Chez Naudet, les œufs ne se mettent plus dans le même panier
L'entreprise familiale bourguignonne est surtout connue pour ses activités de pépiniériste. Pourtant, les évolutions sociétales et la quête d'une sécurisation de ses marchés la poussent aujourd'hui à mettre en lumière la diversité de ses métiers et secteurs d'activité. L'agriculture y figure en bonne place.
Cinq noms pour cinq secteurs d'activité : l'entreprise Naudet, surtout connue comme pépiniériste, a aujourd'hui à cœur de faire savoir que ses compétences se déclinent sur des domaines très divers. Pierre Naudet, son P.-D.G., et son frère, Martin, directeur général, dévoilent ces cinq nouvelles identités, accompagnées d'un logo renouvelé, alors même que l'entreprise familiale bourguignonne, qui pèse, en termes d'emplois, 350 Équivalents temps pleins (ETP), s'apprête à souffler ses 150 bougies, en 2026. Il faudra désormais compter avec les noms suivants :
- Naudet Agroforesterie traduit la volonté de mieux faire connaître les activités de l'entreprise dans ce domaine sur le quart nord-est de la France. « Nous voulons devenir plus visibles au niveau national, notamment comme acteur de la plantation de haies » précise Pierre Naudet.
- Naudet Impact et Biodiversité, qui, auparavant, se nommait Horizon Forêt. Là, le but est d'aller chercher des financements au sein d'entreprises de toutes tailles et de toutes natures, via du parrainage de plantation d'arbres ou des crédits carbone, et peut-être à l'avenir, des crédits biodiversité, qui vont permettre à l'entreprise de s'affranchir un peu plus des aides publiques, de gérer elle-même ses projets et de gagner en indépendance. « D'un côté, explique Pierre Naudet, nous avons des propriétaires qui recherchent des financements pour leurs projets et, de l'autre, des entreprises qui s'engagent dans des politiques de Responsabilité sociétale des entreprises (RSE), qui souhaitent réduire leur impact environnemental. Elles peuvent ainsi s'engager sur des projets de contribution de neutralité carbone et donc financer des plantations. » Dans ce but, Naudet a mis en place un partenariat avec l'entreprise Carbonapp, un opérateur de projets de contribution carbone. « Ils gèrent la partie carbone des projets, précise Pierre Naudet, et nous gérons la partie terrain et suivi des projets ». À titre d'exemple dans ce domaine, une haie implantée à l'entrée du village côte-d'orien de Balot a été financée par l'entreprise textile Faguo.
- Naudet Pépinières, qui regroupe cinq sites de production de jeunes plants : Chéu (Yonne), Autun (Saône-et-Loire), Planchez (sapins-Nièvre), Préchac (Gironde) et Lambesc (Bouches-du-Rhône).
- Naudet Forêt qui œuvre dans le secteur du reboisement et des autres activités en lien avec l'entretien et la régénération de forêts (préparation de sols, entretien de plantations).
- Naudet Nature Urbaine consacrée aux travaux d'aménagements paysagers. Dans ce domaine, un projet expérimental va notamment se concrétiser cet automne avec des habitants d'un quartier de Tonnerre, dans l'Yonne et le bailleur social Domanys. « On va voir avec eux ce qu'ils souhaitent comme plantations. Ce sera un projet collectif et participatif » détaille Pierre Naudet.
Diversité et réalité
Les raisons de cette mise en lumière des identités multiples de l'entreprise sont de diverses natures. Il y a d'abord le fait que la diversification des activités de Naudet, opérée au fil du temps, avait besoin d'être mise en évidence. Il y a aussi la volonté de s'affirmer comme un partenaire du monde agricole. Fait symptomatique : Naudet sera, pour la première fois présent au Sommet de l'Élevage, début octobre, à Cournon-d'Auvergne. « C'est important pour nous d'y être, souligne le P.-D.G. : c'est la traduction de notre volonté de se développer sur ce secteur. » (voir encadré). Mais, au-delà de tous ces aspects, cette évolution traduit aussi la capacité de l'entreprise à s'adapter à un contexte instable. Pour comprendre, il faut remonter quelques années en arrière, lorsque des choix politiques et sociétaux faits en France ont entraîné une croissance des reboisements et de l'agroforesterie, soutenus par des aides de l'État. Entre 2019 et 2024, cela s'est traduit par une demande de plants en forte augmentation (sur la partie pépinière, la production de plants a alors crû de 20 %). Cela correspondait notamment aux besoins de repeuplement forestier en lien avec les attaques de scolytes dans l'Est de la France. Beaucoup de propriétaires forestiers avaient été profondément sinistrés par ces insectes. Un plan d'accompagnement de trois ans a été lancé et il a pris fin en 2024. « Il a bien boosté notre activité » reconnaît Martin Naudet.
