Vincent Charache, 31 ans, à Tronsanges, est en cours de parcours d'installation. Son projet s'est mûri au fil du temps, des rencontres et surtout de son envie – un peu singulière.

Travailler sans moteur
Vincent Charache explique : « je me suis formé auprès du CERRTA, j'ai fait des visites de fermes qui utilisent la traction animale (dans le Doubs notamment ou encore à Remilly), et ai visionné de nombreux reportages sur le sujet via Internet. Une fois qu'on s'y intéresse on se rend compte que la traction animale est viable ».

« J’ai commencé en 2014, en tant que cotisant solidaire, comme éleveur de Highland Cattle, avec une douzaine de femelles… Je ne leur ai pas donné de numéros, mais des noms… il était donc impossible pour moi de les voir partir à l’abattoir » détaille Vincent Charache, 31 ans, qui se lance dans un autre projet d’installation aujourd’hui, avant d’ajouter : « De ce petit cheptel, j’ai gardé un bœuf – nourrit au biberon – qui a plus le comportement d’un chien qu’autre chose ». Muni d’une brosse pour peigner ledit compagnon, Vincent détaille son nouveau projet.

En détail

« J’ai pris conscience de l’impact que les moteurs, et le pétrole qui semble actuellement indispensable, avaient sur l’environnement. J’ai aussi compris que les gouvernements successifs – peu importe la couleur politique – n’agissent pas réellement sur ce problème. De là, je me suis dit que je devais faire quelque chose, car de toute manière un jour nous n’aurons plus de choix, il faudra agir. C’est ainsi que j’ai décidé de me passer de tout moteur si je m’installais en utilisant des chevaux, dernier outil non polluant connu dans le monde agricole. À terme, je voudrais être paysan-boulanger et maraîcher, avec une vente des produits à la ferme. Je voudrais aussi avoir 50 poules pondeuses (qui disposeraient d’un parcours dans le potager pour gratter la terre et apporter l’amendement nécessaire avec leurs fientes) afin de commercialiser les œufs. Mon rêve serait aussi d’aller en calèche proposer mes produits au marché de La Charité – j’ai d’ailleurs déjà les chaussons pour mes percherons afin qu’ils puissent emprunter la route sans se faire mal ».

Longue haleine

Pour arriver jusque-là, Vincent est conscient des étapes à franchir : « j’ai déjà ma parcelle de 6 000 m2 pour mes légumes et cherche 6 à 8 ha d’un seul tenant pour mon blé. J’ai commencé à faire mes plants pour réintroduire des haies tout autour des parcelles afin de favoriser la biodiversité (indispensable pour la pollinisation). J’ai également déjà récupéré du matériel ancien (bineuse, charrue, faucheuse à section, etc.) afin d’effectuer mon travail du sol et mes récoltes. Il s’agit en général de dons, mais il m’est arrivé d’en acheter à des musées privés. Aujourd’hui, je me renseigne sur les marches à suivre notamment autour de la réglementation des ateliers de fabrication et de vente, ce qui n’est pas chose aisée vu toutes les contraintes ; mais je m’accroche ». Il évoque aussi : l’éducation du cheval.

Compagnon de travail

« Le travail de traction animale ne s’invente pas. Il faut que l’homme soit formé, c’est pour cela que j’ai suivi une formation de certification d’utilisation et de conduite d’attelage au sein du Centre Européen de Ressources et de Recherches en Traction animale (CERRTA voir www.formationtractionanimale.com). Une fois cela fait, c’est au tour de l’animal, dans mon cas les chevaux. Pour le moment, je n’ai qu’une seule Percheronne (à terme je voudrais en avoir un autre mais il faut compter environ 1 500 euros) que j’entraîne dès que je peux. Cela requiert du temps et de la patience mais je pense qu’on a tout à y gagner, car outre un véritable outil de travail, c’est un compagnon qui nous épaulera partout. De plus, avec un cheval, il faut toujours parler pour le diriger… contrairement à un tracteur. C’est un savoir-faire et un lien que nous avons perdu au fil de la mécanisation du métier. Je ne donne pas de leçons en disant cela, chacun à sa place dans le monde agricole, je trouve simplement dommage d’avoir oublié tout ceci ».

Accès aux terres

Il met également un autre point en exergue : « Si je possède déjà les terres pour le maraîchage, je voudrais pouvoir échanger des parcelles éloignées avec d’autres exploitants afin de pouvoir rassembler mes cultures (6 à 8 ha) et les rapprocher pour une question de praticité. Pour le moment cela est un peu dans l’impasse, mais je ne désespère pas ».

Pourquoi pas ?

Vincent rajoute : « il y a encore trop de personnes sceptiques par rapport à des projets comme le mien trouvant cette pratique anecdotique, alors que cela peut être une réelle réponse face au défi climatique » avant de rappeler : « dans le monde il y a 1.3 milliards de paysans, 20 % d’entre eux (260 millions) ont encore recours à la traction animale, mais le plus surprenant dans tout ça c’est que 1 milliard de paysans (77 %) travail entièrement à la main et seulement 2 % des agriculteurs du monde (26 millions) utilisent un tracteur, ce qui laisse songeur sur l’objectivité de notre vision du monde ». (source : Marcel Mazoyer et Laurence Roudart, « Des agricultures manuelles à la motorisation lourde : des écarts de productivités considérables », Grain de sel, n° 48, 2009, p12.).

Prendre son temps

Force tranquille, Vincent souligne : « si je mets plusieurs années pour m’installer, qu’il en soit ainsi. Je ne suis plus pressé, je préfère faire les choses bien plutôt que de me hâter et être contraint de rentrer dans un système qui ne me correspond pas » avant de continuer : « ça résume assez bien l’esprit de la traction animale qui est de ne pas se presser, car de toute manière on ne peut pas. Il faut savoir apprécier le temps de faire les choses convenablement. J’ai bien conscience que mon projet, s’il se fait, me demandera beaucoup d’huile de coude, mais au moins je n’aurai pas besoin d’aller à la salle de sport ». Volontaire, il insiste : « une seule chose pourrait me décourager : si tous les ans la culture est détruite par des épisodes de grêles… là, je remettrai peut-être le tout en question. En attendant, je continue à me renseigner et à poser des jalons pour être tout à fait près au moment de mon installation ».

Note :Pour contacter Vincent Charache pour un échange de parcelles ou un don de matériel : vincentc58@hotmail.fr ou 06 26 91 05 80.

Parcours professionnel
Vincent précise que le montant de la formation au CERRTA est subventionnable par la Région et Pôle emploi.

Parcours professionnel

Vincent Charache dispose d’un Bac pro et un BTS en travaux paysager ainsi que d’une Licence pro en infographie paysagère. « J’ai toujours voulu être agriculteur, sans vraiment savoir pourquoi. Désormais, je veux être paysan et je sais pourquoi ! Plus jeune, j’étais aussi attiré par tout ce qui concernait la gestion des espaces verts dans le milieu public. Je trouvais cela sympa d’apporter de la verdure dans la ville… Mais, je me suis rendu compte que dans le monde du travail, cela est régi par de grandes instances qui ne laissent pas libre cours à l’imagination, d’où mon changement de cap professionnel vers éleveur et aujourd’hui paysan-boulanger-maraîcher ».