Du poisson local en direct des sources du Heimbach
Au cœur du Parc naturel régional des Vosges du Nord, Philippe Billmann produit des truites et des ombles chevaliers. Il a su transformer l’activité de loisir, créée par son père, en une entreprise qui maîtrise la production, des œufs aux produits transformés, grâce à deux sites spécialisés et une équipe d’une dizaine de salariés.

Le Heimbach prend sa source dans la forêt de Wingen, puis s’écoule le long d’un vallon verdoyant. C’est là, dans cette eau pure, que les poissons des sources du Heimbach vivent leurs dernières semaines de vie. Devant les bassins de production, Philippe Billmann raconte comment son père a réaménagé un fond de vallée devenu marécageux par manque d’entretien. « Il a commencé à élever des truites pour le plaisir, avant de s’installer en 1986. Je l’ai rejoint trois ans plus tard, après avoir fait des études agricoles, et nous avons créé un Gaec ».
L’eau du Heimbach alimente désormais, par gravité, huit bassins de production. Les premiers n’ont pas besoin d’être oxygénés, seuls les derniers le sont. Leurs eaux abritent différentes variétés de truites et d’ombles chevalier. Pour faire face à l’augmentation de l’activité, un deuxième site de production a été acheté en 1992, à Void-Vacon, en Lorraine. C’est là que naissent et grandissent les poissons. Ils sont amenés en camion vivier à Wingen, où a lieu leur finition, jusqu’à leur dernier plongeon, dans l’atelier de transformation, et la vente aux clients, essentiellement alsaciens.
Une alimentation optimisée
Les poissons sont nourris avec des granulés, dont la composition varie en fonction de leur âge : ce sont d’abord les protéines qui dominent, puis les matières grasses. La proportion de chaque ingrédient varie, mais ce sont globalement toujours les mêmes : du sang et de la viande de volaille (issue des carcasses), des céréales, des protéagineux, des algues, « qui peuvent remplacer les farines de poissons puisque, situées au début de la chaîne alimentaire, elles contiennent les acides aminés dont les poissons carnivores ont besoin », détaille Philippe Billmann. Il poursuit : « L’aliment pour poisson a fait l’objet de recherches qui ont permis de le rendre très performant. Autrefois, il fallait trois à quatre kilos d’aliment pour produire un kilo de chair de poisson ; désormais, on est sur un ratio d’un pour un. En outre, se passer des farines de poisson permet d’éviter de contribuer à la surpêche en mer. Enfin, les poissons produisent très peu de fèces, ce qui facilite le nettoyage de l’eau avant son retour dans le cycle naturel ». À Wingen, les eaux issues des bassins d’élevage arrivent dans un décanteur, dont les boues sont pompées deux fois par an. « Ça fait un super engrais, très riche en azote et en phosphore », souligne le pisciculteur.
À la fin de leur vie, les truites pèsent trois à quatre kilos. Quelques jours avant leur prélèvement, elles sont isolées, afin d’être à jeun lors de l’abattage. Pêchées à l’épuisette, elles rejoignent l’atelier de transformation en quad, dans des cuves sur lesquelles des tuyaux sont branchés, en direction du poste de découpe. Les poissons passent de vie à trépas en étant assommés avec un pistolet pneumatique. Ils sont immédiatement vidés, sur un lit de glace. Puis les filets sont levés mécaniquement et nettoyés manuellement. Ensuite, selon les recettes, ils sont cuits, fumés, salés, tranchés, coupés en cubes, mis sous vide… Une production fraîche et locale donc, qui a toute sa place sur les tables des fêtes de fin d’année.






Une filière structurée
À l’aune des autres filières d’élevage, celle de la pisciculture est structurée en sous-activités qui sont autant de spécialités. Ainsi, certains élevages sont dédiés à la production d’œufs fécondés, d’autres ne font que de l’alevinage… Philippe Billmann achète à des confrères des œufs fécondés, qui vont donner uniquement des femelles stériles. « Cela garantit la production d’une chair de qualité toute l’année. Lorsque les femelles font des œufs, leur énergie va à la reproduction au lieu d’aller à leur croissance. En élevage, nous voulons éviter cela », explique-t-il.
Quel vin d’Alsace avec les fumaisons ?
La truite fumée du Heimbach, est un must alsacien qui trouvera certainement son accord avec un whisky tourbé d’Alsace. Alors nous vous recommandons ce voyage gustatif avec le single malt tourbé de la distillerie Hepp à Uberach.
Si l’on est plutôt vin que whisky, il faut s’orienter sur un vin rosé d’Alsace. Mais pas n’importe quel rosé ! Deux composantes de saveurs dominent notre truite fumée : d’une part les lipides à travers le gras du poisson, d’autre part l’odeur tenace du fumé. Scientifiquement les précurseurs aromatiques de fumé s’appellent les créosols. Petit conseil : évitez surtout le crémant car les lipides de la truite (et du saumon) cassent l’effervescence et la mousse. Et optez d’abord pour un vin rosé car la teinte saumonée prédispose le cerveau à apprécier l’accord qui va suivre. Mais il faut trouver à s’accorder avec la fraîcheur du poisson et les fameux créosols et autres précurseurs de fumé tenaces et imposants… Restons dans le domaine des vins phénoliques ! Un pinot noir très light pourrait faire l’affaire, c’est-à-dire très peu extrait soit de 2 à 3 jours de macération. Quant au mariage des fraîcheurs, choisissez un vin vivant et peu ou pas sulfité. Le pinot noir rosé d’Alsace de la maison Louis Sipp à Ribeauvillé pourra trouver son alter ego en cette truite fumée du Heimbach.