Le pari de l'agroforesterie
En parallèle, les aides à la plantation des haies se sont aussi développées. L'entreprise Naudet s'est dotée d'un pôle agroforesterie à Leuglay, en Côte-d'Or, en 2020. « L'agroforesterie est une activité qui évolue, qui réclame de l'investissement, poursuit Martin Naudet. Beaucoup d'agriculteurs commencent à y mettre un pied et on peut s'appuyer sur l'expérience acquise par quelques pionniers dans le domaine, sur notre région. Nous avons aussi des clientèles telles que les fédérations de chasse qui poussent à la plantation de haies, en partenariat avec des agriculteurs. » Afin de s'adapter à cette forte demande Naudet a bénéficié d'aides à l'investissement pour augmenter sa production de plants, en pleine terre et en godets (qui permet d'installer le plant avec un peu de réserve constituée par la motte entourant les racines). Le problème, c'est qu'aujourd'hui, les financements étatiques qui soutenaient ces activités sont en voie de tarissement. Des arbitrages sont à l'œuvre. « Si tous les financements se ferment alors qu'on nous annonçait une visibilité jusqu'à 2030, précise Martin Naudet, on risque d'avoir des difficultés pour écouler nos plants. Cela va mettre un coup de frein à une ambition très vertueuse. La haie c'est un symbole de biodiversité, logique dans une optique de développement durable. Certes, l'État a subventionné 40 % des investissements nécessaires à notre montée en puissance sur ces domaines, mais nous avions 60 % à notre charge. Des investissements à rentabiliser sur plusieurs années donc. Il ne faudrait pas que l'on coupe l'élan qui a été initié ». Symbole de ces menaces pesant sur l'engagement de l'État : il y a deux ans, le gouvernement avait lancé un pacte en faveur de la haie, doté de 110 millions d'euros la première année, mais en 2024 on n'était plus que sur 45 millions d'euros… Il se pourrait que cela tombe à zéro avec les restrictions budgétaires actuelles.
Ralentissement forestier
« Une inquiétude similaire existe sur les reboisements forestiers, ajoute Pierre Naudet, par ailleurs vice-président du syndicat national des pépiniéristes. Après trois années de croissance, 2025 se traduit par un ralentissement dont les raisons sont difficiles à définir précisément : cela pourrait tenir à une pause des propriétaires forestiers très mobilisés ces dernières années sur la constitution des dossiers accompagnant ces reboisements, mais aussi à la pression d'Organisations non gouvernementales (ONG) écologistes, qui militent pour de la régénération naturelle. » Il y a aussi le fait que les délais pour réaliser des chantiers de reboisement sont moins contraints : les propriétaires disposent aujourd'hui de trois ans pour les mener à bien. « Mais nous, conclut Pierre Naudet, nous produisons annuellement, nous ne pouvons pas ralentir le rythme de cette façon… » La période implique donc de réfléchir à l'organisation de l'activité globale de l'entreprise, afin d'aller chercher d’autres parts de marché.
L'importance de la cible agricole
Dans une volonté de renforcer son positionnement auprès d'une clientèle agricole, Naudet sensibilise au fait que certaines de ses activités peuvent constituer des voies de diversification pour des exploitants. « On peut, par exemple, planter des peupliers sur des terrains agricoles, précise Pierre Naudet et ainsi, faire bénéficier les agriculteurs de financements carbone pour la plantation. C'est une voie de diversification pour des agriculteurs qui bénéficieront du revenu lié au bois produit. On est actuellement en phase de prospection sur des projets de ce type dans tout l'est de la France ». Par ailleurs, l'entreprise va mettre son pôle agroforesterie de Leuglay, en Côte-d'Or, à disposition, dans le cadre d'une formation conçue en partenariat avec l'Association française d'agroforesterie, et destiné aux agriculteurs.