Accès au contenu
Loi alimentation

Le Nutella au secours des agriculteurs... ou presque !

Emmanuelle Ducros est journaliste à l’Opinion. Elle anime sur twitter des rubriques hautes en couleurs. Ses prises de position contre les fausses informations, notamment véhiculées par Élise Lucet dernièrement sont très remarquées. Emmanuelle Ducros interviendra fin mai à l’assemblée générale de la FDSEA de l’Yonne. Voici sa réaction sur l’application de la loi alimentation par les grandes surfaces.
Par FDSEA 89 d’après les Tweets d’Emmanuelle Ducros
Le Nutella au secours des agriculteurs... ou presque !
Le compte twitter d’Emmanuelle Ducros compte plus de 17 000 abonnés.
Le prix du Nutella n’influe pas sur la rémunération des agriculteurs français. C’est un produit dont les composants viennent du monde entier et, hormis un tout petit peu de lait, rien de français dans l’équation.

Derrière la loi [EGA et sur le seuil de revente à perte], c’est plus compliqué mais pas illogique. Les distributeurs Leclerc bons plans en tête se livrent depuis des années à une guerre des prix. L’idée, c’est de faire des promos fracassantes sur des grands noms de l’agroalimentaire, typiquement le Nutella. Le but de ces promos est de faire venir les clients. Cela s’appelle un produit d’appel, on casse les prix sur le Nutella, les clients qui viennent l’acheter font le reste de leurs courses dans la même enseigne.

Limiter la pression des GMS sur les producteurs !
Pour que cela marche, il faut un prix vraiment bas. Or ces produits sont fabriqués par de grandes entreprises (Nestlé, Coca, Ferrero…) qui restent puissantes face à la grande distribution.

Ces dernières ne peuvent pas se passer d’elles dans les linéaires. La capacité à leur imposer des prix bas est limitée pour les GMS, donc si Leclerc bon plan veut son Nutella à bas prix pour appâter le chaland…

Pas le choix, il doit sacrifier sa marge. Et même le vendre à perte sans répercuter ses coûts de stockage, logistiques, etc. C’est la première partie de l’équation.

Le but de Leclerc étant quand même de gagner un peu d’argent, même si les marges nettes du secteur sont basses, entre 1 et 2 %, Leclerc va se refaire sur d’autres produits. Il va donc aller chercher de la marge ailleurs. Comment ? En faisant pression sur les PME et les TPE de l’agroalimentaire ou des producteurs de produits agricoles peu transformés. C’est plus facile : plus petits, moins organisés, leurs produits peuvent aussi être absents des rayons sans pénaliser le distributeur. Le client le remarque moins, donc le distributeur écrase les prix d’achat sur ces gammes mais applique d’importantes marges 30 à 40 %, parfois plus.

Les marges des GMS et des grands faiseurs, faites sur le dos des agris ?
C’est là que la loi intervient et que l’on reparle de notre Nutella en interdisant au distributeur de le vendre à perte.

On force le distributeur à gagner sa vie sur ce produit donc à constituer une marge, ce qui rend moins nécessaire d’aller pressurer les PME et agriculteurs pour gagner leur vie. Logiquement ça doit ramener de la valeur jusqu’au producteur !
Voilà donc le lien pour que ça marche entre Nutella et agriculteurs.
Il faut que le distributeur y mette du sien. [En fait, depuis une semaine, les distributeurs ne racontent qu’une partie de l’histoire et essayent de passer plus de hausses que nécessaire]. La chanson est «on me force à augmenter mes prix» mais cela doit aussi permettre de donner de l’air aux fournisseurs de plus petite taille.

Voilà donc toute l’histoire du SRP (seuil de revente à perte) ou comment le Nutella doit aider les agriculteurs à vivre.

Officiellement, la hausse sur les prix alimentaires devrait être limitée entre 1,4 et 1,7 %. 6 %, cela devrait être plus ou moins la hausse sur les produits d’appels. Certains distributeurs entretiennent la confusion à dessin.
Est-ce que la grande distribution jouera le jeu ? On verra. Il faut noter qu’il y a beaucoup d’inconnus dans l’équation, plein d’inconnu, notamment que la grande distribution n’est contrainte à rien… et que dans les box de négociation «ça tabasse !»