Il travaille près des réacteurs
Le Côte-d'orien Loïc Dumont exploite des terres en plein cœur de l'aéroport de Dijon-Bourgogne. Une spécificité déjà évoquée il y a un mois dans nos colonnes, que nous illustrons aujourd'hui par un reportage.

Vous vous en doutez, il y a plus simple pour aller labourer, traiter, récolter ou déchaumer. « C'est vrai que les contraintes sont nombreuses ici, dans cet environnement aérien très réglementé, mais c'est ainsi. Ça fait environ 20 ans que j'applique les consignes de l'aéroport à la lettre donc à force, on s'y fait ! Et ces terres, on y tient beaucoup, ce sont les meilleures de la ferme. Un projet de panneaux solaires est d'ailleurs à l'étude, nous nous y opposons sur de si bons champs », confie Loïc Dumont, exploitant à Ouges, près de la Maison de l'agriculture de Bretenière. Ses parcelles ont beau être à proximité de chez lui, il faut beaucoup de temps pour y accéder. Et sur place, il faut souvent patienter : « j'ai les clés des portails, mais nous devons toujours prévenir en amont et obtenir des autorisations pour entrer et circuler. Les gyrophares et les phares de travail sont toujours allumés. Le port du gilet jaune est obligatoire, même à l’intérieur des tracteurs. Non, je ne l'ai pas sur la photo mais vous ne l'avez pas vu, hein ? À chaque intersection, nous devons appeler la tour de contrôle et attendre son feu vert. Parfois, nous traversons l'une des deux pistes. Bien sûr, il ne faut pas qu'un avion passe en même temps ! ».
Pas de tournesols
L'agriculteur exploite une vingtaine d'hectares de grandes cultures sur le site : « j'ai aussi 12 ha de jachères. Quatre autres producteurs sont à peu près dans le même cas que moi. Un aéroport, c'est grand : Dijon-Longvic, ce n'est pas Charles-de-Gaulle mais le site s'étend quand même sur près de 400 ha. Les trois quarts sont sur la commune d'Ouges, le restant l'est sur Neuilly-lès-Dijon et Longvic. Au vu de ces caractéristiques, le maire d'Ouges mène un combat quotidien pour que l’aéroport s’appelle désormais Dijon-Ouges et non plus Dijon-Longvic. Nous avons tous des parcelles de part et d'autre de l'aéroport et donc, à l'intérieur de celui-ci. La plus grande piste fait 2,4 km : nous n'allons pas la contourner à chaque fois que nous changeons de parcelle, alors nous la traversons… ». Loïc Dumont liste d'autres contraintes : « nous avons la consigne de ne pas rester tard les soirs, pour que nos lumières ne gênent pas les avions. Certaines cultures sont interdites, comme le tournesol qui pourrait attirer les corbeaux. Ces derniers pourraient effectivement poser de sérieux problèmes aux réacteurs… Tous les matins, il y a des tirs de pétards pour faire fuir les volatiles et même d'éventuels renards et chevreuils. Quand nous travaillons à l'intérieur, nous devons toujours être joignables par la tour de contrôle : plusieurs fois, on m'a demandé de me déplacer dans le champ dans lequel je travaillais pour ne pas être trop près de l'avion qui allait atterrir. Pour les récoltes, nous perdons beaucoup de temps : il faut être au moins trois, là où deux personnes peuvent suffire dans un contexte non aérien ! Lorsque des meetings sont programmés, on nous demande de semer de l'orge d'hiver qui est la première culture récoltée dans l'année : nos parcelles peuvent alors servir de parkings. Si nos prairies ne sont pas récoltées à temps lorsqu'il y a ce type d'évènement, les services de l'aéroport les broient eux-mêmes, toujours dans la même idée de stationner des voitures. Vous l'aurez compris, dans tous les cas, l'organisation est très spécifique ! ».
Plus « light » qu'avant
Malgré les apparences, ces contraintes sont devenues beaucoup moins nombreuses : « cela n'est pas comparable par rapport à une certaine période. Aujourd'hui, il n'y a plus que 10 à 20 décollages et atterrissages par jour, en moyenne sur l'année et le site n'est plus réellement militaire comme avant. C'était encore plus strict à l'époque : il y avait des rondes de gendarmes toutes les 10 minutes et mon laissez-passer était à présenter à chaque fois. Et vous ne seriez pas certainement pas venu avec moi, dans le tracteur, cela aurait été interdit ! ». Friand d'anecdotes, nous en demandons encore à notre interlocuteur : « nous avons déjà trouvé plusieurs fois des mines dans les champs. À chaque fois, nous appelons le service spécialisé… Des parachutes aussi, dans nos parcelles ou dans le canal, à côté. Nous avons aussi connu et vécu d'autres choses plus graves, toujours en lien avec des parachutes, ce ne sont pas de bons souvenirs… ».