Pour vos oreilles
Paysage sonore de la féminité en agriculture

Berty Robert
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Des podcasts sur des femmes agricultrices ont été réalisés par deux journalistes en collaboration avec l’association dijonnaise Magna Vox, et l’appui de la Chambre d’agriculture de Côte-d’Or. La série, qui s’intitule EnracinéE compte dix épisodes.

Paysage sonore de la féminité en agriculture
Fin mars, Magna Vox organisait une table-ronde consacrée à la place des femmes en agriculture, au archives municipales de Dijon. (Crédit photo : Julien Le Flohic)

On ne dira jamais assez combien le podcast est une forme médiatique appréciable, parce qu’elle permet de raconter des histoires en prenant le temps nécessaire, et qu’on peut en profiter et les découvrir quand on veut, à son rythme. Lorsqu’en plus, ces podcasts se présentent sous la forme d’une série, c’est un voyage au long cours qui s’ouvre à tout un chacun et c’est ce que proposent Camille Fol et Anthony Bellevrat. Âgés de 26 et 37 ans, tous deux issus de familles d’agriculteurs, ils ont conçu et réalisé EnracinéE, une série de 10 podcasts qui sont autant de portraits de femmes agricultrices de Côte-d’Or. Pour les découvrir, vous pouvez suivre ce lien : https://www.podcastics.com/podcast/magna-vox/series/enracinee/. Ils seront aussi diffusés durant l’été sur les ondes de Radio Dijon Campus et devraient donner lieu à des diffusions dans des lycées agricoles. Mais avant cela, revenons sur la manière dont sont nés ces podcasts, avec certains des acteurs concernés.

Une idée qui a évolué

Au départ, donc, on trouve Camille Fol et Anthony Bellevrat. Tous deux souhaitaient réaliser un podcast et, dans ce but, ils ont frappé à la porte de l’association dijonnaise Magna Vox. Soutenue par de nombreux partenaires (voir encadré), elle produit depuis plusieurs années ses propres contenus médiatiques, ensuite diffusés par différents canaux. L’idée de départ était de bâtir un podcast autour de la grand-mère d’Anthony et de ses souvenirs liés à la guerre. Pourtant, c’est finalement son vécu d’agricultrice qui inspire les deux journalistes. « En en discutant, explique Samuel Offredi, de Magna Vox, on a élargi le projet à la problématique de la place des femmes en agriculture. En faisant ce choix on a ouvert les vannes d’une quantité incroyable de problématiques diverses. C’est pourquoi on a décidé de partir sur dix épisodes, afin de ne pas trop se disperser, mais il n’est pas impossible que nous prolongions l’aventure avec de nouveaux épisodes en 2025, si nous trouvons d’autres partenaires… ». « Plutôt que simplement faire des récits de vie, ajoute Camille Fol, Samuel Offredi nous a incités à organiser les épisodes en fonction de thématiques précises : l’utilisation du matériel sur une exploitation, croiser différentes générations de femmes agricultrices, des femmes qui viennent de s’installer ou qui vont le faire, la question de la maternité en tant qu’agricultrice, le fait d’assumer l’héritage d’une exploitation familiale, le rapport à l’élevage, et puis aussi la confrontation au sexisme… ». Pour trouver les femmes qui composent ce paysage sonore de la féminité agricole, le duo de podcasteurs s’est appuyé sur son réseau personnel mais s’est aussi rapproché de la Chambre d’agriculture de Côte-d’Or qui a fourni de précieux contacts. « On voulait un panel le plus large possible, poursuit Camille Fol, aussi bien en termes de productions (animale ou végétale) que de modes de production (conventionnel ou bio) ».

