple de la Seine-et-Marne, l’étude rapporte qu’en 70 km, l’intensité de la mortalité passe de 1 à 1,6 soit 60 % d’augmentation, presque 1 % de plus à chaque kilomètre qui sépare Fontainebleau (ICM 84) à La Ferté-sous-Jouarre (ICM 133). L’AMRF s’inquiète aussi des effets de bordure, notamment de ces zones situées aux limites des départements et très souvent aux marges des régions à cheval sur deux ou trois des départements. C’est généralement là que les zones de surmortalité sont les plus importantes comme celles situées aux confins du Tarn-et-Garonne, du Gers et de la Haute-Garonne ou de l’Ardèche, de la Haute-Loire et de la Lozère.

Jeunes médecins

L’un des principaux facteurs de cette différence tient en très grande partie à « la bombe à retardement que constitue l’accès aux soins » dans les campagnes, avait déjà souligné l’AMRF dans une étude de septembre 2020. L’association dénonçait déjà le fait qu’au moins 10 millions d’habitants vivaient dans un territoire où « l’accès aux soins est de qualité inférieure à celle de la moyenne des territoires français ». Parmi les régions les plus touchées : Centre, Champagne-Ardenne, Auvergne (hors Puy-de-Dôme) et Bourgogne. Le phénomène pâtit notamment de la désaffection des jeunes médecins pour le milieu rural, la fermeture de nombreux hôpitaux en zone rurale, une forte polarisation de la médecine générale autour des centres universitaires et une concentration des médecins spécialistes dans les métropoles attractives. Ayant moins d’accès aux soins, les personnes âgées rurales sont de fait moins enclines à soigner leurs pathologies. D’autres phénomènes sont à prendre en compte comme la sociologie des populations. On trouve en effet plus de cols-bleus que de cols blancs en milieu rural, plus d’ouvriers avec des métiers pénibles que des professions intellectuelles. Or ces premières ont également et globalement une espérance de vie moindre que les secondes. À l’occasion de sa prochaine assemblée générale le 13 mai prochain à Lyon, l’AMRF organisera une séance de travail pour évoquer l’importance de travailler au déploiement des politiques de prévention en zones rurales, pour éviter le déclassement des pans entiers du territoire.

(1) Association des maires ruraux de France (AMRF). Lien

Hyper-ruralité et hyper-urbanité

Selon les critères retenus par l’Insee, la France compte 14 départements hyper-ruraux qui rassemblent 4 % de la population nationale, soit environ 2,7 millions d’habitants (Mhab). Ce sont l’Ariège, l’Aveyron, le Cantal, la Creuse, le Gers, l’Indre, la Haute-Loire, le Lot, la Lozère, la Haute-Marne, la Meuse, la Nièvre, l’Orne et la Haute-Saône. Viennent ensuite les départements ruraux, au nombre de 40. Ils représentent 25 % de la population totale française (17 Mhab). Ce sont notamment, l’Ain, la Charente, le Tarn-et-Garonne la Vendée ou encore les Vosges. Il existe aussi 26 départements composites (Calvados, Gard, Marne, Pas-de-Calais, Vaucluse…) qui regroupent 31 % de la population. Seuls 7 départements (9 % de la population) sont considérés comme urbains, parmi lesquels la Gironde et la Seine-et-Marne. Enfin 13 départements (31 % pop.) sont catalogués hyper-urbains, notamment Paris et sa couronne, les Alpes-Maritimes et le Nord.