C'est reparti pour un tour : les manifestions agricoles ont repris dimanche et lundi en Côte-d'Or. Un nouveau mouvement de protestation est lancé.
On marche toujours sur la tête, alors on ressort et on défend à nouveau les intérêts du métier ! La FDSEA et les JA de Côte-d'Or étaient de sortie dimanche et lundi. « Nous sommes tous d'accord que rien n'a évolué depuis nos actions du début d'année, c'est même pire », déplore Yannick Salomon, secrétaire général des Jeunes agriculteurs. « Le combat continue, l'acte 2 débute. Nous ne perdons pas la motivation, nous gardons l'envie et la force de nous faire entendre », poursuit l'éleveur de Savoisy. Une opération consistant à bâcher les panneaux des communes a lancé les hostilités dimanche soir, un peu partout dans le département. Vingt-quatre heures plus tard, le rendez-vous était donné à Dijon pour les « Feux de la colère ». Près 300 agriculteurs se sont réunis dans un champ près de la piscine olympique. « Le SOS que nous allumons ce soir est volontairement plus petit que celui de fin janvier, il symbolise la baisse du nombre d'agriculteurs en Côte-d'Or et en France ces dernières années... 100 000 de moins en à peine 20 ans ! », lance le président de la FDSEA.
Urgence
Jacques de Loisy a relayé deux demandes syndicales de très court terme lundi soir : « en Côte-d'Or, nous n'avons toujours pas de réponse favorable pour un dégrèvement foncier. Est-ce normal que les éleveurs de l'Auxois et de tout le département ne reçoivent rien, alors que l'herbe est de très mauvaise qualité et que, dans certains secteurs, celle-ci n'a même pas pu être récoltée ? Nous demandons un dégrèvement de 100 % sur toutes les communes classées en catastrophe naturelle. À ce jour, rien n'a été accordé à ces communes, c'est inadmissible ! Des mesures d'accompagnement de gestion de crise existent également : nous ne demandons pas de l'argent en plus, mais tout simplement de l'argent budgétisé, déjà présent à Bruxelles, Bruxelles qui au passage consacre davantage de temps à négocier le Mercosur qu'à accompagner les agriculteurs… La France n'a toujours pas actionné cette demande de budget de gestion de crise, alors que d'autres pays européens l'ont déjà obtenu… C'est scandaleux ! ». Le responsable syndical s'est exprimé devant plusieurs élus et le préfet, le soutien de ces derniers a été logiquement sollicité : « notre nouvelle ministre est arrivée depuis peu, nous sommes bien conscients qu'elle a fort à faire, mais il n'y a rien d’exceptionnel dans nos demandes, il faut juste de la volonté politique ».
« Des produits de merde »
Le projet d'accord de libre-échange entre l'Union européenne et les pays sud-américains du Mercosur est une aberration pour la profession agricole, prévient Antoine Duthu, président des JA21 : « On nous drive depuis des années pour avoir une production propre, respectueuse de l'environnement, durable et demain, la France va importer des produits de merde, excusez-moi l'expression ! Si rien n'est fait, l'élevage ne s'en remettra pas. Mais une chose est sûre, nous n'allons pas rester gentiment sur le côté, en attendant que ça se passe ».
Pas simple !
Nous avons suivi les JA du canton d'Arnay-le-Duc dimanche soir, lors du bâchage des panneaux des communes. Pierre-Édouard Boulez, le président de l'équipe, et Benoît Leduc, administrateur à JA21, ont pris quelques instants pour exprimer leurs positions et leurs ressentis. « Nous devons rester motivés, le but de la mobilisation étant de défendre notre métier. Mais personnellement, je ne peux m'empêcher de penser à toute cette énergie déployée en début d'année, pour au final, ne pas avoir grand-chose à la clé », confie Pierre-Édouard Boulez, éleveur à Uchey. Ce dernier était particulièrement remonté par l'actualité, notamment de l'élevage : « les cours du broutard se tiennent très bien et heureusement, car beaucoup de monde se gave sur notre dos, encore davantage en ce moment, avec toutes les analyses que nous devons faire. C'est un autre point parmi tant d'autres : on nous parlait de simplification administrative en début d'année mais là encore, l’objectif n'est pas atteint. Pire, la donne s'est même aggravée. Pensez-vous : il y a tellement de monde dans les bureaux de l’administration qu'il faut bien justifier les postes ». Benoît Leduc, JA à Arnay, cultive des plantes médicinales sur la commune de Ménessaire et ne dira certainement pas le contraire : « Pour ma part, c'est très simple, je passe désormais plus de temps dans l’administratif qu'à faire mon métier d'agriculteur… Mon ouvrier connaît mieux les champs que moi aujourd'hui… ». Benoît Leduc, secrétaire du SNPAMI (Syndicat national des plantes aromatiques et médicinales), exprime lui aussi sa déception depuis janvier : « les actions syndicales ont permis de conserver la détaxation sur le GNR, c'est juste un maintien de nos droits, nous n'avons en réalité rien gagné ! Comme en élevage, nous cumulons de plus en plus de normes qui créent des impasses à la production. Je suis pourtant en bio et des lots de plantes commencent à être refusés en raison de normes qui ne sont plus compatibles avec le vivant. Certaines productions sont même en train de s'arrêter ! La cerise sur le gâteau, pour nous, producteurs, a été la dissolution de l'assemblée nationale : en effet, un gros travail d'information et de concertation avait été entrepris depuis des mois avec les parlementaires pour mettre fin à ces contraintes, mais nos interlocuteurs ont changé et nous devons tout recommencer… Nos stocks, eux, continuent à s'accumuler ».
Stop aux incohérences
Crises sanitaires et aléas climatiques, Mercosur, autres accords internationaux, sur-administration, sur-règlementation… Nos revendications sont simples : des mesures conjoncturelles et de trésorerie, une simplification administrative drastique, pouvoir vivre de notre métier (reconnaître l'agriculture comme d'intérêt général par l'aboutissement de la loi d'orientation agricole), stop aux incohérences européennes et mondiales (redonnons une ambition à la souveraineté alimentaire européenne). Malgré des mobilisations agricoles inédites début 2024 et une campagne agricole particulièrement difficile, les actes qui devaient suivre les promesses n’arrivent qu’au compte-goutte. C’est tout à fait insuffisant.