Eplefpa Nevers Cosne Plagny
Repenser tout le système
Depuis déjà quelques années, la restauration collective du Legta de Nevers-Challuy tient à utiliser des produits locaux et labellisés, mais cela reste une initiative complexe à mettre en œuvre d'autant plus pour les produits céréaliers.

Avec l'instauration du premier volet de la loi Égalim en 2018 (1), la restauration collective publique se doit, depuis le 1er janvier 2022, de proposer « 50 % de produits durables ou sous signes d'origine et de qualité (dont des produits bio) ». Or, cela ne semble pas tenu pour plusieurs raisons, comme le détaille Catherine Lignon, secrétaire générale adjointe de l'Eplefpa de Nevers-Cosne-Plagny : « ce n'est absolument pas la volonté qui manque, mais bien le problème de l'accès aux moyens mis en œuvre pour y parvenir, qu'ils soient financiers, logistiques ou humains. En parallèle, la loi Égalim ne met pas en avant les initiatives d'approvisionnement local, à l'image de l'absence de visibilité de cet engagement sur l'outil Ma cantine (2) ; ce qui est fort regrettable ».
Plus en détail, elle rappelle quelques chiffres : « Les deux premiers trimestres 2024, nous étions à 5 % de produits Bio, et nous sommes passés à 11,2 % au dernier trimestre. Pour les produits locaux, l'approvisionnement sur la même période a presque doublé. Enfin, 22 % de notre approvisionnement rentre actuellement dans les critères de la loi Égalim. Nous progressons petit à petit, et je suis persuadée que nous n'avons pas à rougir de ces résultats car nous nous améliorons, tout en restant cohérents avec nos valeurs. En effet, il est important de favoriser le local en priorité, cela permet de connaître la provenance des produits achetés, de savoir comment et par qui elles sont produites. Cette proximité redonne du sens à la consommation et fluidifie les échanges avec les producteurs, notamment s'il faut s'ajuster en fonction des contraintes de chacun ».
Farines et autres céréales
Pour ces dernières, elle met en avant plusieurs éléments concrets : « pour la farine de sarrasin ou encore pour celle de pois chiche nous avons fait appel à des producteurs Bio de départements limitrophes car nous n'en trouvions pas dans le nôtre, ou plus exactement car nos contraintes ne pouvaient être tenues (coûts, livraisons, volumes, etc.). Dans la même lignée, nous ne pouvons nous fournir en pâtes locales car il nous faut des produits à base de blé dur pour une question de tenue lors de la cuisson et durant leur maintien au chaud dans les bacs gastros. En plus de ce point technique, ce sont des produits « basiques » pour une restauration collective, et la différence de prix est telle entre les pâtes « locales » et les plus classiques que nous ne pouvons investir autant dans un plat qui revient régulièrement, pour une question d'équilibre des coûts. Pour nous, ce n'est pas sur les pâtes qu'il y aurait quelque chose à travailler mais plutôt sur le pain. Nous écoulons environ 500 baguettes par semaine (pour environ 350 euros/ semaine pour 710 personnes/jour utilisant les services de notre cantine). Pour cet approvisionnement spécifique, nous avons un contrat avec une boulangerie de Challuy, car cela nous paraissait logique d'aller au plus près. Nous avons aussi engagé des discussions pour que les baguettes soient confectionnées avec des farines labellisées et faites avec du blé nivernais. Dans tous les cas, nous préférons utiliser des produits du territoire car cela à un sens pour nous. Il reste à déplorer que les produits locaux non labellisés ne soient pas reconnus dans la loi Égalim ».
Refonte totale
Outre la question du budget, Catherine Lignon met en exergue un autre point indispensable pour aller plus loin dans ces changements d'approvisionnement : « Que ce soit pour les farines ou les autres produits, la question de la prospection et donc de l'engagement humain reste la pierre angulaire de cette réussite sur le long terme. Dans notre cas, Pascal Poilvé, chef de notre restauration, est très investi, ainsi que toute son équipe à travailler les produits autrement et à établir de nouvelles recettes. En parallèle, Alban Ledey, enseignant de zootechnie, est en charge – en tiers-temps – du volet « alimentation santé » dans notre établissement, et depuis environ un an, nous disposons d'un accompagnement de Bio Bourgogne Franche-Comté, qui a notamment débouché sur une semaine dédiée aux produits Bio dans notre cantine ». Alban Ledey complète : « Nous pouvons également trouver un certain soutien dans la prospection avec les éléments mis en place dans le cadre des PAT de la Nièvre. Cet investissement de personnel permet de faciliter les échanges entre tous, car, clairement, rien n'est facilité. Pour les producteurs locaux ou ceux labellisés nous passons de plus en plus de contrats de gré à gré car les marchés publics ne correspondent pas au fonctionnement de la majorité des producteurs, car cela leur prend un temps fou de répondre à ces marchés souvent complexes ; temps qu'ils n'ont pas ». Malgré tout, si ces contrats de gré à gré permettent à l'établissement scolaire d'avoir « une certaine flexibilité dans le choix de nos partenaires », ils sont aussi contraignants : conclus pour un an, reconductibles 1 fois, ils ne doivent pas dépasser 40 000 euros HT. Alban Ledey insiste : « L'approvisionnement local est une volonté partagée par tous, mais il faut du temps pour se réadapter, car c'est tout le système de la restauration collective qui est à repenser, comme l'organisation de la gestion du temps de travail, le nombre de salariés, le type de menus… Il faut aussi faire un apprentissage auprès des jeunes qui se restaurent dans notre cantine, en leur faisant prendre conscience de l'importance de la qualité des aliments pour la santé, car ils connaissent déjà leur valeur puisque beaucoup veulent travailler dans le secteur agricole. Enfin, et toujours dans le cadre de la refonte totale de ce système, il ne faut pas oublier le gaspillage alimentaire. L'équipe de restauration réalise déjà des plats dans ce sens, en réutilisant le pain : pain grillé pour accompagner du houmous ou encore du pain perdu. Mais il y a la question des autres déchets. Et, là encore rien n'est simplifié pour nous ». Catherine Lignon ajoute : « Autrefois, la Région prenait en charge financièrement le coût de transport de nos déchets déshydratés vers un traitement en méthaniseur. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas, c’est à notre charge. Nous allons donc devoir retrouver des solutions plus viables à notre niveau ». Elle conclut : « en somme, il faut que la flexibilité, la simplicité et la logique reviennent au cœur de nos restaurants collectifs, et, même si nous avons tous envie d'y arriver, un temps d'adaptation est nécessaire afin d’amplifier nos actions vers une alimentation plus durable ».
1.https://agriculture.gouv.fr/egalim-1-ce-que-contient-la-loi-agriculture-et-alimentation
Les élèves aussi !
Outre l'investissement de l'équipe administrative et pédagogique dans le changement d'approvisionnement, les élèves sont également impliqués dans cette démarche via des initiatives diverses, comme la confection de recettes avec des produits locaux (Voir TdB n° 1772) ou encore en participant à l'organisation de la première « Fête de l'alimentation locale et de la santé » (Voir TdB n° 1814).
