Point de vue
Le bio va t-il marquer le pas ?

AG
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Un agriculteur côte-d’orien évoque la conjoncture et ses conséquences sur l’agriculture biologique.

Le bio va t-il marquer le pas ?
Olivier Gallien, agriculteur à Oigny, s'attend à une baisse des conversions dans les prochains mois.

Il a franchi le cap du bio il y maintenant six ans et ne le regrette vraiment pas. « Je vis une super aventure, ce n’est plus du tout la même façon de travailler. Un collègue m’avait dit : tu verras, c’est comme une reconversion professionnelle… Force est de constater qu’il avait raison », confie Olivier Gallien, agriculteur sur 170 ha de productions végétales à Oigny, près de Baigneux-les-Juifs. Aujourd’hui, en plein conflit russo-ukrainien, face à la nécessité de produire, à la flambée des cours du conventionnel et à la baisse des prix du blé bio, Olivier Gallien reste sur sa position. Mais cet exploitant de 56 ans reconnaît qu’il hésiterait plus longuement s’il n’avait pas encore changé de système : « face à la situation actuelle, il est certain que je retarderais mon engagement en agriculture biologique. De plus, je me suis récemment entretenu avec mon courtier qui me vend mon blé bio : il m’a dit que les besoins annuels de la France s’élevaient à 250 000 tonnes. Or, l’année dernière, la récolte de blé a atteint le double. Quelque chose ne va pas… Dans le même temps, avec la guerre, le prix du conventionnel s’approche beaucoup de celui du bio. Il doit seulement rester 20 euros d’écart, je pense. Nous avions coutume de dire, il n’y a pas si longtemps, qu’en bio, nous faisions deux fois moins de rendements mais avec des prix deux fois plus élevés. Ce n’est plus du tout vrai sur ce dernier point… La France a trop produit en bio, il y a eu trop de conversions, l’État n’a pas mis le frein quand il fallait. Idem pour les œufs et le lait ! Nous sommes sur un plateau élevé et il va falloir attendre pour que cela reparte de l’avant ». Olivier Gallien s’attend logiquement à une baisse des conversions : « l’idée d’une marche arrière doit aussi passer par la tête de certains producteurs. Si cinq années les séparent de leur engagement, ils n’auraient pas à rembourser leurs soutiens. Les convaincus du bio ne feront bien évidemment pas demi-tour. Moi-même, cette idée ne me titille pas. Mais la question va se poser dans plusieurs exploitations, c’est certain. Pour ceux qui affirment que l’on ne peut pas nourrir le monde avec le bio, ce n’est qu’en partie vrai selon moi. C’est sans doute le cas avec le blé, mais moins avec les autres productions, qui d’ailleurs se maintiennent bien dans les prix. Personnellement, je récolte autant de lentilles et de tournesol que certains conventionnels ».