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À l’EARL de la Maie à Gye

Les 30 bougies du renouveau de la Brune

Les festivités des trente ans de Brune Génétique Services se sont déroulées le 12 août en Lorraine. Une ferme ouverte à Gye a permis de mettre en relief les qualités d’une race laitière historique, réhabilitée par des éleveurs passionnés, pour les avantages économiques qu’elle recèle.
Par Jean-Luc Masson
Les 30 bougies du renouveau de la Brune
Le paisible troupeau de vaches Brunes de l’Earl de la Maie dans la campagne de Gye.
L’union de coopératives Brune Génétique Services (BGS) a fêté son trentième anniversaire national le 12 août à l’EARL de la Maie à Gye, dans le Toulois. Sur cette exploitation de 140 ha, dont 80 ha dédiés à l’herbe, Cyrille Plongué conduit un troupeau de 70 vaches laitières, à 80 % en race Brune, le reste en Prim’Holstein et quelques Jersiaises qui ont fait récemment leur apparition. Parallèlement le cheptel comprend 35 vaches allaitantes Limousines dont tous les produits femelles sont élevés et les mâles vendus. Les 60 ha de cultures sont emblavés dans un assolement classique de la région : blé-orge-maïs.
L’agriculteur est un promoteur  de cette race, à travers BGS, dont il est administrateur depuis 2006 et trésorier depuis le printemps dernier. Alors, quand la célébration du trentenaire s’est posée «un petit dégourdi a levé la main en proposant une ferme ouverte chez lui» sourit le lot-et-garonnais José Baechler qui a présidé BGS pendant vingt ans, avant de laisser récemment sa place au lozérien Vincent Julihan. S’il est aujourd’hui retraité, José Baechler demeure encore «président mondial» de la Brune et rentre tout juste du Mexique. Il va prochainement créer le club des aînés de la Brune et demeure intarissable pour vanter les mérites de sa race de prédilection.

Le sursaut après un long déclin
La Brune (des Alpes) figure parmi les races laitières de grand format les plus anciennes. On lui prête des origines suisses de près de quatre mille ans. Arrivée en France à la fin du dix-huitième siècle, ses effectifs restent toutefois marginaux jusqu’au début des  années 1930, pour se développer ensuite et atteindre leur apogée au cours des années 60, autour de 260 000 têtes. Elle entamera ensuite un long déclin face à la concurrence de la Prim’Holstein et la Montbéliarde. Le nombre de vaches reproductrices n’était plus que de 42 000 en 1988 et 23 400 en 2000. Un certain nombre d’éleveurs irréductibles  ont toutefois conservé la Brune alors qu’elle subissait un fort déclin. La race a pu être améliorée au niveau de son caractère laitier, alors qu’elle était mixte à l’origine, en s’appuyant sur le travail des américains. C’est l’introduction du «rameau Brown Swiss».
Les passionnés se sont mobilisés en créant BGS en 1987. Au départ, il s’agissait d’un GIE entre l’Upra et l’Uceb, unité de sélection. «Un principe de fonctionnement original reliant sous une même bannière l’organisme de sélection, les créateurs de génétique et les producteurs de semences pour les multiplier et les servir aux éleveurs» rappelle José Baechler. Une étape supplémentaire est franchie en 2008, BGS se transforme en union de coopératives intégrant sous pavillon unique l’Upra Brune, l’Uceb, mais aussi l’Upra Jersiaise. Dès lors, BGS va jouer le rôle à la fois d’organisme de sélection Brune et Jersiaise et d’entreprise de sélection BGS Création pour le schéma Brun. «Les éleveurs ont su s’organiser pour conserver la maîtrise du progrès génétique» se félicite José Baechler. BGS sélectionne les mères à taureaux et les mâles pour faire produire ensuite des doses indexées et les diffuser sur le territoire. Un réseau de techniciens visite les élevages et effectue le pointage.  BGS diffuse l’information sur les taureaux indexés, en visant l’amélioration constante. Elle est fortement impliquée aussi dans la sélection génomique, dans le cadre d’un travail concerté et partenarial avec plusieurs pays européens.

La Côte d’Or en tête
En France, les éleveurs sont regroupés entre trois grandes régions : le Sud-Ouest dans la fédération Opti Brune ; la fédération Brune de l’Ouest et le Syndicat interdépartemental de l’Est. La région du très Grand-Est a mis du temps à s’ouvrir, puis la Côte d’Or et la Haute-Marne notamment, ont manifesté leur intérêt. Selon les effectifs du contrôle laitier, la Côte d’Or est le premier département français détenteur avec 3 000 Brunes, devant l’Aveyron, avec 2 850 animaux. Environ 20 000 vaches sont actuellement contrôlées, le double d’il y a trente ans pour José Baechler. L’effectif Brun total approche aujourd’hui les 50 000 animaux.
Le 12 août, l’Earl de la Maie a accueilli de nombreux participants pour découvrir cette race qui gagne à être connue.
Les professionnels ont découvert «un damier vert» d’une quinzaine d’espèces, des démonstrations de matériels tandis que le grand public bénéficiait de balades en calèches ou à poneys, que les enfants s’alignaient à la course de tracteurs à pédales et que leurs parents observaient les démonstrations de maréchalerie ou de chiens de troupeau. à l’heure de la traite du soir, Cyrille Plongué donnait encore quelques explications sur les gestes techniques à accomplir. La ferme ouverte se terminant par un repas convivial, à base de viande Brune. à l’heure de l’inauguration, le vice-président de là Chambre d’agriculture 54, Laurent Rouyer saluait cette manifestation «qui met du baume au cœur en ces moments difficiles pour l’élevage. Il n’y a pas beaucoup de Brunes dans notre région, mais cela donne des idées, voire des envies»

Race Brune «L’essayer, c’est l’adopter»

La race Brune n’a pas connu de grands bouleversements génétiques. Mais elle conserve ses atouts originels fondamentaux. En premier lieu sa rusticité « exemplaire » lui confère un pouvoir immunitaire très performant en lait. Ces animaux très fonctionnels révèlent des taux butyreux importants, mais se distinguent surtout par des taux protéiques très supérieurs à leurs concurrents, grâce à la kappa caséine groupe BB. Autant dire un lait à haute valeur fromagère (+ 15 %) qui doit pouvoir se traduire par un meilleur prix, à condition bien sûr que la valorisation s’effectue dans la bonne filière. «On peut valoriser à 500 €/1000 l, assure José Baechler, une possibilité que nous voudrions développer». La santé de la mamelle est tout bonnement «phénoménale», elle se traduit par des taux cellulaires très inférieurs aux autres races, et de manière générale des frais vétérinaires réduits. Enfin, la solidité des pattes, des onglons et des cornes noires sont synonymes de résistance accrue et de longévité. Si la Brune produit 1 000 litres de moins par lactation que la Prim’Holstein, en moyenne, elle assume allégrement cinq à six vêlages, contre deux seulement à sa rivale. Le choix de la Brune obéit donc à des critères économiques. Un langage de vérité permet à José Baechler d’entonner le slogan de promotion de la Brune «L’essayer, c’est l’adopter».