Colère et lucidité au menu des JA BFC
L’assemblée générale des JA BFC qui s'est tenue à Vesoul, en Haute-Saône, fut marquée par un rapport d’activité retraçant une année intense et par des échanges nourris avec les représentants de l’État et de la Région.

Dans un discours offensif, Philippe Cornu, secrétaire général des Jeunes Agriculteurs de Bourgogne-Franche-Comté (JA BFC), a dénoncé la gestion jugée « calamiteuse » des fonds européens Feader par la Région : « Cela fait deux ans et trois mois que la programmation est engagée, et aucun centime n’a été versé. » S’adressant directement à Marie-Guite Dufay, présidente de la collectivité régionale, le 17 avril à l'occasion de l'assemblée générale des JA BFC, il a dénoncé des choix idéologiques qui excluraient certaines productions, comme l’élevage de volailles non labellisées. « Redescendez sur terre. Si on ne produit pas ici, le poulet viendra d’Ukraine ou d’Amérique du Sud. » La présidente a défendu l’action régionale en assurant que « le logiciel sera opérationnel en octobre » et que les paiements des aides vont s’accélérer. « Nous sortons d’une situation anormale », a-t-elle reconnu, promettant la mise en place de nouvelles grilles de sélection après juin et un rattrapage des dossiers non retenus.
Tensions sur le dossier loup
Autre point de crispation : la gestion du loup. Les interventions de Simon Gauche (JA Nièvre) ou Mélanie Gruet (JA Doubs) ont mis en lumière une perte de confiance dans l’Office français de la biodiversité (OFB), accusé de ne pas « mettre autant de cœur à compter les loups qu’à verbaliser les éleveurs ». La colère monte, y compris dans les territoires jusque-là épargnés. « Il n’y a jamais eu de loup dans la Nièvre, mais aujourd’hui on m’appelle tous les jours, ils n’en dorment plus », a lancé Simon Gauche. Le préfet de région Paul Mourier a reconnu la nécessité d’« adapter le plan loup aux réalités des plaines et bocages », tout en défendant l’OFB, « agent de l’État, chargé de faire appliquer la loi ». Il a annoncé la mise en œuvre prochaine d’un plan en 10 actions pour « restaurer la relation entre le monde agricole et l’OFB » et promet « plus de souplesse » dans les procédures de tirs d’effarouchement.
Une exaspération palpable
Des témoignages venus de toute la région ont illustré le ras-le-bol généralisé face aux lenteurs administratives. Louis Wicky (JA Haute-Saône) a diffusé un court métrage moquant l’« usine à gaz » de l’instruction des dossiers Feader, soulignant qu’« en agriculture, quand on doit, on fait, quitte à ne pas dormir ». Maxime Bonnot (JA Saône-et-Loire) a réclamé « de la transparence » sur les calendriers, rappelant que 22 millions d'euros avaient été sollicités mais que « seuls 16 » étaient réellement mobilisables. Le directeur des services de la Région a tenté d’apaiser : les paiements des aides sont prévus pour octobre, et « les intérêts des prêts de trésorerie seront bien pris en charge ». Mais l’incompréhension reste profonde. Sur un autre front, le jeune Tanguy a interpellé le préfet sur les risques de l’agrivoltaïsme : « évaporation du foncier, éviction du fermier ? » Une question technique mais révélatrice des inquiétudes sur la transformation en cours du paysage agricole. Le préfet a salué une « opportunité » en tant que revenu complémentaire et s’est engagé à « vérifier les conséquences juridiques sur les baux ». L’assemblée générale a confirmé une chose : malgré les incertitudes et les blocages, les JA sont toujours déterminés à se faire entendre. Et ils attendent des actes.
Terre de Jade dans le Territoire de Belfort
Terre de Jade (finale régionale des labours) aura lieu en 2025 dans le Territoire de Belfort. Tanguy Follot (président des JA90) a présenté le projet à l'occasion de l'assemblée générale des JA BFC et donné rendez-vous les 6 et 7 septembre : « Ce sera à Andelnans dans le secteur de la gare TGV. Au programme : spectacle de chevaux, moiss'batt Cross et soirée de gala, sans oublier le concours bovin départemental. »
La formation en débat
« La formation ne se cantonne pas au lycée agricole ! » Tel était le thème de la table-ronde organisée à l’occasion de l’assemblée générale des JA BFC. En guise d’introduction, Ludovic Deret, directeur de Vesoul Agrocampus, a donné le ton : « Nous devons intensifier nos relations avec les JA. » Il a rappelé une pédagogie en constante évolution pour s’adapter à un public « qui zappe, consomme la formation, supporte de moins en moins la contrainte. » Un public plus jeune, moins souvent issu du milieu agricole : « En bac pro, seulement 33 % sont fils ou fille d’agriculteurs. Ils sont 25 % en BTS PA. » La table-ronde a réuni un panel représentatif du monde agricole : formatrices, éleveuse, représentant Vivéa, étudiant, et même un ancien JA devenu député européen. Parmi les enjeux soulevés : comment former des agriculteurs polyvalents, capables d’initiatives et de s’adapter à un contexte qui évolue très vite ? Lou Villemenot, enseignante, évoque un nécessaire décloisonnement : « On co-construit les apprentissages avec les partenaires professionnels. On travaille les compétences transversales. » Les liens avec la base agricole sont essentiels. Coralie Ormancey, formatrice, le rappelle : « On visite les maîtres de stage. C’est du concret. Le retour d’expérience nourrit l’apprentissage. » Les forums d’installation organisés avec les OPA sont aussi des moments clés, selon elle : « On a un public adulte, avec un projet d’installation. Le dialogue est plus riche. » Justine Granjeot, éleveuse de vache allaitante en Haute-Saône et vice-présidente des JA BFC, complète : « Le bac pro en trois ans a peut-être fait perdre en envergure de chef d’entreprise. En formation, on devrait d’abord apprendre à réfléchir. Le Parcours préalable à l’installation permet d’insister sur des points clés d’un projet, comme le financement et les éventuelles formations complémentaires. » Elle insiste aussi sur la maturation nécessaire avant l’installation : « Pas de DJA avant 20 ans. Il faut un bagage. Un stage obligatoire, un suivi post-installation… C’est sécurisant. » Jérémy Decerle, éleveur de Saône-et-Loire et ancien président des JA, souligne : « Les jeunes préfèrent avoir les fesses sur le siège du tracteur plutôt que sur le banc de l’école. Mais savoir faire naître un veau, c’est aussi important que savoir piloter son entreprise. » Il plaide pour une formation nourrissant l’engagement : « L’Ifocap, la formation Oméga, m’ont permis de nourrir mon engagement. » Stéphane Sauce, agriculteur du Doubs et nouveau président de la FRSEA BFC, salue le travail des JA mais avertit : « On ne peut pas présenter le métier uniquement sous un jour négatif. » En conclusion, tous s’accordent : la réussite des jeunes passe par une formation adaptée, un engagement nourri, et une image positive de la profession.