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Action syndicale

La «Nuit de la détresse»

Une centaine d’agriculteurs sont venus manifester mardi soir devant la préfecture de Dijon.
Par Aurélien Genest
La «Nuit de la détresse»
Une centaine de panneaux ont été déposés devant la préfecture.
La FDSEA et les JA de Côte d’Or ont rejoint cette semaine le mouvement du réseau FNSEA-JA. Cette «Nuit de la détresse», comme celle-ci était intitulée, a été la première étape pour «faire monter la pression face à l’urgence de la situation, dont l’Etat est pour partie responsable». Mardi à 22 heures, une centaine d’agriculteurs du département ont déposé de nombreux panneaux de communes devant la préfecture. «C’était symbolique, il s’agissait à chaque fois de panneaux barrés, indiquant la sortie des communes. L’agriculture est souvent le seule activité économique sur nos territoires. Si rien n’est fait pour nous aujourd’hui, il n’y aura plus rien dans pas longtemps. Au-delà de notre propre activité économique, c’est la ruralité, nos communes et nos territoires qui sont en danger » indique Samuel Bulot, secrétaire général de la FDSEA.

Arrivée de la préfète
Fabrice Faivre s’est entretenu sur place avec la préfète de Côte d’Or et de région, Christiane Barret. Le président de la FDSEA s’est montré particulièrement remonté en relayant le «désarroi» de tous les producteurs : «Sachez, Madame la préfète, que la plupart de nos agriculteurs se lèvent aujourd’hui le matin pour perdre de l’argent. Le litre de lait, à 28 centimes d’euros, est moins cher qu’une cigarette à 35 centimes. Les charges franco-françaises nous font perdre beaucoup de compétitivité. Les cours de la viande bovine sont à moins de 3,5€/kg. Il y a trois ans, elle se vendait plus de 4€/kg : cela ne posait aucun problème ni au consommateur, ni à la distribution ni au transformateur et le producteur arrivait à vivre. Qui s’en met plein les poches aujourd’hui ? Nous sommes escroqués. Nous demandons au gouvernement qu’il s’occupe enfin de ce dossier. La grande distribution demande 8 centimes de baisse aujourd’hui, c’est tout simplement inadmissible ! La détresse est profonde». Concernant les céréales, Fabrice Faivre a une nouvelle fois regretté les écarts de soutiens entre régions et la non reconnaissance des terres à faibles potentiels : «les cours s’effondrent. Nous ne pouvons plus suivre avec nos aides Pac qui sont les plus faibles de France alors que nous avons des terres à très faibles potentiels».

La tempête après le calme ?
Fabrice Faivre redoute des mouvements «incontrôlables» ces prochaines semaines : «notre action se veut calme aujourd’hui, mais je redoute que ça ne soit plus le cas prochainement si rien n’est fait. Ce n’est pourtant pas ce que l’on attend. Les deux tiers de nos exploitations vont être en déficit cette année. Pour certaines, cela fait plusieurs années que ça dure. Il faut nous écouter, ce n’est plus possible. Nous voulons un plan pour l’agriculture, digne de ce nom. Il faudrait enfin savoir ce que l’on veut dans ce pays. Une agriculture à taille humaine a un prix. On nous avait promis une pause environnementale, notre Ministre n’a rien trouvé de mieux à faire que de sortir Écophyto 2, ça suffit vraiment. Dans d’autres pays européens, l’agriculture est industrielle, ce n’est pas le cas chez nous.  Ici, nous avons des charges environnementales, on nous met des boulets aux pieds. Il faut revoir le modèle français ou bien préparer le plan social de l’agriculture ! Hollande doit faire un sommet européen sur l’agriculture et renouer dialogue avec Merkel. Nous ne voulons pas être la variable d’ajustement des bateaux que nous n’avons pas vendus à la Russie, ce problème fait suite à une décision politique».

«Des promesses, rien que des promesses»
Samuel Bulot a rappelé les promesses non tenues des derniers mois : «Nous attendions des résultats. Nous en sommes restés au stade des promesses. On nous avait promis des augmentations de prix, celles-ci ne sont jamais arrivées dans les fermes. On nous avait promis un plan d’urgence, aujourd’hui, celui-ci traîne à se mettre en place et montre ses limites. On nous avait promis une PAC équilibrée, la Côte d’Or est un des grands perdants de la réforme. On nous avait promis de favoriser le «Made in France» et aujourd’hui encore nos enfants mangent de la viande d’import à la cantine. On nous avait promis d’arrêter de créer de nouvelles normes mais les ministres réinventent une nouvelle chaque jour. A chaque promesse non tenue, ce sont nos exploitations qui en payent le prix fort. Si rien ne change rapidement, combien seront nous encore demain à pouvoir exercer notre métier et faire vivre nos campagnes ?» Le secrétaire général a poursuivi son propos en évoquant la nouvelle problématique du calcul des SNA, les Surfaces non agricoles, dans les télédéclarations Pac, tout comme les retards importants dans le paiement des aides. Samuel Bulot a demandé des avancées rapides et concrètes. Fabrice Faivre a repris une dernière fois la parole pour fustiger de nouveau la Pac, considérée comme une véritable «usine à gaz» : «tant que les paiements des aides Pac ne seront pas effectués, il ne sera pas question de recevoir le moindre contrôleur sur nos fermes».

Rendez-vous dans une exploitation
En réponse à ces interrogations, Christiane Barret a indiqué qu’elle allait transmettre ces différentes revendications au plus haut rang comme cela lui a été demandé. La préfète, arrivée il y a peu dans le département, se rendra prochainement sur une exploitation de Côte d’Or sur l’invitation de la profession : «Des réunions de travail sont d’ores et déjà prévues. En attendant, le plan d’allégement des charges peut contribuer au soutien d’un certain nombre d’exploitations. Le Ministre a mis une rallonge au dispositif, nous aiderons de nouveau les agriculteurs dans ce département une fois que les modalités d’attribution seront définies. Concernant la Pac, les services de la DDT font le maximum pour les paiements».

Chaude ambiance ce matin avec les Parlementaires

Après la «Nuit de la détresse» de ce mardi, la seconde cible de la FDSEA et des JA sera les parlementaires, convoqués ce vendredi matin sur une exploitation d’Hauteville-lès-Dijon. «Ce sera leur dernière chance de répondre à nos revendications et de les défendre haut et fort» communiquent les syndicats. «Ils vont nous entendre» assurait mardi soir Fabrice Faivre, «les politiques sont en dessous de tout, ils font de la politique politicienne. L’agriculture devrait pourtant faire consensus auprès de tous les Politiques. La Région a décidé de relancer l’engraissement, mais pas celui des bovins, celui des élus avec leurs augmentations de salaires ! Il fallait rester sur le même niveau. Ils vont coûter 3 millions d’euros sur les six annéess de leurs mandats. Avec une telle somme, on pourrait faire bien des choses... Les Politiques se foutent de notre gueule. Au niveau de l’Assemblée nationale, je n’ai pas entendu le moindre Parlementaire de Côte d’Or s’exprimer sur l’agriculture. De qui se moque-t-on ?»