Accès au contenu
Innovation

Quand l'IA permet d'avoir l'eau à l'oeil

Au sein de l'Alliance BFC (Dijon Céréales, Bourgogne du Sud, Terre Comtoise) l'intelligence artificielle a permis de mettre en place un outil de modélisation qui simule le risque de stress hydrique pour les cultures régionales, d'ici la fin du siècle. Le travail mené dans ce domaine fera l'objet d'une présentation lors de La Croisée des Champs du 15 mai. 

Par Berty Robert
Quand l'IA permet d'avoir l'eau à l'oeil
Evaluation des pertes potentielles de productions en fonction des simulations de stress hydrique en BFC.

Que pourrons nous cultiver en Bourgogne-Franche-Comté (BFC) d'ici 2050 ou 2100 ? Cette question est au cœur d'un travail de modélisation qui s'appuie sur l'intelligence artificielle (IA) et qui est mené au sein de l'Alliance BFC (coopératives Dijon Céréales, Bourgogne du Sud et Terre Comtoise). Cette modélisation, outil de prédiction des stress hydriques qui pourraient affecter les productions agricoles de BFC dans les 80 prochaines années en lien avec le changement climatique, fera l'objet d'une présentation lors de La Croisée des Champs, organisée le 15 mai à Bretenière, en Côte-d'Or, par le pôle Agronov et consacrée aux applications de l'IA au domaine agricole (voir encadré). Pour comprendre de quoi il retourne, nous avons rencontré Séverin Yvoz. 

Nombreux paramètres pris en compte

Analyste de données au sein du service Recherche et Développement de l'Alliance BFC, il a commencé à travailler sur cette modélisation de l'impact du changement climatique dans le stress hydrique des cultures, dans le cadre d'un postdoctorat réalisé au sein de l'Alliance BFC et de l'Institut Agro Dijon. « L'idée, précise-t-il, était de mettre en place un modèle afin de simuler le besoin en eau des cultures et de récolter les données nécessaires à la mise en place de cette modélisation, notamment pour réaliser des projections sur le futur. » L'Alliance BFC et l'Institut Agro cherchent à voir quel serait le niveau d'impact, pour la BFC, du changement climatique, d'ici 2050 et au-delà. La modélisation se base à la fois sur les caractéristiques des cultures, celles des parcelles cultivées, et des données météo quotidiennes : dates de semis, périodes de croissance, de floraison et de maturité, besoins en eau, réserve utile en eau du sol, évapo-transpiration et précipitations quotidiennes… De quoi déterminer les besoins précis des plantes au quotidien et si elles peuvent y subvenir. S'il n'y a pas suffisamment d'eau pour cela, le stress hydrique est alors caractérisé. 

Trois périodes

Dans ce cadre, l'IA a permis de conjuguer un grand nombre de paramètres complexes, d'étendre le modèle à une grande diversité de milieux. La BFC a, pour l'occasion, été découpée en 8 500 entités qui tenaient compte du type de sol et des conditions climatiques ! « Sur chacune, poursuit Séverin Yvoz, on a pu modéliser le besoin en eau pour une douzaine de cultures (blé, orge d'hiver, orge de printemps, colza, maïs, tournesol, soja, sorgho, prairies…) » Les données climatiques prises en compte portent sur la période 2000-2020 en BFC mais elles ont été complétées par celles du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) qui vont jusqu'à 2 100. À l'issu, trois périodes de prévisions ont été déterminées :

– la première tente de voir ce qui pourrait advenir entre 2030 et 2050

– la seconde porte sur 2050-2070

– la troisième porte sur 2070-2100.

Le modèle informatique a tourné en fonction de différentes conditions pédoclimatiques et selon ces trois périodes de projections futures, afin de tenter de déterminer quel pourrait être le niveau de stress sur les différentes cultures, en comparaison de ce qui a été observé ces 20 dernières années. Selon Séverin Yvoz, « il en ressort qu'en prenant uniquement en compte le facteur « eau », les cultures estivales (tournesol, soja, maïs) pourraient être assez rapidement impactées négativement, dès 2030-2050, avec des baisses de rendement assez significatives. Pour les cultures d'hiver (blé, orge) à court terme, l'impact serait beaucoup plus faible, notamment en lien avec des prévisions d'augmentation des précipitations en début de printemps. En revanche, à partir de 2050 et sur la fin du siècle, la tendance générale serait sur un impact négatif. Les prairies, pour leur part, se situeraient entre les cultures estivales et les cultures d'hiver, avec une baisse de rendement de 12 à 14 % en moyenne. » Ce travail permet d'envisager la mise en place de pratiques permettant d'atténuer ces impacts négatifs. On peut aussi considérer que sur une culture comme le maïs, la production pourrait devenir très compliquée d'ici une cinquantaine d'années. « Cela nous conduit, conclut l'analyste d'Alliance BFC, à se poser la question d'aller vers d'autres cultures, que nous n'avons pas actuellement mais qui pourraient, à l'avenir, présenter de l'intérêt dans une région comme la nôtre, parce que plus adaptées à des stress hydriques. » Dans ce contexte, l'irrigation peut être un levier pour certaines cultures, mais pas l'unique solution. « L'adaptation au changement climatique doit reposer sur la mise en place d'une diversité de leviers qui ne concernent pas que les agriculteurs : il s'agit de leviers agronomiques, de filières… »

Participez à la Croisée des Champs

La seconde édition de la Croisée des Champs va se tenir à Bretenière, au sud de Dijon, le jeudi 15 mai. Elle s'adresse aux entreprises innovantes, aux décideurs et conseillers agricoles, aux experts de l'IA, aux étudiants en agriculture et à tous ceux qui souhaitent faire avancer le secteur. Elle est organisée en partenariat avec OCI Informatique & Digital et Magapomme avec le soutien de la Région BFC, Dijon métropole et du Département de la Côte-d'Or. Inscription : https://agronov.make-an-event.com/fr/billetterie