Alimentation animale
Les arbres fourragers solution nutritive

Mylène Coste
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Pour faire face au changement climatique et au manque d’herbe, la ferme caprine du Pradel (Ardèche) s’intéresse au pâturage d’arbres fourragers, et en particulier du mûrier blanc. Les premiers résultats sont prometteurs.

Les arbres fourragers solution nutritive
L’étude expérimentale menée au Pradel vise à analyser les effets de l’intégration d’arbres fourragers dans la ration des chèvres.

Les arbres fourragers pourraient-ils représenter une part importante de la ration en période estivale ? C’est sur cette question que se penche la ferme expérimentale caprine, l’Institut de l’élevage (Idele) et des OPA du Massif central, dans le cadre du projet APaChe lancé en 2021. L’ambition : trouver des pistes pour s’adapter au changement climatique via le pâturage d’arbres, alors que l’herbe se fait plus rare. L’étude vise à analyser les effets de l’intégration d’arbres fourragers dans la ration des chèvres : quels impacts sur la production du lait ? La qualité du lait et du fromage ? Quel entretien et plantations privilégier ? Comment intégrer l’arbre fourrager dans son système ?

Bonne appétence

« L’été dernier, nous avons fait pâturer un lot de chèvres pendant seize jours sur deux ha de mûriers blancs (feuilles vertes), plantés il y a une trentaine d’années pour la culture de ver à soie, explique Philippe Thorey, animateur de Cap' Pradel. On observe une bonne appétence de la part des chèvres et une bonne digestibilité. » Plus globalement, les premiers résultats sur la productivité sont « excellents », selon Philippe Thorey. « La qualité du lait progresse, avec un taux protéique qui augmente légèrement et un taux butyreux largement amélioré par rapport à une ration à base de foin de luzerne en bâtiment. Par ailleurs, la production de lait a aussi tendance à augmenter. » Autre avantage du mûrier blanc : il est naturellement présent en Ardèche, résiste bien à la chaleur et procure de l’ombrage au troupeau. Pour l’heure, l’expérimentation s’est arrêtée à la qualité du lait. « Nous allons cette année analyser les effets du mûrier blanc sur la qualité des fromages, en partenariat avec le laboratoire de l’Idele. Le but est de caractériser les éventuels changements organoleptiques sur le picodon. Mais on sait déjà qu’avec une qualité du lait améliorée, le rendement fromager sera supérieur, ce qui est déjà un positif pour la transformation fromagère. »

Jusqu’en 2024

Le projet APaChe doit se poursuivre jusqu’en 2024. « On commence également à étudier l’aspect plantation, indique l’animateur Cap’Pradel. Nous avons planté 1 300 mûriers en mars 2022. L’objectif est de trouver le meilleur type d’implantation pour faciliter le travail de l’éleveur, mais également le meilleur type de taille pour favoriser la pousse de feuilles accessibles aux chèvres. » Au Pradel, des essais ont également été menés sur le pâturage de vignes après vendange. « Nous allons également étudier le frêne, uniquement à l’auge, pour en étudier les effets sur la production laitière, ajoute Philippe Thorey. Comme le mûrier blanc, le frêne présente une très bonne valeur alimentaire, avec une bonne digestibilité. »

Ce n’est pas un hasard si on l’a surnommé « l’arbre d’or ». Le mûrier a fait la richesse des Cévennes et a pendant longtemps fait partie du paysage et du quotidien des Ardéchois. Dans le mûrier, tout est valorisable ! Les racines donnent une belle teinture végétale jaune nuancée, et peuvent être utilisées en tisane pour ses vertus digestives. Les feuilles sont un excellent aliment pour les animaux. Le bois des branches était autrefois utilisé par les boulangers pour la chauffe rapide du four à pain, et le bois du tronc servait à la construction des bateaux et des tonneaux. L’écorce, très filandreuse, servait à la confection du papier de soie. Quant aux mûres blanches, elles sont aujourd’hui vendues à prix d’or, séchées, en magasins bio. L’Institut de l’élevage, en lien avec Cap’Pradel, participe à plusieurs études sur le mûrier blanc à la ferme du Pradel. D’emblée, s’impose un constat : le mûrier offre une ressource fourragère tout l’été et au-delà, très intéressante en période de sécheresse quand le fourrage manque. Les apports nutritionnels des feuilles de mûrier sont très intéressants : 17 % de MAT et 83 % de digestibilité. « Ses valeurs nutritives sont similaires à celles de la luzerne », estime Lixiane Keller de Schleitheim, ancienne séricicultrice à Saint-Vincent-de-Barrès. Source de diversification, la culture du mûrier permet de limiter les achats extérieurs de fourrage et de renforcer l’autonomie alimentaire. Contrairement à la plupart des espèces de prairie, le potentiel fourrager des feuilles de mûrier se maintient durant l’été et jusqu’à l’automne. Outre le pâturage, il est aussi possible d’ensiler les feuilles de mûrier. Ses racines lui permettent d’aller chercher l’eau en profondeur. Les arbres permettent également de stocker du CO2 et d’attirer des auxiliaires comme la chouette chevêche, et toute une biodiversité animale.