Prédation lupine
Échanges sur le terrain

Chloé Monget
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Suite aux attaques subies pas le cheptel ovin d’Armand Perraudin (voir notre dernière édition), Cyrielle Franchi, sous-préfète de Clamecy et référente loup pour le département, s’est rendue à sa rencontre sur le terrain le 11 juillet.

Échanges sur le terrain
Les ovins blessés durant les attaques semblent sortis d'affaire selon Armand Perraudin. (Crédit photo : Olivier Laporte)

Le 11 juillet, la sous-préfète de Clamecy et référence loup pour la Nièvre a rencontré Armand Perraudin, éleveur aux Assiards (Chiddes), afin de faire suite aux deux attaques sur son cheptel dont « la responsabilité du loup n’a pas été écartée ». Pour mémoire, ces dernières ont eu lieu dans la nuit du 28 au 29 juin et celle du 1er au 2 juillet. Durant les échanges, étaient aussi présents : les maires de Millay, Larochemillay et Chiddes, de même que Stéphane Gédoux (adjoint au chef de service du Service Eau Forêt Biodiversité à la Direction départementale des Territoires), Olivier Clerc (président cantonal de la FDSEA 58), Olivier Laporte (élu responsable prédation à la FDSEA 58), Quentin Montcharmont (président des JA du canton), et quelques voisins exploitants.

Vision de l’État

Pour Cyrielle Franchi, cette visite avait deux objectifs : « le premier est d’affirmer notre soutien face à la détresse psychologique que ce genre d’attaque peut engendrer chez les éleveurs. Il est très difficile de voir ses animaux blessés ou stressés. Ces événements ne sont pas neutres et l’administration en a bien conscience. La seconde visée était de faire passer un message auprès des autres exploitants et des élus : nous sommes sur un front de colonisation, le loup ne fait que passer – aucune meute fixe n’est recensée – et peu d’élevages sont protégés dans la Nièvre. Nous avons jusqu’ici été relativement épargnés par rapport aux autres départements bourguignons. Or, il est indispensable d’avoir un troupeau protégé pour pouvoir mettre en œuvre ensuite des tirs de défense simples puis, si les attaques persistent avec des dommages des tirs de défense renforcés. Ces autorisations sont données par arrêté préfectoral. La protection des troupeaux est un préalable indispensable avant de pouvoir envisager d’autres mesures. Il faut rappeler qu’il existe (selon le cerclage c’est-à-dire le niveau de risque de prédation) des subventions pour l’acquisition de chien de troupeau et l’installation de clôture (à hauteur de 80 % des frais engagés) ».

Elle poursuit : « le loup est une espèce protégée par la loi – convention de Berne. Les tirs ne sont pas des opérations de régulation mais bien un outil de protection qui s’ajoute aux filets et aux chiens quand cela n’est pas suffisamment efficace. Ils doivent être effectués par des détenteurs d’un permis de chasse valide. Nous devons vivre avec le loup ce qui sera plus complexe que de vivre sans car la protection implique des contraintes pour l’éleveur. Face à cette cohabitation inévitable, l’État est là pour trouver des solutions afin qu’un équilibre se fasse et que l’élevage puisse continuer. Pour cela, le Plan national loup apporte des outils et un nouveau Plan devrait voir le jour en septembre 2023. Dans tous les cas sur notre territoire, si les circonstances exigent un tir simple ou renforcé, ce sera fait comme le prévoit la loi. Cela a été fait pour cet élevage ». En effet, un arrêté préfectoral autorisant un tir simple a été accordé pour le dossier de Monsieur Perraudin.

Incompréhension

De son côté, Armand Perraudin « entend » bien le positionnement de l’État et d’ailleurs « apprécie qu’un représentant comprenne enfin mes problématiques et les conséquences », mais, pour lui : « cela ne suffit pas. Il faut une meilleure réactivité de la part de l’administration en matière d’autorisation de tir. Nous sommes à près de 15 jours des attaques et on attend encore une réponse. Je pense que s’il y avait un délai de six heures uniquement, cela serait plus efficace pour espérer toucher un desdits prédateurs ». Sur ce point, Olivier Laporte acquiesce et rebondit : « on nous balade. Il faut que les politiques en place prennent des décisions sauf que personne ne le fait. Il faut savoir ce que l’on veut : de l’agriculture ou pas ». Ils précisent : « Nous sommes contents qu’une rencontre avec Madame la sous-préfète ait eu lieu, mais même si elle comprend clairement le problème et les enjeux qu’une telle prédation engendre, elle ne peut aller contre les institutions en place. Encore une fois, il semble que tout le monde perde son temps, c’est usant ». Armand Perraudin insiste : « les financements pour les clôtures ou les chiens c’est très bien, mais pourquoi ne pas mettre tout cet argent dans des parcs pour les loups ? Pourquoi forcément parquer nos élevages ? Car, on ne peut pas se défendre puisqu’on ne le voit pas » et d’Olivier Laporte d’ajouter : « notre but est que les éleveurs puissent continuer à travailler sereinement et pour le moment ce n’est pas le cas ». Des discussions ressort un autre point : la communication. Olivier Laporte martèle : « il faudrait que les éleveurs soient tenus au courant des attaques (même non avérées) dans la Nièvre et dans les départements voisins. Ainsi, ils pourraient, en fonction du secteur, prendre des mesures ponctuelles pour protéger leurs troupeaux » et d’Armand Perraudin de compléter : « si ce n’est nous, au moins les mairies… Je pense que le zéro attaque nous ne l’aurons plus jamais. La seule chose à faire maintenant est qu’à chaque mort d’attaque suspecte dans un cheptel, il faut préserver la scène et se faire connaître le plus rapidement possible auprès de la DDT ou de la Préfecture ». Il conclut : « J’aimerais sincèrement qu’une personne pro-loup vienne m’expliquer ce que cet animal lui apporte, car je ne vois pas pourquoi il serait mieux que nos ovins ou nos bovins. Je ne comprends pas ». Les échanges du 11 juillet sont restés cordiaux.