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énergie durable

Chablis met les gaz

La Fédération de Défense de l’Appellation Chablis (FDAC) se lance dans la construction d’une station de méthanisation qui accueillera les marcs, lies et bourbes des viticulteurs locaux.
Par Orianne Mouton
L’idée était là depuis dix ans : monter un méthaniseur pour transformer les coproduits de la viticulture en énergie. Le projet est maintenant officiellement lancé depuis le vote à assemblée générale extraordinaire de la FDAC au début du mois. Un projet innovant qui a pour origine la volonté d’un distillateur de faire payer le transport et la distillation des marcs. Mécontents, les vignerons se sont tournés vers une autre distillerie acceptant de ne pas les facturer. Mais l’idée de valoriser les marcs par un autre biais est restée et a fait son chemin : le compostage, gourmand en temps et opérations et peu rémunérateur, a été vite écarté, laissant le champ libre à la méthanisation. Thierry Mothe est le référent du projet méthaniseur à la FDAC, «produire de l’énergie, cela donne une image positive du vignoble, c’est dans l’ère du temps, ça répond à la demande sociétale… En prime, on produit de l’amendement aux qualités similaires au fumier. C’est ça, l’économie circulaire».

Méthaniser des marcs de raisin, c’est faisable ?
Ce projet très innovant a d’abord nécessité de nombreuses études de faisabilité, dont la dernière de six mois en Belgique sur un méthaniseur pilote. Avec du marc, de la lie et du fumier de Chablis, l’entreprise a pu tester la méthanisation sur la durée et établir la «recette» finale : 88 % de marcs, lies et bourbes, 5 % de fumier, 5 % de paille et 2 % de déchets verts. Le rendement en énergie s’avère même bien meilleur qu’une méthanisation de fumier seul, et le territoire s’avère propice : «l’avantage de conduire ce projet dans le Chablisien est que le marc frais utilisé est blanc donc il n’y a pas de polyphénol inhibant les bactéries, comme cela peut se produire en rouge» explique Thierry Mothe.

Une plateforme de méthanisation bien pensée
Le méthaniseur se situera au sud de Chablis, près de la déchèterie. Les 700 viticulteurs adhérents à la FDAC pourront amener et peser sur place leurs coproduits de vinification. Avant d’être stockés, les marcs passeront dans une épépineuse : les pépins sont abrasifs pour le matériel et peu qualitatifs pour la méthanisation, ils seront valorisés dans l’huilerie et la cosmétique. Ensuite, les marcs iront dans des silos bâchés, où ils commenceront leur fermentation avant d’aller dans le méthaniseur avec les autres intrants. 1,2 tonne de marcs produits par hectare : ce sont donc 6 600 tonnes issues de 5 500 ha qui alimenteront le méthaniseur, à raison de 30 tonnes d’intrants par jour. Au total, l’installation peut traiter 9 000 tonnes de substrat à l’année. Le biogaz épuré produit sera injecté directement dans les circuits de GRDF. Le digestat, quant à lui, sera revendu aux viticulteurs ou aux céréaliers pour de l’épandage sur 500 ha par an sous forme liquide (valeurs en g/kg : N 8,4 ; P 0,5 ; K 7,6) ou solide (valeurs en g/kg : N 7,5 ; P 1,7 ; K 6,8).

Un projet à 4,8 millions d’euros
Le coût total du projet s’élève à 4,8 millions d’euros, financés à 25 % par des capitaux propres comprenant 1 million d’euros de subventions de la région et du FEADER et 200 000 € d’apport de la FDAC. Les 3,6 millions restant ont été empruntés. À 124 €/MWh produit, les prévisions chiffrent une production d’environ un million d’euros par an, représentant un bénéfice annuel de 200 000 € en rythme de croisière.
Trois personnes seront embauchées pour assurer le fonctionnement du méthaniseur qui devrait être mis en service au 2ème ou 3ème trimestre 2021.


1 Le poids et le taux d’alcool volumique indiqueront le rendement en alcool pour vérifier que chacun a bien payé sa redevance.