Agroécologie
Le sol, c'est plus simple quand c'est complexe !
Une table ronde organisée par le pôle d'agroécologie Agronov se penchait sur les services écosystémiques des sols comme leviers pour les agriculteurs. Préserver la complexité et les interactions qui en découlent semble être une approche essentielle.
S'appuyer sur les services écosystémiques des sols pour faire émerger de nouvelles solutions pour l'agriculture, c'était le thème abordé lors d'une table ronde organisée par le pôle régional d'agroécologie Agronov, à Bretenière, près de Dijon, dans le cadre de sa journée « Sols et Biosolutions ». Il importait de définir ce qu'on entend par service écosystémique : il s'agit des capacités de support, de production et de régulation qui dépendent des sols. On peut citer la présence de champignons qui permettent de limiter l'érosion. Néanmoins, les études montrent que, depuis la Seconde guerre mondiale, on a beaucoup perdu en richesse mycorhizienne dans les sols. Ce n'est pas une fatalité et cette richesse peut être reconstituée, mais cela réclamera du temps. Les sols contribuent également à la résilience des systèmes agricoles, à la régulation des flux d'eau, ou à celle du climat, par le biais de la séquestration de carbone.
Ne pas négliger les capacités régulatrices
Pour les intervenants de la table ronde, il importe d'amener de la complexité et de l'auto-fertilité dans les sols. « Pendant trop longtemps, expliquait Édouard Clair, responsable de la culture de la vigne au Domaine Bruno Clair de Marsannay-la-Côte, en Côte-d'Or, on a uniquement vu le sol comme un support et un facteur de productivité : il importe de ne pas négliger ses capacités régulatrices ». Trop souvent, la fertilité chimique a été privilégiée face aux autres modes de fertilité : « On tente à présent d'apporter aux agriculteurs des clés de compréhension pour mieux piloter cette fertilité et pour cela les agriculteurs réclament un conseil opérationnel » soulignait Damien Derelle, responsable agro-développement au sein de la coopérative SeineYonne. La coopérative est partie prenante depuis 2021 d'un projet pour fournir des indicateurs de bon fonctionnement du sol. Un des axes forts ressortant de cette table ronde était que la complexité d'un sol est une clé essentielle pour trouver des alternatives aux réductions de possibilités d'usage d'intrants chimiques. Les intervenants rappelaient qu'aujourd'hui, 60 % des sols européens sont dégradés, ce qui démontre les limites des solutions chimiques. Que peut-on mettre en face de ce constat ? « Un bon recyclage de la matière organique permet une bonne nutrition du sol, poursuivait Damien Derelle, et si la fertilité du sol est bonne, on dégage des économies de charges. Toutefois, on ne peut pas être sur des approches simplistes. » La capacité des sols à emmagasiner de l'eau afin de la restituer quand les cultures en ont besoin est aussi une donnée importante, particulièrement en viticulture.
L'intérêt des couverts
Du côté du Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne (BIVB), on est impliqué dans ÉcoVitiSol, un projet de recherche participative lancé en 2019 et par lequel on compare la richesse microbienne de différents sols : « on mesure les interactions entre différents organismes, précisait Thomas Montagnac, chargé de projet viticulture et sols viticoles au BIVB. En 2025, nous aurons aussi des résultats liés au projet Matière organique changement climatique et atténuation (Mocca). » Autre possibilité de renforcement des services écosystémiques des sols : le recours à des couverts. « Ces couverts ne vont pas recréer une bonne structure du sol, soulignait Damien Derelle, mais ils vont aider à la maintenir. Cela réclame toutefois du temps. » Pour améliorer ces services écosystémiques, il existe des pratiques dont l'impact est plus ou moins fort : « l'agroforesterie, les couverts végétaux, trouver le bon niveau de travail du sol » pour Armelle Gollotte, ingénieure de recherche au laboratoire Spiral, « conserver une capacité à restituer les résidus pour favoriser la vie du sol, bien adapter l'utilisation de la matière organique pour ne pas créer de blocage » selon Damien Derelle, « broyer et restituer les sarments plutôt que les brûler, plaidait Thomas Montagnac. Creuser et regarder ce qui se passe dans le sol, échanger avec les agriculteurs et viticulteurs qui vous entourent pour ne pas rester dans son « silo » de pensées », ou enfin, pour Édouard Clair « remettre des arbres sans que ça nous gêne et si possible des arbres qui ont déjà évolué avec de la vigne, tenter d'optimiser l'autofertilité et se rapprocher au maximum de l'écosystème de la vigne. »
Des possibilités expérimentales
Voilà trois ans qu'Agronov se penche sur les biosolutions. Le pôle régional d'agroécologie est d'ailleurs adhérent de l'Association biocontrôle et biostimulation pour l'agroécologie. Sur ces thématiques, Agronov dispose de serres, sur son site de Bretenière, permettant de mener des expérimentations en bénéficiant de l'expertise agroscientifique de la Société d'accélération du transfert de technologie (Satt) Sayens, dans des conditions contrôlées. Pour matérialiser cette offre de service Agronov-Sayens, un partenariat a été conclu entre Frédéric Imbert, président d'Agronov, et Romain Liège, directeur-général adjoint de Satt Sayens.