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Inondations

Tout allait trop bien

La montée des eaux début mai dans l’Armançon a contraint une trentaine d’éleveurs à retirer leurs animaux des prés.
Par Aurélien Genest
Tout allait trop bien
Les bovins venaient tout juste d’être lâchés.
A peine sortis, déjà rentrés. Les bovins de la vallée de l’Armançon ont été rapatriés d’urgence le week-end du 1er mai. La faute à 190 millimètres d’eau tombés en l’espace de dix jours. Les conditions presque parfaites de la mise à l’herbe effectuée deux semaines plus tôt ont vite été oubliées par les éleveurs de l’Auxois. Si ces aléas font indéniablement partis du métier, les exploitants n’hésitaient pas à faire remonter un certain nombre de mécontentements, relatifs au système d’alerte de la part de l’administration. «Il est néant» résume Didier Caverot, éleveur à Senailly, qui avait encore une quinzaine d’animaux au pré, contenus dans des secteurs inaccessibles en bétaillère lundi 4 mai. «Le sous-préfet avait pourtant promis de créer un système d’avertissement simple et performant à l’issue des grandes inondations de 2013» poursuit le Côte d’orien, qui déplore que «rien ne se soit concrétisé depuis deux ans» : «le 1er mai, voyant l’Armançon monter, j’ai appelé le maire de ma commune lui demandant s’il avait reçu des consignes. Rien. Il a tenté de contacter la préfecture, en vain. Nous nous sommes organisés entre agriculteurs et avons contacté les exploitants des plateaux qui ne voyaient pas la montée des eaux».

Alerte défaillante
Thierry Gerbron, agriculteur à Crépand, a rentré 27 vaches dans l’urgence le samedi en soirée. Celles-ci se trouvaient dans un pré à Montbard et l’exploitant se montrait particulièrement agacé  : «J’avais appelé la gendarmerie pour savoir si le niveau d’eau allait continuer de monter car la situation devenait critique. Personne n’a pu me renseigner. La gendarmerie m’a envoyé vers le Conseil général mais un samedi, je suis tombé sur un répondeur, il n’a pas été facile de le questionner... J’ai donc pris la décision de rentrer mes vaches. Pour l’anecdote, j’ai une pompe solaire qui est grillée, pour un coût de 3 000 euros. Cela ne serait pas arrivé si les services concernés avaient bien fait leur travail. L’alerte orange a été donnée dimanche midi, c’était déjà trop tard». Jean-Luc Gerbron, éleveur à Benoisey, a lui aussi sorti sa bétaillère. Seuls ses veaux, encore fragiles, ont été rentrés à la stabulation. «Le reste a été mis dans un pré de fauche, ce sera du fourrage en moins cette année. Ce n’est pas avec les 200 euros qui seront redonnés au propriétaire du pré que l’opération sera compensée» regrette le jeune agriculteur de 31 ans.

Pont visé
Des travaux actuellement réalisés au lac de Pont semblent unanimement pointés du doigt. «Le flux d’eau passe intégralement et librement, les gros problèmes débutent véritablement dans le village d’Athié à partir duquel l’eau de fossés est récupérée» relève Didier Caverot. «Ces travaux durent depuis bien longtemps et il n’y a toujours rien de fait» déplore pour sa part Jean-Luc Gerbron, «de plus, les fossés ne sont pas entretenus et l’eau n’arrive plus à s’évacuer. On arrive logiquement à ce genre d’inondations». Didier Caverot est d’autant plus mécontent qu’un système d’alerte par sirène est en réflexion : «un ingénieur s’est intéressé aux éventuelles conséquences d’une rupture du lac de Pont. Ces sirènes devraient être installées dans tous les villages de la vallée jusqu’à Quincy-le-Vicomte et coûteront une fortune. Un simple système d’alerte téléphonique aurait été bien plus économique et performant. Un cabinet d’étude travaille sur ce dossier depuis un an. Eiffage, une entreprise privée est derrière tout ça... Je ne pense pas qu’une rupture du barrage arrive d’ici 100 ans. Dans quinze ans, les sirènes ne marcheront plus et n’auront servi à rien, si ce n’est d’avoir dépensé beaucoup d’argent. Quand je vois qu’un village comme Saint-Germain-lès-Senailly, très haut dans la vallée, est concerné par le dispositif, je m’interroge beaucoup... Le jour où il y aura de l’eau là-haut, on sera très mal ici à Senailly...».