Adaptation
Sommet de l'élevage : comment adapter les surfaces fourragères

Berty Robert
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Face au changement climatique, des stratégies d’adaptation des surfaces fourragères deviennent indispensables. Matthieu Javelle, de la Chambre d’agriculture de Côte-d’Or, fait le point sur ce qui est envisageable.

Sommet de l'élevage : comment adapter les surfaces fourragères
Les stratégies d'adaptation des surfaces fourragères empruntent des pistes multiples.

Face au changement climatique, un constat s’impose et il est dressé par Matthieu Javelle, conseiller technique de la Chambre d’agriculture de Côte-d’Or : les trois dernières années ont présenté des configurations météorologiques et climatiques différentes mais qui ont toutes eu un impact sur les rendements fourragers. « En 2021, explique-t-il, nous avons eu beaucoup de pluie, beaucoup de fourrage mais des qualités moyennes. Les maïs ont poussé longtemps et se sont révélés difficiles à digérer. En 2022, il a fait très sec jusqu’au début du printemps, puis, en juin, de gros orages se sont produits et le cumul pluviométrique a permis de sauver les meubles avant un mois de juillet sec et un retour des pluies mi-août. L’automne a été marqué par une pousse de l’herbe comparable à celle du printemps. Les maïs étaient très moyens. Enfin, en 2023, il a fait très sec en début d’année, mars a été pluvieux, on a alors eu une belle pousse de l’herbe, de grosses quantités de paille, puis le sec est revenu en mai. On a quand même eu de bonnes conditions de récolte fin mai - début juin, avant l’installation d’un gros déficit en eau ». Avec ces contextes différents, avoir une production fourragère stable se révèle de plus en plus difficile. En Côte-d’Or, entre 2012 et 2021, les surfaces fourragères ont légèrement crû (de 176 400 ha à 178 350) alors que le nombre de bovins baissait. « On assiste à une désintensification sur certaines zones, et une densification sur d’autres, plus facile à surveiller, souligne le technicien. On surpâture d’un côté et on sous-pâture de l’autre, avec une tendance au délaissement des prairies permanentes. C’est un effet de la PAC qui favorise l’accroissement des surfaces fourragères temporaires ».

Variations de « timing »

Dans un tel contexte, quels sont les leviers d’action à portée des éleveurs ? Il y a, par exemple l’adoption de cultures fourragères résistantes à la sécheresse (le sorgho). « C’est une solution, précise Matthieu Javelle, mais pas la panacée. Il faut avoir une idée précise du résultat qu’on en attend ». Si on veut vraiment s’engager dans une logique de réduction des charges alimentaires sur l’exploitation, il faut s’intéresser de près aux prairies temporaires, avec l’objectif d’y produire quelque chose qu’on aurait du mal à produire sur les prairies permanentes. « Dans cette logique, la luzerne peut être un bon choix ». Au-delà du choix des cultures possibles, une stratégie d’adaptation des surfaces fourragères peut aussi reposer sur des variations de « timing ». Matthieu Javelle fait le constat que, sur les prairies permanentes, on a aujourd’hui des pousses plus précoces et plus tardives. « Il faut exploiter l’herbe quand elle est là, au début du printemps mais aussi à l’automne mais il faut aussi être vigilant sur un autre effet du changement climatique : un « creux » de pousse estival de plus en plus long qu’il va falloir apprendre à gérer. En fait, les scientifiques estiment qu’il n’y aura pas moins d’herbe sur une année, mais que la pousse se fera sur des périodes différentes et des durées différentes ». Dans la panoplie des pistes possibles on trouve aussi l’augmentation de la durée de pâturage, synonyme de réduction des charges alimentaires. « On pourra aussi, détaille le technicien, diminuer le chargement, sortir les vaches vides, essayer d’avoir le moins d’animaux improductifs sur la période estivale. En système polyculture-élevage, on pourra profiter de l’interculture pour mettre en place des couverts à pâturer rapidement ». Pour conclure, Matthieu Javelle n’oublie pas le problème central du manque de main-d’œuvre, avec lequel il faut aussi composer : « avant l’agrandissement de son exploitation, il est bon de se poser la question de l’optimisation de ce qu’on a déjà, pour ne pas se surcharger en travail ».