Eau et climat
« Garder un monde vivable »

Chloé Monget
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Le 14 novembre, le Parc naturel régional du Morvan organisait une journée d'échanges sur le thème : « Quelle eau pour demain à l'aune du changement climatique ». 

« Garder un monde vivable »
La journée fut animée par Denis Cheissoux, journaliste à France Inter (ici en pantalon rouge).

Le 14 novembre à Saint-Brisson, le Parc naturel régional du Morvan proposait une journée d’échanges sur la question de l’eau à l’aune du changement climatique. Pour Sylvain Mathieu, président du PNRM, « le temps s’accélère sur la question de l’accès à l’eau et il est urgent d’agir pour notre avenir ».

Pour animer les échanges, Denis Cheissoux, journaliste à France Inter (émissions « CO2 mon amour » ou encore « L’as-tu lu mon p’tit loup ? ») a pris place à la tribune afin d’introduire le thème de la journée. « Autour d’un verre d’eau, vous mettez un agriculteur, un paysagiste, un commerçant, un hôtelier, un restaurateur, un touriste ou encore un habitant. Tous auront un avis différent sur comment gérer l’eau… mais tous auront un avis. Avec les changements que l’on connaît, il est indispensable de travailler ensemble pour trouver des solutions pérennes ».

Une vision d’ensemble

Pour commencer, un portrait de l’état des eaux du Morvan et des perspectives a été dressé. Pour comprendre la situation, Thierry Castel, professeur à AgroSup Dijon et chercheur au Centre de recherches de climatologie de Dijon est revenu sur la hausse des températures. « Il y a eu une accélération nette des températures depuis 1987-1988, dans Morvan comme au national, avec un nouveau palier franchi en 2015. En moyenne, on note une augmentation de 2 °C (moyenne établie sur un minimum de 30 ans) par rapport à 1987. La partition est donc modifiée, avec une distorsion des extrêmes : des fortes pluies et des fortes sécheresses. Au niveau de la région, le Morvan est le territoire le plus impacté – comme les autres territoires de moyenne montagne au niveau national. En parallèle, il y a eu une diminution de la quantité d’eau dans le Morvan, mais nous ne pouvons dire si cela est dû à une variabilité naturelle ou à un effet du changement climatique. En revanche, nous sommes sûrs qu’il y a une très forte évapotranspiration. Cette dernière est plus importante que l’eau reçue dans le territoire engendrant une baisse du ruissellement. Pour les projections, différents scénarios sont possibles, mais restent totalement incertains car il y a une grande inconnue : la pluie. On ne peut ni la prévoir ni quantifier son abondance, mais une chose est certaine : le climat ne s’arrêtera pas d’évoluer jusqu’en 2050 ». Sur les évolutions passées, le son de cloche est le même pour Erwann Le Barbu, chef du département adjoint, hydrologie à la Dreal BFC : « Depuis 2015, les sécheresses sont récurrentes sur une période plus longue. À cause de cela, et même si nous pouvons avoir des étés pourris, cela ne compense pas la perte. Néanmoins, nous constatons que même si le débit annuel est fluctuant, il reste stable dans le territoire. Nous alertons quand même sur la distorsion des extrêmes qui pourra engendrer de fortes pluies en un temps court, augmentant donc les risques de crues, mais cela ne suffira pas à remplir les nappes souterraines. Les barrages ou les retenues entretiennent un sentiment d’abondance de l’eau, mais il faut que cela se termine car en sous-sol cette abondance n’existe plus ». Pour terminer de dépeindre le portrait du Morvan, Véronique Lebourgeois, chargée de mission « adaptation au changement climatique » et Laure Jouglard, chargée de mission contrat territorial Cure-Yonne au PNRM, se sont attachées à détailler la morphologie des cours d’eau : « le déplacement d’un cours d’eau est naturel, il faut donc laisser son lit se déplacer afin qu’il soit toujours en lien avec la nappe. Si la connexion est perdue, la nappe ne se remplit plus en hiver, et en été, elle n’alimente plus le cours d’eau ». Autre point abordé, la biodiversité en Morvan : « la présence de ripisylves est indispensable car elles sont un habitat choyé par la faune et la flore. De plus, elles permettent dans une certaine mesure de réguler la température des cours d’eau : au-delà de 19 °C la faune aquatique et notamment la truite sont perturbées, il y a donc un intérêt indéniable à les conserver. Dans tous les cas, même si les cours d’eaux morvandiaux sont en relativement bon état, force est de constater qu’il y a eu une dégradation de leur qualité depuis quelques années – dont les causes sont diverses ».

Tables rondes

Après ce panorama, Denis Cheissoux engage la discussion pour les trois tables rondes de la journée : « L’activité humaine a merveilleusement déréglé le climat, on le sait. À cause de cela, ce qui allait de soi ne l’est plus. Oui, l’avenir est inquiétant, mais non ce n’est pas encore une fatalité. Nous avons tout à faire pour trouver des solutions. Et, c’est localement que cela va se passer car la ressource n’est pas la même partout, de même que les contraintes qui y sont liées. Mais, il y a des idées à prendre partout, alors autant en discuter afin de garder un monde vivable ». Ainsi, des projets ont été présentés lors de la première table ronde comme l’application d’une tarification solidaire de l’eau à Blénod-lès-Pont-à-Mousson (54), la désimperméabilisation à Coulanges-la-Vineuse (89), la gestion quantitative par le Sage de la Tille ou des actions pour réduire les consommations (Association Amorce). Ensuite, pour la seconde, la conciliation des productions agricoles et la préservation des milieux aquatiques ont été au cœur des débats. Là, Denis Cheissoux martèle : « C’est une connerie de diaboliser les agriculteurs ! Il faut travailler avec eux. En effet, le monde agricole est un acteur majeur de l’économie française, mais aussi un acteur local pour la préservation de l’environnement. Les exploitants nourrissent du mieux qu’ils peuvent la population, il faut donc les inclure dans ce débat car ils ont leur place ». Ainsi, la gestion de l’eau dans une exploitation de Lormes (58) a été présentée, ainsi que le Réseau Patur’Ajuste. Enfin, la troisième table ronde s’est concentrée sur la résilience des cours d’eau, avec notamment la stratégie incitative à la suppression des étangs (EPTB de la Vienne – 87). Pour conclure cette journée dense, Denis Cheissoux insiste « Il faut réfléchir aux enjeux de chacun pour trouver des solutions communes et viables. S’il manque un seul acteur du territoire, les leviers ne pourront être efficaces ; alors rassemblons-nous ».

photo supplémentaire
La question des retenues collinaires a été évoquée durant les échanges.