Consommation
Et si, nous aussi, on se mettait à manger de la féverole ?

Hélène Grafeuille
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Jusqu’à présent, la féverole est un aliment qu’on a l’habitude de donner aux animaux. Mais pourquoi ne pas, nous aussi, en consommer ? Plusieurs acteurs de la filière se penchent sur cette possibilité qui aurait de multiples avantages.

Et si, nous aussi, on se mettait à manger de la féverole ?
En France, la féverole sert aujourd'hui principalement à l'alimentation pour le bétail. Et demain ? (Photo : Bio en Hauts-de-France)

La féverole est une légumineuse uniquement destinée aux bétails. C’est contre cette idée reçue que plusieurs acteurs de la filière tentent de lutter. Bio en Hauts-de-France a organisé, en décembre dernier, un colloque baptisé « L’autonomie protéique en France et en Belgique : quelle place pour la féverole bio ? » Une quarantaine de participants, venus de France mais aussi de Belgique et des Pays-Bas, étaient présents. Lors de cet événement, un atelier était proposé aux participants sur l’avenir de cette plante pour l’alimentation humaine. Sa culture, très intéressante pour les sols, représente 28 % des surfaces cultivées en légumineuses dans les Hauts-de-France. Aujourd’hui, en France, cette légumineuse s’adresse principalement à l’alimentation animale. Mais une réglementation est venue impacter à la baisse les besoins des fabricants d’aliments pour le bétail. L’avenir de la féverole dans le secteur ne passerait-il donc pas par nos assiettes ? Certaines variétés de féveroles, celles de printemps notamment, disposeraient de nombreuses qualités nutritionnelles aussi pour l’homme, grâce à un taux de protéines intéressant. Et il y a de l’espoir car si en France, elle est absente de nos assiettes, cette plante est mangée en grande quantité au Moyen-Orient, notamment en Égypte. Ainsi, plusieurs enjeux se posent selon Eva Coudray, chargée de mission chez Bio en Hauts-de-France : « en plus de combattre l’idée reçue selon laquelle la féverole ne s’adresse qu’aux animaux, il faut également parvenir à développer une culture culinaire grâce à différents produits issus de cette légumineuse, mais également la faire connaître auprès des structures qui la transforment ».

Transformer la féverole

Premier obstacle : la bruche, coléoptère qui colonise la féverole. Si cela ne représente aucun danger pour la santé, l’aspect visuel de ses dégâts reste gênant pour sa commercialisation. D’où l’importance de transformer la féverole pour la commercialiser. D’autant que cela présente un avantage : décortiquer, la féverole voit son taux de protéine augmenter.

Plusieurs acteurs de la filière testent déjà des choses à l’image de Jérôme Hochin, agriculteur bio à Fosseux (Pas-de-Calais). Ce dernier la transforme en farine dans sa meunerie. Une farine qu’Aurore Blancheteau, ingénieur en agroalimentaire reconvertie dans la cuisine, a utilisée dans plusieurs recettes. La jeune femme y voit une bonne alternative au soja et au pois chiche : « C’est une plante intéressante. Visuellement et gustativement, cela ressemble à la farine de pois chiche. C’est assez onctueux avec une texture agréable en bouche », détaille-t-elle. Cette dernière l’a incorporé dans des recettes de blinis et de pancakes salés, avec un mélange d’épices comme dans la tradition orientale. « Cela fonctionne bien ! Mais à la condition d’associer la farine de féverole avec une autre farine comme celle de quinoa, de souchet ou pourquoi pas de blé ancien, car sinon ça s’émiette. » Et du point de vue nutritionnel, la féverole a aussi des avantages : « En manger permet de varier l’apport des vitamines, notamment de la B9 ». Et de conclure : « Il y a de belles perspectives pour la féverole, notamment pour l’alimentation végétarienne, mais aussi pour les régimes sans gluten, puisqu’elle n’en contient pas. Ce n’est pas toujours facile de trouver des plats végétariens et surtout de se diversifier, la féverole pourrait être une solution à cette difficulté ».

Des industriels intéressés ?

Des étudiants se sont également penchés sur cette légumineuse. Ils ont créé des produits tels que des raviolis, des financiers ou encore des fougasses. Des résultats qui semblent intéresser l’entreprise agroalimentaire Soufflet.

Chez Improve, une plateforme européenne de recherche et développement dédiée à la valorisation des protéines du futur, basée à Dury, dans la Somme, la féverole est testée sous toutes ses formes. « Un quart de notre temps est dédié à cette graine, c’est une légumineuse sur laquelle nous travaillons beaucoup », avance Chloé Tattegrain, ingénieur en recherche et développement. « Nous travaillons notamment sur son amertume, des études sont en cours ». Car un autre de ses inconvénients est que notre palais n’est pas habitué à son goût et notre système digestif a du mal à la digérer. « C’est une question d’habitude alimentaire, c’est culturel », explique Mathieu Demon, expert agronome, spécialisé en agriculture biologique à la coopérative Agora.

« Nous sommes au démarrage mais on peut y croire, il y a plein de choses à faire avec la féverole », insiste Eva Coudray. Cette dernière a notamment cité l’exemple d’une entreprise dans la Somme, Graine de choc, qui a fait de la féverole son ingrédient star en le prenant de base pour confectionner tous ses produits : pâte à tartiner, polenta, crème, gaspacho, préparation pour cookies. Cependant il reste encore de nombreux défis avant qu’on retrouve la féverole dans nos cuisines à l’image du soja ou encore des pois chiches. Il faut notamment étudier le rendement de cette plante, « nous sommes en train de calculer un prix de rentabilité », précise la chargée de mission de Bio en Hauts-de-France. Des outils de calibrage devront également être pensés (lire aussi l’encadré), « la forme de la féverole est allongée, mais les tamis ne sont pas adaptés à cela, il faudrait les changer », soulève Chloé Tattegrain. Et Eva Coudray de conclure : « Il faut que tous les acteurs de la filière se rencontrent pour établir ce qu’il y a à construire ».

La farine de féverole permet d'élaborer de nombreuses recette. Elle peut, notamment, entrer dans la composition de pâtes. (Photo: Freepik)