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L’Europe à Taizé

Françoise Thomas
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Une venue exceptionnelle s’est déroulée vendredi et samedi derniers à Taizé. Si Ursula Von der Leyen s’est rendue dans la petite commune du Clunisois, c’est avant tout à titre personnel pour y rencontrer la communauté religieuse, mais elle n’en a pas pour autant oublié sa casquette de présidente de la Commission européenne et une rencontre avec les élus locaux a été programmée. L’occasion d’aborder directement plusieurs problématiques très actuelles.

L’Europe à Taizé
Parmi la délégation qui a reçu la présidente de la Commission européenne (veste orange), le préfet Julien Charles, les eurodéputés Arnaud Danjean et Philippe Lambert, les députés Benjamin Dirx et Louis Margueritte, la sénatrice Marie Mercier, le sénateur Fabien Genet, les maires de Taizé, Cluny, Tournus, Bonnay, Ameugny, des représentants de la communauté de communes du Clunisois et du conseil Départemental.

Juste avant l’arrivée de l’invitée du jour sur le site de la mairie de Taizé, un homme est passé sur la route tenant deux chevaux au licol. L’image aurait ainsi été encore plus insolite si Ursula von der Leyen avait déjà été sur place : la Saône-et-Loire dans toute sa diversité et sa ruralité, ses contrastes et ses richesses, accueillant non moins que la présidente de la Commission européenne. Les raisons de sa visite étaient plutôt d’ordre privé (voir encadré), mais une rencontre avec plusieurs élus locaux a été organisée.

Accueillies par Kiki Bouillin, la maire de Taizé, elles ont toutes deux rejoint les membres de la communauté de communes du Clunisois dont son président Jean-Luc Delpeuch, des maires des communes environnantes (notamment Marie Fauvet pour Cluny, Virginie Logerot d’Ameugny, Christophe Parat de Bonnay), les députés Benjamin Dirx et Louis Margueritte, ainsi que la sénatrice et le sénateur Marie Mercier et Fabien Genet. À noter enfin la présence du local européen : l’eurodéputé saône-et-loirien Arnaud Danjean.

Redorer l’agriculture

Dans une ambiance très conviviale, la discussion s’est engagée en toute simplicité entre la représentante de l’Europe et ces élus et en une quarantaine de minutes, plusieurs problématiques du terrain ont été abordées. Une occasion aussi belle qu’exceptionnelle.

Ainsi, à l’heure du Green deal (Pacte vert Européen) et à la veille d’une Pac plus "verte", les questions environnementales et l’agriculture et ses problématiques ont donc naturellement été au cœur de ces échanges.

Le sénateur Genet l’a très vite rappelé : « l’agriculture a été l’un des piliers de base de la construction de l’Europe. Or aujourd’hui avec l’agribashing, les agriculteurs ressentent un vrai manque de fierté. Il est important que l’Union européenne exprime à nouveau sa confiance dans ce secteur et ses acteurs ». « Surtout qu’ils ont su s’adapter et ne ménagent pas leurs efforts », a renchéri Marie Mercier.

« Il faut en effet qu’ils retrouvent un revenu en face », a acquiescé la représentante de l’Europe.

Les petits pas

Et les uns de suggérer que le Green deal permette notamment d’accorder directement des fonds aux territoires qui auraient, par exemple, une vraie stratégie locale, concrète et mesurable de neutralité carbone. En allouant une somme par an et par habitant, cela « ne représenterait pas grand-chose au niveau européen, mais serait beaucoup pour des petits territoires comme les nôtres », a ainsi présenté Jean-Luc Delpeuch. En intervenant ainsi directement dans le quotidien des gens, « cela redonnerait une place à l’Europe », insiste l’élu.

Ce qui a fait dire à la présidente que « l’Europe n’y arrivera pas en effet sans la mobilisation de tous, c’est à chacun des territoires de faire des petits pas », avant de se montrer encourageante « en plus, vos idées sont les meilleures, car vous êtes sur le terrain ! ».

