Équilibre sylvo-cynégétique
Des indices précieux

Chloé Monget
-

Le 6 juin, à Forges (Sauvigny-les-Bois), le Centre national de la propriété forestière (CNPF) organisait, conjointement avec la Fédération départementale des chasseurs de la Nièvre (FDC 58) une réunion d'information sur l'équilibre sylvo-cynégétique. 

Des indices précieux
Après la réunion d'information, les participants furent conviés à observer et identifier les dégâts dans une parcelle forestière à Sauvigny-les-Bois.

Afin de donner certaines clés aux propriétaires forestiers pour la reconnaissance des espèces et l’identification des dégâts, le Centre national de la propriété forestière (CNPF) et la Fédération départementale des chasseurs de la Nièvre (FDC 58) proposaient une réunion d’information à Forges (Sauvigny-les-Bois), le 6 juin.

Comme le rappelle Guy Roblin, vice-président de la FDC 58 : « pour la chasse, nous avons besoin de la forêt, de l’agriculture et des étangs, même si les forestiers ou les exploitants trouvent parfois que nos petites bêtes ont la dent longue. Ainsi, afin de maintenir ces milieux et l’équilibre cynégétique, une gestion particulière est nécessaire. Mais, pour l’établir, et demander son application, il faut des relevés de dégâts – et donc les reconnaître ». Émilie Philippe, présidente du conseil de Centre CNPF et membre du conseil d’administration de la FDC 58 (coprésidente de la commission Agriculture – Forêt), souligne : « près de 40 % des subventions de l’État en matière de plantation sont dédiés aux protections contre le grand gibier. Un budget qui pourrait être alloué à d’autres fins. Mais, pour ce faire, il est nécessaire de pouvoir identifier les espèces responsables des dégâts, d’évaluer le niveau de ces derniers, et d’agir pour les réduire s’ils sont trop importants, tout en conservant un équilibre ».

Pour cette journée, une première partie théorique était dispensée en salle. Mickaël Pfeiffer, chargé des dossiers « Plans de chasse » et « Grand gibier » à la FDC 58, pointe : « aujourd’hui nous nous focaliserons sur le grand gibier (cerf et chevreuil) et spécifiquement sur les indices qui permettent de reconnaître les dégâts sur les plantations sylvicoles (frottis, écorçage, abroutissement…). Pour mémoire, chacun est le témoin soit d’un stress soit d’une nécessité alimentaire – ce qui permet de savoir si la population est en surnombre par rapport à la nourriture disponible ou si cela est simplement un dégât de type comportemental ».

Puis, les échanges se sont poursuivis en forêt avec l’application des connaissances théoriques. Afin de faciliter la tâche aux propriétaires forestiers, Betty Doucet, responsable départementale au CNPF, rappelle qu’un document existe : « la fiche d’inventaire simplifiée de dégâts du grand gibier sur une parcelle en plantation forestière vous permet de quantifier précisément les dégâts par types. Cette fiche est ensuite utilisée pour réaliser la carte en ligne sur la plateforme nationale de déclaration des dégâts (1) – donnant ainsi un aperçu global (1). Dans la Nièvre, nous avons très peu de données, je vous invite fortement à établir ces fiches car, en fonction des résultats obtenus, les argumentaires pour établir le nombre de bracelets attribués à telle ou telle société de chasse peuvent être abondés ». Émilie Philippe insiste alors sur l’implication des propriétaires : « il est nécessaire, en tant que propriétaire forestier, d’emmener les chasseurs voir les dégâts occasionnés sur les cultures et trouver des solutions viables et équilibrées pour tous. Le dialogue est donc indispensable notamment pour établir quels types d’animaux sont à prélever et à quelle période ». Sur ce point, Guy Roblin rappelle : « La FDC 58 peut inciter les chasseurs à suivre ces préconisations mais ne peut pas les forcer à chasser ». Là, l’exemple de Moulins-Engilbert fut pris.

Problématique de terrain

« Dans le secteur de Moulins-Engilbert, détaille Mickaël Pfeiffer, il y a un gros impact des gibiers sur les productions agricoles et forestières. Il faut remettre un coup d’accélérateur sur les prélèvements afin de revenir à un chiffre de dégâts acceptable. Aujourd’hui, dans ce secteur, plus de 50 % des attributions de bracelet concernent les biches et les faons, avec un avancement de l’ouverture de la chasse pour ces deux catégories à l’ouverture générale. Mais, les chasseurs ont des réticences à les prélever. Plus globalement dans la Nièvre sur ces animaux, pour la période 2023-2024 il y a eu 1 209 attributions et 793 prélèvements… Pour les chevreuils, le son de cloche est légèrement différent. Dans certains secteurs, nous avons trop de brocards de prélevés et pas assez de chevrillards. Cela engendre un dérèglement de l’équilibre. Pour rappel, nous avons eu 26 849 attributions pour 2021-2024 et 22 662 prélèvements ».

Exemple à suivre ?

Afin de mettre en lumière l’utilité des relevés, les travaux menés sur le territoire des Bertranges par le CNPF, la FDC 58, l’OFB et l’ONF fut présenté par Betty Doucet. « Cette implication de tous a permis de mettre en évidence des chiffres très intéressants. Jusqu’en 2020, la pression sur la végétation était raisonnable, mais, elle tend à être de plus en plus importante, car la population elle aussi augmente ; engendrant des tensions sur la ressource alimentaire ». Si cette étude sur le territoire des Bertranges est « un atout indéniable pour cibler des objectifs, il n’est malheureusement pas transposable à d’autres territoires, car extrêmement chronophage notamment ». Mickaël Pfeiffer complète cette présentation : « L’an passé, pour la croissance du grand gibier, nous avons constaté une réduction de 1,5 % à 1,3 %. Certes, la différence n’est pas énorme, mais cela prouve qu’il y a problème de croissance, lié à un manque de ressource. L’état des animaux décline petit à petit. En parallèle, en 2023, nous n’avons jamais trouvé autant de chevreuils noyés ; preuve d’une recherche d’eau pour s’abreuver… là encore, le manque de la ressource est en cause. Avec ces éléments, et en les croisant avec les relevés de dégâts, nous aurons un certain panorama ». Et Émilie Philippe de conclure : « il est nécessaire de faire les relevés de dégâts scrupuleusement afin de remonter des informations précises au CNPF. Croisées avec les éléments rassemblés par la FDC 58 et les autres organismes (ONF, OFB, etc.), elles permettront d’établir les zones où le niveau des dégâts est inacceptable et donc de demander des mesures éventuelles. Le zéro dégâts n’est pas possible, il faut juste en évaluer le niveau d’acceptabilité ».

Note : (1) https://plateforme-nationale-foret-gibier.cartogip.fr/

Image supplémentaire
La fiche d'inventaire simplifiée de dégâts du grand gibier fut remplie par les participants avec leurs observations. D'ailleurs, le CNPF invite les propriétaires forestiers à le faire régulièrement sur leur plantation.