En cuisine
Les pâtes nouvelles arrivent !

Berty Robert
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Romain Turban travaille depuis plusieurs années en restauration collective. Aujourd'hui responsable du service Restauration à la cité scolaire Montchapet de Dijon il instaure une organisation de travail axée sur les produits locaux. Les pâtes alimentaires y figureront en bonne place en 2025.

Les pâtes nouvelles arrivent !
Romain Turban (3e en partant de la gauche) en compagnie de son équipe des cuisines de la cité scolaire Montchapet, à Dijon.

Persévérance, conviction et respect du produit : voici les piliers sur lesquels Romain Turban appuie son approche de la restauration collective scolaire depuis plusieurs années. Nommé responsable du service Restauration à la cité scolaire Montchapet de Dijon en novembre 2023, il a amené dans ses bagages une expérience acquise en collèges, centrée prioritairement sur le recours aux produits locaux. « En 2016, rappelle-t-il, le collège Paul Fort d'Is-sur-Tille, dans lequel je travaillais, avait été pilote pour le lancement de la plateforme Agrilocale d'approvisionnement des cuisines scolaires, avec le Conseil départemental de la Côte-d'Or. » À présent, en lycée, il travaille pour le Conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté (BFC) et, à Montchapet, son équipe sert 960 repas par jour. Il est directement concerné par la démarche Relocalisation des achats de denrées alimentaires (Rada) lancée par la Région. Elle vise à permettre l'accès de petits producteurs locaux à des marchés publics d'approvisionnement de restauration collective, et les pâtes alimentaires ou préparations céréalières constituent un exemple de ce qui peut être réalisé pour progresser dans ce domaine, en cohérence avec les objectifs de la loi Égalim. « Je suis convaincu de l'intérêt de telles démarches », souligne-t-il, en restant conscient que les meilleures intentions dans ce domaine réclament plus qu'un simple claquement de doigts.

Budget et lutte contre le gaspillage

« Le nerf de la guerre, c'est l'argent ! On a un budget contraint donc le seul moyen de maîtriser nos dépenses, c'est de réduire au maximum le gaspillage. Si on ne jette rien, si on travaille au juste volume, cela nous permet d'acheter local. Ici, le taux de produits locaux et bio est d'un peu plus de 80 %. » À ses yeux, il est aussi très important d'embarquer son équipe dans cette logique. « Je veux qu'ils sachent pourquoi on opère avec tel ou tel producteur, qu'ils comprennent pourquoi on va travailler avec des pâtes artisanales qui sont plus chères, un peu plus difficiles à travailler, mais qui sont complètes, bio et locales. » L'été dernier, Romain Turban a ainsi emmené les membres de son équipe à la rencontre de producteurs auprès desquels il a choisi de s'approvisionner. Il souhaite répéter l'expérience chaque année. « Le but, c'est d'avoir du respect pour le produit qu'on utilise et cela s'acquiert d'autant plus quand on connaît les producteurs et qu'on sait comment ils travaillent ». Les pâtes locales qu'il souhaite servir à Montchapet sont produites en Côte-d'Or par Emmanuel Raillard : « avec Emmanuel, souligne Romain Turban, c'est une longue histoire : lorsque j'étais au collège d'Is-sur-Tille on était placés partout sur les produits locaux, sauf sur les féculents. En cherchant des producteurs, je suis tombé sur lui. Il venait d'installer son atelier de production de farine et de pâtes, donc ça l'intéressait. Je suis arrivé au bon moment parce qu'il partait de zéro. On a progressé ensemble, il m'a proposé plusieurs qualités de farine, plusieurs recettes. »

Faire bouger les habitudes

Cuisiner avec des produits locaux réclame parfois de faire évoluer des habitudes de travail acquises de longue date. Ainsi, les pâtes en question ne contiennent pas d'œufs et demandent plus de vigilance à la cuisson. Ces évolutions, Romain Turban les utilise comme vecteur de communication, sur les réseaux sociaux, mais aussi en ouvrant les portes de ses cuisines lors des journées portes ouvertes de l'établissement scolaire. Il actionne tous les leviers possibles pour faire prendre conscience aux jeunes et aux parents de l'important travail mené au quotidien et dont on a peu conscience (voir encadré). « Parfois, je rappelle à mon équipe qu'on dépose chaque jour un petit caillou qui formera un tout cohérent au bout du compte. On avance dans le même sens et c'est très valorisant pour tout le monde. » La partie pâtes alimentaires locales devrait monter en puissance à Montchapet, durant l'année 2025. « Nous voulons en passer plus souvent, conclut Romain Turban, dans l'idéal une fois par semaine. »

Stratégies de contournement

En restauration scolaire, la persévérance est une donnée importante : Romain Turban sait que des produits locaux, nouveaux, atypiques, moins standardisés, sont parfois boudés par les élèves. Il faut leur laisser le temps de s'installer. Exemple avec la pomme de terre : dans tous les postes de restauration collective où il est arrivé, le cuisinier a été confronté à l'usage de la purée en poudre, un produit qu'il refuse. Il a proposé des purées à partir de pommes de terre locales et fraîches : « au début, ça ne fonctionnait pas, alors on trichait, on rajoutait quelques poignées de purée en poudre dans les purées fraîches afin d'aider le cerveau des jeunes à se connecter différemment aux goûts qu'on leur proposait. petit à petit, on les sevrait de la purée en poudre… Mais c'est un éternel recommencement : dès que vous avez l'interruption des grandes vacances, à la rentrée, il faut tout recommencer car les élèves ont repris de mauvaises habitudes… Les pâtes artisanales, on les accompagnera peut-être d'un pesto, dans un premier temps, pour que les élèves s'habituent à leur goût différent. » Tout changement est délicat : les élèves se méfient des goûts mais encore plus des aspects visuels des produits, qui changent de ce qu'ils ont l'habitude de consommer. Charge aux cuisiniers de faire preuve d'inventivité pour contourner les a priori négatifs.