Circuits courts
Conseil départemental de l'alimentation de Côte-d'Or

Berty Robert
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Les productions alimentaires de proximité ont été mises en lumière par le Covid et le confinement. Malheureusement, l’élan constaté alors est retombé depuis. La société est toujours demandeuse mais pour favoriser la consommation locale, il faut réfléchir à un système logistique adapté. La question était au centre du dernier Conseil départemental de l’alimentation de Côte-d’Or.

Conseil départemental de l'alimentation de Côte-d'Or
La table-ronde sur les enjeux de logistique alimentaire se tenait au Conseil départemental de Côte-d'Or, à l'occasion de la présentation de son Projet alimentaire territorial.

On ne compte plus les producteurs agricoles déçus et amers face au constat qu’une bonne part de la clientèle qu’ils avaient attirée pendant le confinement, les ignore aujourd’hui. Entre les attentes sociétales claironnées médiatiquement et la réalité de la consommation alimentaire, le fossé est de taille et ce constat apparaissait dans toute sa crudité, le 19 septembre, lors des débats qui ont animé le Conseil départemental de l’alimentation, organisé à Dijon. Il s’agissait, pour le Département, de mettre en évidence le travail effectué dans le cadre de la mise sur pied de son Projet alimentaire territorial (PAT). Mais le but était aussi d’ouvrir une réflexion sur ce qui pourrait faciliter la consommation de produits alimentaires locaux. Dans ce cadre, un mot est au cœur de tout : logistique. Car lancer des incantations sur la vertu des circuits courts, permettant d’apporter des débouchés à des agriculteurs côte-d’oriens, sans réfléchir à la manière dont les consommateurs peuvent avoir accès à ces produits, mène à une impasse. Entre les producteurs et les consommateurs, s’il manque le chaînon de la logistique, toute initiative reste vaine.

Il y a logistique et logistique

Le Conseil départemental de l’alimentation offrait donc un espace de réflexion sur la question à travers une table ronde dont le thème était « Les enjeux des logistiques alimentaires ». Trois intervenants étaient conviés : Gwenaëlle Raton, chercheuse à l’université Gustave Eiffel et spécialiste des questions liées à la logistique et l’approvisionnement alimentaire, Frédéric Marcouyoux, agriculteur installé à Vernot (voir encadré), au nord de Dijon, et Aurélie Toutain, chargée de mission à la Chambre d’agriculture d’Eure-et-Loir sur les questions de diversification et de circuits courts et qui a participé à la mise en place d’une plateforme logistique départementale nommée « Sur le champ ». Première erreur à ne pas commettre sur cette problématique : imaginer qu’il suffirait de reproduire, en plus petit, les schémas qui fonctionnent pour la logistique industrielle. La diversité des productions agricoles locales est si grande, les quantités à livrer si diverses que l’on est condamné à faire de la « dentelle » dans cette optique, et c’est toute la difficulté de la chose. D’autre part, derrière le mot « logistique » ne se cachent pas que des questions de transport. La problématique se pose aussi en termes de capacités de stockage, voire de conditionnement. Des domaines qui réclament de la compétence et du temps. Or, les agriculteurs qui sont dans des logiques de circuits courts n’ont pas toujours ni l’une ni l’autre. La logistique est un métier à part entière et qui implique un critère particulièrement important, pointé par Gwenaëlle Raton comme par Frédéric Marcouyoux : la prise en compte du coût logistique dans le prix final du produit. Les deux intervenants constataient que, trop souvent, les producteurs n’intègrent pas du tout ce coût, ce qui peut conduire à des situations aberrantes d’un point de vue économique. Au sein du laboratoire dans lequel elle opère, la chercheuse Gwenaëlle Raton a d’ailleurs participé à la conception d’un outil -Logicoût- destiné à aider les producteurs à avoir une vision claire sur ce point.

Une solution pour chaque territoire

En matière de logistique de circuit court, aucun schéma ne peut être dupliqué aveuglément. Il faut quasiment une solution pour chaque territoire, en fonction de la densité de population. D’où l’importance de l’implication des collectivités afin de parvenir à mettre sur pied des dispositifs de logistique qui répondent à l’ambition d’augmenter les consommations de produits locaux pour les particuliers, mais aussi en restauration collective, tout en étant économiquement viables. L’Eure-et-Loir s’est confronté à cette difficulté. Cela a donné la plateforme « Sur le champ », lancée en 2019 et qui fédère aujourd’hui 80 producteurs. L’outil s’est bien développé, notamment pendant le Covid, mais depuis le début de l’année 2022, il est confronté à une baisse d’activité liée aux difficultés économiques croissantes d’une bonne part de la population qui opère des arbitrages budgétaires, aux dépens des produits locaux. En trois ans, malgré les difficultés, la plateforme a démontré ses capacités à s’adapter à des charges de travail variables mais, aujourd’hui encore, sa pérennité économique n’est pas totalement assurée. Elle a en tout cas le mérite de constituer un précédent qui peut inspirer le Département de la Côte-d’Or : ce dernier vient de recruter une logisticienne en charge de réfléchir à ces questions, preuve que la collectivité ne prend pas la question à la légère.

Frédéric Marcouyoux : « Pas toujours évident de déléguer la logistique »

Troisième intervenant de la table ronde, Frédéric Marcouyoux est un agriculteur installé à Vernot, au nord de Dijon. Il élève des escargots, des ovins, produit des fruits, il transforme et vend en direct. Les questions de logistique sont pour lui une réalité quotidienne : « Nous ne sommes pas logisticiens de métiers. Nous tentons d’inventer des choses avec plus ou moins d’efficacité, mais la difficulté, c’est d’assumer plusieurs casquettes : producteur, transformateur, livreur… On est confrontés à des contraintes sanitaires ou administratives qui ont été pensées pour des géants de la logistique. Il faut travailler sur ces questions, ne serait-ce que pour optimiser les livraisons, entre plusieurs producteurs. Si on veut favoriser la consommation en circuit court, il faut mettre les consommateurs en face de leurs responsabilités, pour qu’ils comprennent que chacun de leur acte de consommation a des conséquences. La difficulté, pour un producteur de proximité, c’est qu’en déléguant l’action de livrer, il se prive de moments d’échanges avec ses clients qui sont précieux. Ce n’est pas facile à accepter. En faisant de la logistique on fait aussi du marketing, de la promotion de nos produits… Nous ne sommes pas mono production ni mono clientèle, c’est toute la complexité du sujet ! »