Service civique
La connaissance sans frontière

Chloé Monget
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Depuis octobre 2023, le Legta du Morvan (Château-Chinon) accueille deux Ivoiriens dans le cadre d'un service civique au sein de la filière aquacole de l'établissement.

La connaissance sans frontière
De gauche à droite, Ézéchiel et Alain-Emmanuel travaillent dans le site de pisciculture de Vermenoux et stipulent : « Contrairement à chez nous, les élèves d'ici sont responsabilisés assez tôt ce qui à notre avis est une chance pour eux car ils acquièrent une belle autonomie ».

« C’est durant le Salon international de l’agriculture 2023 que tout s’est précisé » explique Nathalie Guénard, enseignante d’éducation socioculturelle au Legta du Morvan (Château-Chinon) et référente de suivi pour les deux services civiques accueillis par l’établissement depuis octobre. Elle précise : « C’est dans le cadre de nos missions avec la coopération internationale que la venue d’Alain-Emmanuel Kouassi et d’Ézéchiel Djo Bi est possible. C’est une première pour le Legta et nous sommes ravis de les compter parmi nous ». Tous les deux âgés de 25 ans, ils reviennent sur cette première expérience à l’étranger qui devrait durer jusqu’en juillet 2024.

Parcours professionnel

Disposant d’un BTS aquacole ivoirien, Alain-Emmanuel, originaire d’Abidjan, détaille : « J’ai une passion pour les poissons et l’eau de manière générale. Venir travailler en France, dans le cadre d’un service civique, est une chance de par la qualité des infrastructures et du professionnalisme des élèves, des enseignants ou du personnel ». De son côté, Ézéchiel, venu de Yamoussoukro, expose que la filière aquacole n’était pas sa première orientation : « J’ai suivi des études d’électronique. Comme cela ne me correspondait pas, j’ai décidé de changer de voie au profit d’une spécialisation en aquaculture, courant 2020 ». Pour comprendre un peu plus leur choix professionnel, ils développent : « En Côte d’Ivoire, près de 2/3 des poissons consommés sont importés. La pisciculture est donc un secteur aux nombreux débouchés chez nous, mais il faut déjà que la filière se construise. Même si les espèces que nous avons découvertes en France ne sont pas adaptées à notre climat ivoirien, il est toujours intéressant d’élargir ses connaissances. Outre ces espèces, nous avons aussi découvert le principe des circuits fermés en pisciculture, jusque-là totalement inconnu pour nous. En parallèle, nous sommes très surpris de la grande organisation des journées et des horaires fixes ; ce que nous apprécions beaucoup. Pour saisir notre étonnement, il faut avoir à l’esprit qu’en Côte d’Ivoire le climat étant toujours plus ou moins le même, nous n’avons pas le problème du raccourcissement des jours. De ce fait, commencer à 8 h 00 ou 9 h 30, ne change pas grand-chose là-bas, à condition que le travail soit fait ». Ainsi, ils résument : « La connaissance est une force permettant de promouvoir ses qualités dans le milieu professionnel. Avec une expérience française, nous ne nous faisons pas trop de souci quant à notre avenir professionnel en Côte d’Ivoire, car ce genre de parcours est très recherché par les employeurs ; c’est une véritable plus-value ». Nathalie Génard rebondit : « nous nous retrouvons tous les 15 jours pour remplir le suivi de compétences. Ce livret leur permettra de présenter leur évolution et d’acter leurs acquis ».

Partage indispensable

Outre leur travail au sein des piscicultures, Alain-Emmanuel et Ézéchiel doivent assurer une mission d’animation auprès des élèves. Ils détaillent : « Il est important de présenter notre pays, notre culture, nos coutumes et nos modes de vie qui sont très peu connus ici. En effet, en conversant avec les élèves partageant notre quotidien, nous nous sommes rendu compte de la méconnaissance de certains. Loin de nous choquer, nous souhaitons partager notre univers avec eux car ils sont en demande de réponses. Nous sommes persuadés que nous sortirons tous grandis de ces échanges ». Dans cette optique, ils feront une présentation, le 30 janvier, lors de la journée de coopération internationale organisée au Legta. Nathalie Guénard insiste : « C’est une véritable leçon de vie pour tout le monde ». Si leur joie de vivre de nouvelles expériences infuse leurs discours, ils pointent tout de même quelques différences pratiques et culinaires assez difficiles à adopter. Ézéchiel raconte : « ici, les routes ont des virages ! Lors d’un déplacement, nous en avons compté 16 ! La conduite n’est pas simple ici ». Côté nourriture, Nathalie Guénard stipule : « l’acclimatation est assez compliquée car ils n’ont pas l’habitude de manger des denrées crues ou mi-cuites. De ce fait, ils boudent les préparations proposées par le restaurant du Legta. Nous faisons très attention à ce qu’ils ne maigrissent pas trop ». Cela étant, Ézéchiel a tout de même des plats préférés : « la raclette, la fondue, et un autre plat dont je ne connais pas le nom ». Avides de découvertes, ils sont également ravis des voyages prévus auxquels ils participeront.

Exploration continue

En effet, durant leur séjour, ils accompagneront les élèves de différentes filières durant divers déplacements, comme le précise Nathalie Guénard : « Ils iront au Salon de l’agriculture pour rencontrer toute la délégation Africaine – dont les représentants devraient d’ailleurs venir visiter le Legta. Puis, ils se rendront, avec les Bac Pro, à Bourcefranc-le-Chapus (Charente-Maritime) pour visiter une exploitation d’ostréiculture. Ensuite, ils prendront la direction de Rungis afin de visiter ce lieu emblématique avec la filière agricole du lycée. Enfin, une rencontre avec tous les services civiques venus d’Afrique se tiendra à Aix-en-Provence ». En attendant ces jours-là, Alain-Emmanuel et Ézéchiel sont enchantés d’avoir vu la neige « en vrai » pour la première fois de leurs vies et se réjouissent déjà à l’idée de partager, avec leurs compatriotes, leurs connaissances et découvertes.

Solidarité

Petit ovni dans le paysage du Morvan, l’arrivée d’Alain-Emmanuel et d’Ézéchiel fut aussi synonyme d’élan de solidarité, comme le précise Nathalie Guénard : « Ils sont arrivés avec des vêtements peu adaptés à notre climat. Face à cette situation, un élan de générosité s’est mis en place, les élèves et leurs parents ont donné des blousons ou encore des chaussures. De son côté, l’équipe pédagogique leur a offert des gants ou encore des vélos pour qu’ils puissent se déplacer. Il faut aussi souligner l’attention particulière du Crédit Agricole qui leur a ouvert un compte bancaire très rapidement afin qu’ils puissent disposer de leurs salaires. Pour moi, tout cela est l’expression rayonnante de la chaleur humaine que le Morvan peut contenir ; Alain-Emmanuel et Ézéchiel ont été très touchés par tout ceci et force est de constater que nous aussi nous sommes très attachés à eux ».