Projets alimentaires territoriaux
Les Projets alimentaires territoriaux sont parvenus à un moment charnière

Actuagri
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L’engouement suscité par le dispositif des Projets alimentaires territoriaux (PAT), qui vise à améliorer l’accès des Français à une alimentation durable dans les structures gérées par les collectivités, amène ceux qui les portent à réfléchir à la façon de s’adapter.

Les Projets alimentaires territoriaux sont parvenus à un moment charnière
D'abord tournés vers l'approvisionnement de la restauration collective, les PAT ont, depuis, élargit leur périmètre. Ils agrègent aussi un nombre croissant d'acteurs territoriaux.

« Moins de dix ans après leur création en 2014 par la loi d’Avenir sur l’agriculture, on compte désormais 430 projets sur tout le territoire, avec une forte accélération depuis le plan France Relance », s’est réjoui Laurent Duval, le coprésident de Terres en villes, lors du premier Carrefour des Projets alimentaires territoriaux (PAT) qui a réuni plus de 300 porteurs de projets récemment à Paris. Selon le co-organisateur de la journée, dirigeant du réseau d’acteurs des politiques agricoles et alimentaires d’agglomérations, « sept Français sur dix demeurent sur un territoire porteur d’un PAT, même si peu le savent aujourd’hui ». Constitués initialement pour rapprocher la production de la consommation dans une relation d’économie durable et essentiellement tournés vers l’approvisionnement de la restauration collective en produits locaux, ces dispositifs soutenus par les pouvoirs publics ont vu leur vocation s’élargir à la lutte contre la précarité alimentaire, la promotion de la santé par l’alimentation ou encore l’aménagement foncier. Une évolution qui nécessite d’intégrer l’ensemble des acteurs de la filière alimentaire. « Nous devons faire participer l’ensemble de l’écosystème, la production, la transformation et la distribution et pas seulement les circuits courts », précisait Laurent Duval. « Cela constitue une petite révolution intellectuelle, car les projets d’origine étaient militants. Or pour être efficaces, nous avons besoin que les circuits longs entrent dans la dynamique », poursuivait-il tout en se disant favorable à la création d’une norme pour ce dispositif et à un « France PAT » au niveau national.

L’implication des Chambres

Les Chambres d’agriculture, qui accompagnent les trois quarts des projets en France, collaborent de plus en plus avec de nouveaux acteurs, « par exemple avec les associations d’aide alimentaire ou avec les professionnels de la logistique », relève Arnaud Delestre, le président de la Chambre d’agriculture de l’Yonne. « Ces projets s’inscrivent dans les objectifs du projet stratégique des Chambres, entre autres de maintenir le nombre d’actifs agricoles sur les territoires, d’accompagner les transitions agricoles, ou encore de conforter des projets de filières voire d’en construire de nouvelles en fonction des besoins ». L’éclosion des projets nécessite également d’en renforcer la coordination. « La métropole de Saint-Etienne et l’agglomération de Loire Forez avaient chacune un projet de légumerie pour approvisionner leurs cantines », témoigne David Fara, vice-président de Saint-Etienne Métropole, en charge de l’agriculture, de la transition agricole et alimentaire. « On a décidé de se parler pour n’en faire qu’une seule ». « La croissance fait qu’on a besoin aujourd’hui d’une véritable plateforme d’échange et de mutualisation entre les projets », assure le sénateur du Nord, Frédéric Marchand, coauteur en 2022 avec Dominique Chabanet du Conseil général de l’Alimentation, de l’Agriculture et des Espaces ruraux (GAAER), d’un rapport sur l’avenir des PAT à la demande du Premier ministre. « Cela pourrait être utile, par exemple, pour réfléchir à l’avenir des abattoirs locaux. »

Mettre en cohérence différentes politiques

L’auteur de la mission d’évaluation plaide également en faveur d’une reconnaissance de la compétence des collectivités en matière d’alimentation, une initiative largement soutenue par les porteurs de projet. « Il suffirait pour cela, explique-t-il, de modifier le Code général des collectivités territoriales en indiquant que les collectivités partagent cette compétence et participent au développement d’un système alimentaire local, durable et résilient, et à la lutte contre la précarité alimentaire ». « Cela nous permettrait de mettre en cohérence nos différentes politiques sociales, de disposer d’une plus grande légitimité pour rassembler les acteurs mais aussi de mobiliser plus de moyens financiers et humains », abonde Frédérique Denis, présidente de la Commission développement durable au Conseil départemental de la Seine-Saint-Denis.

 

L'exemple du PAT Autunois Morvan

La mise en place de projets alimentaires territoriaux a permis de consolider des filières et de pérenniser des outils au profit des agriculteurs locaux. C’est le cas en Bourgogne Franche-Comté, à l’initiative de la communauté de communes du Grand Autunois Morvan. « Le projet est né d’un débat autour de l’abattoir intercommunal d’Autun et de son atelier qui devaient être rénovés », explique Marie-Claude Barnay, présidente de cette collectivité. « Pour engager la réflexion sur son avenir, nous avons créé une commission paritaire, composée de professionnels agricoles et d’élus pour voir comment approvisionner notre cuisine centrale en produits sains et locaux ». Un circuit est mis en place avec une association d’éleveurs permettant que les carcasses de viande bovine soient valorisées en intégralité. « La partie avant, transformée à l’abattoir d’Autun rénové en 2020, est servie dans les assiettes de nos enfants et aînés ; la partie arrière est vendue dans les hypermarchés de la région », poursuit Marie-Claude Barnay. De la même manière, le PAT Autunois Morvan a travaillé avec les maraîchers locaux pour approvisionner ses cantines. « Pour cela, nous adaptons nos menus sur une année complète de manière à partir de la disponibilité réelle des produits », précise-t-elle. Dans le cadre de son projet, la collectivité a accompagné la création de micro-filières lentilles et pois chiche « en partant du besoin et du savoir-faire des acteurs ».