Découverte
Conjuguer élevage et agrivoltaïsme

Berty Robert
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Pratiquer l’agrivoltaïsme est intéressant à de nombreux titres mais ne doit pas s’improviser. Afin d’acquérir des références sur la question, la Chambre d’agriculture assure un suivi sur un élevage d’ovins qui pâturent sur des parcelles équipées de panneaux photovoltaïques. Une porte-ouverte a été organisée pour faire le point sur un sujet qui suscite beaucoup de curiosité.

Conjuguer élevage et agrivoltaïsme
Cet événement sur l'agrivoltaïsme et l'élevage aura attiré une soixantaine de participants.

Entre réfléchir à l’agrivoltaïsme et franchir le pas de sa concrétisation, le fossé peut être large. Les agriculteurs, candidats potentiels à une telle évolution, se posent beaucoup de questions. C’est pour tenter d’y répondre que la Chambre d’agriculture de la Nièvre a organisé, fin novembre, une porte ouverte dans l’élevage ovin d’Emmanuel Mortelmans, à Verneuil, dans le sud de la Nièvre. Depuis 2018, cet éleveur fait cohabiter ses 1 000 brebis de race dorper avec des panneaux photovoltaïques répartis sur plusieurs parcelles pour une surface totale de 70 hectares. Une pratique qui a poussé la Chambre d’agriculture de la Nièvre à mettre en place un suivi, apte à fournir des références sur les effets de cette cohabitation.

Un intérêt fort pour le suivi

La porte ouverte était menée en partenariat avec la société Photosol, spécialisée dans les grandes installations de centrales photovoltaïques au sol ou en ombrières. « Nous suivons des parcelles ou des lots d’animaux dans le cadre d’un dispositif qui se nomme « Prairies sentinelles », explique Christophe Rainon, conseiller en production ovine à la Chambre d’agriculture. Depuis deux ans, nous constatons que nous sommes sollicités par des porteurs de projets agrivoltaïques. Par ailleurs, nous-mêmes ne savions pas trop comment le pâturage des animaux se présentait sous les panneaux photovoltaïques. On entendait un peu tout et son contraire par rapport à la présence d’herbe sous les panneaux et nous manquions de données chiffrées au niveau local. Nous avons saisi la chance d’être en relation avec Emmanuel Mortelmans, et nous avons pris contact avec Photosol, afin de voir dans quelle mesure on pouvait assurer un suivi sur cette exploitation de Verneuil ». Photosol, qui gère aujourd’hui onze parcs photovoltaïques en France, a montré beaucoup d’intérêt pour ces suivis, d’autant plus que personne n’était allé aussi loin que les services de la Chambre, en termes d’observation des performances des animaux dans un tel contexte. Le suivi a démarré en 2021 et se poursuit encore. Pour l’instant, il n’a pas révélé de différences notables sur le plan de la croissance, entre des animaux sur une parcelle équipée de panneaux photovoltaïques et ceux placés sur une parcelle classique. La présence des panneaux ne semble pas perturber les ovins de l’exploitation.

Effet sur les températures

Les analyses menées par la Chambre d’agriculture montrent des valeurs alimentaires de l’herbe semblables à celles que l’on trouve sur une prairie naturelle sans panneaux. Elles révèlent par ailleurs des valeurs en calcium importantes entre panneaux et en zone blanche, du fait, peut-être, de la présence de trèfle dans les prélèvements. Les panneaux ont un rôle bénéfique en matière de modération des températures pour les animaux. La température relevée sous panneaux est inférieure d’environ 4 °C à celle constatée en zone blanche aux heures les plus chaudes de la journée. Elle atteint au maximum les 25 °C, sauf en août, température maximale de la zone de confort d’une brebis. Ce constat est confirmé par le fait que les brebis prolongent leur durée de pâturage sous les panneaux les matinées des jours les plus chauds. La démarche lancée par la Chambre d’agriculture suscite intérêt et curiosité. Lors de la journée porte ouverte du 30 novembre on notait, outre la présence de professionnels locaux, celle d’une délégation d’agriculteurs venue du département de la Vienne, et d’autres, de la Moselle. En tout, une soixantaine de personnes sont passées sur le site. « Pour nous, poursuit Christophe Rainon, cette action était aussi le moyen de battre en brèche des a priori comme ceux qui voudraient qu’aucune herbe ne pousse sous les panneaux… L’exploitation de Verneuil prouve qu’on peut parvenir à produire des agneaux sous des panneaux, à condition de respecter quelques conditions. Il faut prendre garde à adapter le chargement à la pousse de l’herbe, mais ça, c’est aussi valable sur une parcelle nue ». Chez Emmanuel Mortelmans, le chargement est de 5 brebis à l’hectare. Pour cet exploitant, la production énergétique est un moyen de consolider l’activité agricole : « Le partenariat avec Photosol, explique-t-il, nous ouvre de nouvelles perspectives d’avenir, un maintien de l’effectif de brebis malgré des années qui s’annoncent climatiquement de plus en plus difficiles. On a une meilleure autonomie fourragère et plus de sérénité face aux incertitudes liées aux grands prédateurs ».

Note : Si vous êtes intéressé pour obtenir des renseignements sur le pâturage avec panneaux photovoltaïques, contactez Christophe Rainon au 06 72 39 76 43 ou Christophe Dagouneau, conseiller élevage au 06 33 63 91 32