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Adaptation

Une aide pour la filière viticole bourguignonne

Le Comité Bourgogne (ex-BIVB) obtient près de 700 000 euros de fonds publics pour piloter deux programmes stratégiques : Parsada et Cap-2050. Objectif : préserver la compétitivité et la durabilité du vignoble à l’heure où le climat et la réglementation bousculent les équilibres.

Par Cédric Michelin
Une aide pour la filière viticole bourguignonne
Le Comité Bourgogne (ex-BIVB) dispose de nouveaux moyens pour travailler sur le changement climatique et la réduction du recours aux phytosanitaires.

Alors que les épisodes caniculaires et les réductions de droits d'usage de phytosanitaires s’enchaînent, le Comité Bourgogne (ex-BIVB) a annoncé le 6 octobre à Beaune le lancement de deux programmes majeurs : Plan d’action stratégique pour l’anticipation du retrait européen des substances actives (Parsada) et Cap-2050, cofinancés par le ministère de l’Agriculture et FranceAgriMer. Ils représentent près de 700 000 euros de fonds publics destinés à structurer une réponse collective et durable aux défis de la décennie à venir. « Les attentes sociétales sur l’utilisation des produits phytosanitaires et les impacts du changement climatique sont les deux grands enjeux de la filière bourguignonne. Ces deux programmes visent à outiller durablement les entreprises pour y répondre », résume Frédéric Barnier, président de la commission Technique et Innovation au Comité Bourgogne.

Repenser la protection du vignoble

Lancé dans le cadre du plan gouvernemental de 146 millions d’euros déployé entre 2023 et 2028, Parsada s’inscrit dans la logique du « pas d’interdiction sans solution ». Il vise à accompagner les filières agricoles dans la recherche et le déploiement de techniques alternatives aux produits phytosanitaires classiques. En Bourgogne, le projet cible deux maladies redoutées : le mildiou et le black-rot, responsables de pertes de récolte parfois considérables. Il s’appuie sur une cellule technique régionale réunissant Chambres d’agriculture, caves coopératives, conseillers privés et distributeurs. « Le retrait progressif de certaines matières actives est une réalité. Nous devons être prêts, techniquement et collectivement », a rappelé Frédéric Barnier. Ce laboratoire d’idées sera également chargé de recueillir les retours d’expérience des vignerons et de faire émerger des pistes concrètes d’innovation. « Les solutions viendront du terrain : il faut capitaliser sur les pratiques qui fonctionnent », insiste le Comité. L’engagement de la filière porte déjà ses fruits depuis le plan 2015 du BIVB visant à faire des vins de Bourgogne les leaders des vins durables. Depuis 2019, l’usage des biocontrôles a progressé de 200 %, tandis que 68 % des exploitations disposent aujourd’hui d’une certification environnementale ou RSE, et qu’un quart est engagé dans la conversion biologique. Ces chiffres témoignent d’une mutation en profondeur des pratiques et d’une volonté de la filière de s’inscrire dans une trajectoire vertueuse. Pour amplifier cette dynamique, le Comité Bourgogne souhaite structurer un réseau régional de conseillers techniques spécialisés dans les maladies cryptogamiques. Ces experts auront pour mission de diffuser les innovations issues du terrain et d’accompagner les exploitations dans la mise en œuvre de solutions adaptées. Jean-Philippe Gervais, directeur du pôle Technique du Comité Bourgogne, précise les enjeux : « Nous allons manquer d’insecticides contre certaines cibles comme la cicadelle. Il faut aussi trouver des stratégies alternatives, redécouvrir la biologie des champignons (mildiou…) et renforcer les méthodes prophylactiques : effeuillage post-vendanges, décontamination des parcelles en ramassant les feuilles au sol, alternance des familles de produits… » Pour lui, la transition ne consiste pas à supprimer tout traitement, mais à raisonner leur usage : « La résistance ne veut pas dire zéro traitement. Mais on peut envisager de passer de quinze à deux ou trois applications par an », notamment avec les variétés résistantes au mildiou, dont des variétés futures à typicité régionales.

Viticulture d'avenir pour climats extrêmes

En parallèle, le projet Cap-2050, qui sera lancé en janvier 2026 pour trois ans, vise à renforcer la résilience du vignoble bourguignon face aux dérèglements climatiques. Il s’agit d’un programme expérimental destiné à concevoir et tester des systèmes viticoles innovants capables de concilier productivité, qualité et durabilité économique à l’horizon 2050. « Nous n’avons plus de modèle fixe. Il faut composer, année après année, avec des conditions de plus en plus extrêmes », déclare Jean-Philippe Gervais. L’été 2025 a illustré la nécessité de tous ces travaux. « Quinze jours de canicule ont complètement changé la physionomie du millésime », reconnaît Frédéric Barnier. L’épisode a provoqué des pertes estimées entre 10 et 15 %, principalement sur les vins blancs. « Ce sont les précipitations qui font les volumes. Certaines parcelles ont pu bénéficier d’un peu d’eau, d’autres non. Le déficit hydrique de juin, suivi d’un vent chaud et d’un soleil brûlant, a fait des dégâts », a-t-il expliqué, avant d’ajouter : « La canicule n’est plus exceptionnelle. Elle est devenue un paramètre récurrent de notre travail ». Les aléas climatiques ne se sont pas limités à la chaleur. Cette année, la météo capricieuse a rendu la décision de vendange particulièrement difficile fin août et en septembre. « Les prévisions à moyen terme sont de moins en moins fiables. Il faut parfois décider au jour le jour. D'un point de vue organisationnel, c’est un casse-tête : vendangeurs, machines, fenêtres météo… Il faut être sportif ! ». Derrière se posent inévitablement des questions d’ordre économique. « Dans l’histoire, les vignerons de Bourgogne ont toujours su s’adapter : à la crise du phylloxéra, aux guerres, aux mutations économiques. C’est cette intelligence collective qu’il faut renforcer », a rappelé le Comité Bourgogne.

Stratégies agronomiques et économiques

Pour Jean-Philippe Gervais et son collègue, Philippe Longepierre du pôle Économie et Marché, cette transformation ne se limite pas à la technique : « Les stratégies d’adaptation ne sont pas qu’agronomiques. Elles sont aussi économiques. Certaines exploitations diversifient leurs approvisionnements ou revoient leur modèle comptable pour tenir le choc ». Il cite l’exemple de Claire Naudin, viticultrice qui achète du gamay dans le Puy-de-Dôme pour le commercialiser sous sa marque : « C’est aussi une stratégie d’entreprise. Le projet Vitilience intègre pleinement cette dimension économique ». Avec Parsada et Cap-2050, la Bourgogne structure une réponse ambitieuse et cohérente à deux mutations majeures : la transition agroécologique et le dérèglement climatique. En plaçant la recherche, l’expérimentation et la coopération au cœur de sa stratégie, le Comité Bourgogne confirme que l’avenir du vignoble bourguignon se jouera dans sa capacité collective à anticiper, innover et s’adapter.