Trop lourd

Cependant, en écho à ces propositions, les délais de prise de décision et la lourdeur administrative générale européenne ont été plusieurs fois pointés du doigt « amplifié par l’administration française », a concédé Fabien Genet. Il « faudrait plus de souplesse », notamment pour « réinstaurer la confiance » de tout un chacun dans cet ogre européen, l’impression étant « de beaucoup de technocratie qui demande beaucoup de papier… pour peu de résultat ! ». « L’image de l’Europe serait meilleure », a-t-il été resouligné.

Et dans ce sens, Christophe Parat a livré un exemple. Celui qui est donc élu local, mais aussi membre du Gaec Copex produisant 20 ha de petits fruits dans le secteur, a expliqué avoir vu cet été la production de cassis réduite quasiment à néant du fait de la sécheresse.

« Il y a un vrai problème dans les délais des réponses, a exprimé le producteur, or pour nous il y a urgence d’accélérer le processus de décision ». Le Gaec a ainsi attendu un an une décision sur une problématique d’irrigation. « La réponse a été positive j’espère ? », s’est enquise Ursula von der Leyen. « Oui… Mais compliquée ! », a répondu Christophe Parat, ce qui n’a pas surpris la représentante de l’UE. Et en effet, les coûts à engager par le Gaec pour remplir les exigences européennes se sont révélées rédhibitoires…

Euro-dépendants…

Ainsi, la présidente de la Commission l’a concédé : « il faut repenser la gestion de l’eau. Nous ne venons pas de vivre notre premier été sec, il faut donc réfléchir à une stratégie de la gestion de l’eau sur toute l’Europe ».

Autre interpellation des élus : sur la question du loup et de son statut d’espèce protégée par une convention internationale. L’animal en surnombre « pose de vrais problèmes aux éleveurs et on compte sur votre soutien pour faire évoluer la question », a insisté Fabien Genet, avant de poursuivre : « il n’attaque pas pour manger, mais pour tuer. Il faut trouver une solution, il faut que ce soit équilibré ». « Les éleveurs et leurs familles sont traumatisés » par la violence de cette prédation, a complété Marie Mercier, rappelant « qu’on attend de l’Europe qu’elle nous protège ». Ursula von der Leyen a admis de son côté que le loup doit réapprendre la peur de l’homme…

Les échanges ont ainsi duré plus d’une demi-heure. Une rencontre rapide, certes, mais conviviale et directe. « L’Europe c’est loin et plein de contraintes, a exprimé Christophe Parat en marge de cet échange, mais on sent ici quelqu’un à l’écoute. Et c’est toujours intéressant car les élus de la nation entendent aussi nos problématiques et nos demandes, soit un discours concret avec des demandes concrètes ».

 

Les raisons de sa venue

De son propre aveu, cela fait 50 ans qu’Ursula von der Leyen souhaitait venir à Taizé, depuis qu’elle voyait ses frères et cousins revenir « transformés » de leur séjour dans la communauté religieuse de Taizé. Depuis quelques années, ce projet se faisait plus pressant mais le Covid s’est imposé. Cet été 2022 aura ainsi été le moment où la présidente de la Commission européenne a pu enfin se rendre en Saône-et-Loire. Elle a consacré la journée de samedi à rencontrer les 1.500 jeunes de 18 à 35 ans, venus passés la semaine sur place dans le cadre des Rencontres internationales de la jeunesse à Taizé (tout l’été, ils ont ainsi été plus de 20.000 jeunes, venant de toute l’Europe mais aussi des autres continents).

La journée de samedi, par petits groupes, ils se sont entretenus avec Ursula von der Leyen autour des thèmes du climat, de l’Europe, des enjeux de sécurité, de la guerre en Ukraine, de la jeunesse… et ont ainsi abordé ces sujets aussi importants qu’urgents « dans l’esprit de Taizé ». La présidente de la Commission européenne s’est dite conscience « de la responsabilité de [sa] génération de maintenir un monde aussi joli et plein d’espoir » que ce qu’elle a connu, à l’heure où la jeunesse témoigne de plus en plus d’inquiétude, voire d’angoisse pour l’avenir.