Des propos rares

Le résultat, c’est un ensemble de podcasts qui offre des perspectives et des regards sur le monde agricole que l’on n’a pas l’habitude d’entendre : c’est leur grande vertu. Ils seront sans doute aussi utiles à un public urbain parfois peu au fait des réalités agricoles, qu’à un public rural et d’agriculteurs, qui trouveront là un reflet plutôt valorisant de leurs activités, à travers le prisme de regards féminins. La démarche des podcasteurs a été très bien accueillie par les personnes sollicitées. « Chez certaines, constate Camille Fol, on sentait une volonté très forte de porter une parole de femme et d’agricultrice. On a pu refléter des histoires très différentes et très personnelles, pour chacune. Nos entretiens duraient parfois plus de deux heures. Cela réclame du temps parce qu’au début, il y a inévitablement de la réserve, de la timidité, mais, au fil des échanges, on parvient à faire naître des choses. On a eu des échanges très riches qui nous emmenaient sur des aspects auxquels nous n’avions pas toujours pensé au départ ». Un des points qui ressort de ces podcasts c’est que les évolutions des pratiques agricoles passent très souvent par les femmes. Elles en sont fréquemment les initiatrices. Camille Fol se risque à une hypothèse sur ce point : « c’est peut-être parce que le poids des traditions pèse moins sur elles. En tout cas, une chose est sûre : toutes les femmes que nous avons interrogées ont un caractère assez fort ».

Plusieurs pistes d’utilisation

Au-delà de l’intérêt des thèmes qu’ils abordent, les dix épisodes d’EnracinéE, terminés au début du mois de mars, sont aussi réalisés avec soin et agréables à écouter. « La bonne formule pour un podcast, souligne Samuel Offredi, c’est d’avoir un journaliste mais aussi quelqu’un capable de faire du montage de qualité, « d’habiller » les sons, de bien les mettre en scène… ». Sur ce point le duo s’est avéré parfaitement complémentaire puisqu’à leur travail journalistique se sont ajoutées les compétences musicales d’Anthony Bellevrat, qui a composé l’habillage musical de ces podcasts. EnracinéE va maintenant poursuivre son chemin. Les dix épisodes seront diffusés durant l’été sur les ondes de Radio Dijon Campus et devraient également donner lieu à des diffusions dans des lycées agricoles, au cours desquelles Camille Fol et Anthony Bellevrat pourraient intervenir afin d’expliquer leur travail et d’entamer des débats avec les élèves. Une vente du podcast à des Chambres d’agriculture qui pourraient alors l’utiliser comme outil pédagogique est aussi envisagée.

Note de bas de page : https://www.podcastics.com/podcast/magna-vox/series/enracinee/

L'importance des partenariats

La réalisation du podcast EnracinéE a été rendue possible grâce à l’association Magna Vox, mais aussi par le recours à d’autres partenaires parmi lesquels : La Chambre d’agriculture de Côte-d’Or qui a aidé les deux journalistes à détecter des personnes prêtes à témoigner. On trouve aussi la ville de Dijon qui voit dans ce podcast un lien intéressant avec son projet alimentaire. Le Conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté (BFC) apporte un soutien par le biais de son dispositif Diffusion innovante pour l’agriculture (Dinov). On trouve aussi la Direction régionale Emploi et égalité femme homme et Radio Campus. L’association Femmes égalité emploi (Fete) devrait, par ailleurs, utiliser ce podcast dans le cadre d’ateliers menés envers des enseignants du milieu agricole, afin de nourrir leur réflexion sur la question de l’égalité dans les cours, et sur la manière d’intégrer cette question à leurs cours. Rappelons enfin que fin mars, une table ronde organisée aux Archives municipales de Dijon, et diffusée sur Radio Campus, traitait de la place des femmes en agriculture et de son évolution au fil du temps. Les participantes étaient Béatrice Chevallereau, directrice du lycée agricole de Quetigny, Roseline Araujo, agricultrice-éleveuse à laquelle un des épisodes du podcast est consacré, ou encore Véronique Laville, agricultrice et élue à la Chambre d’agriculture de Côte-d’Or.