Santé animale
Dans la Nièvre et l'Yonne, une enquête sur les risques de désertification vétérinaire

Berty Robert
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Dans le cadre de l’Appel à manifestation d’intérêt (Ami) dans lequel cinq collectivités rurales de la Nièvre et de l’Yonne sont impliquées, et qui vise à lutter contre le risque de désert vétérinaire, une enquête de terrain a été réalisée.

Dans la Nièvre et l'Yonne, une enquête sur les risques de désertification vétérinaire
La relation éleveurs-vétérinaire est aussi importante que la relation vétérinaire-territoire. (Crédit Annick Conté)

Depuis 2022, une partie des départements de la Nièvre et de l’Yonne est engagée dans un Appel à manifestation d’intérêt (Ami) lancé par le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, les organisations professionnelles agricoles et vétérinaires, ainsi qu’un certain nombre de collectivités rurales. L’objectif est de lutter contre le manque de vétérinaires en zones très rurales qui fait peser une véritable menace sur la pérennité de certains élevages. L’Ami avait pour but de réaliser des diagnostics sur la situation réelle des zones concernées et de mettre en place des plans d’actions territoriaux. L’initiative avait été expliquée au ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, lors de sa visite dans le nord de la Nièvre, au début du mois d’avril. Le diagnostic a donc été réalisé. Que révèle-t-il ? Rappelons que les zones concernées, dans la Nièvre et l’Yonne, sont le Morvan, la Bourgogne nivernaise, la Puisaye et le Jovinien et les cinq collectivités impliquées sont : la Communauté de communes du Jovinien, celle de Puisaye-Forterre, celle du Haut-Nivernais Val d’Yonne, celle de Tannay-Brinon-Corbigny et celle du Morvan-Sommets et Grands Lacs.

Une relation importante

Le diagnostic rappelle qu’on se trouve sur un territoire peu densément peuplé (21 habitants/km2). L’élevage de ruminants y est important avec la présence de 1 125 élevages pour un total de près de 177 000 animaux (bovins dans l’immense majorité, mais aussi ovins et caprins). Sur ce périmètre, on trouve 24 structures vétérinaires pour un total de 90 praticiens. Sur ces 24 structures, seuls 11 sont situées sur la zone des cinq communautés de communes. Les 13 autres sont dans un rayon de 20 kilomètres autour des territoires précités. L’enquête a été réalisée auprès de 53 exploitations agricoles, portant notamment sur la relation éleveur-vétérinaire. Le vétérinaire est perçu par les éleveurs comme un partenaire essentiel. La confiance est importante dans la relation entretenue, au même titre que la dimension de conseil attendue. Toutefois, par nécessité économique et volonté de productivité, beaucoup d’éleveurs ont appris à devenir autonomes. Ils affirment réaliser eux-mêmes des actes tels que des vaccinations, hors celles qui sont réglementaires, des prélèvements biologiques ou encore des soins (antibiotiques, anti-inflammatoires…) Les méthodes alternatives (ostéopathie et homéopathie) se développent également. L’enquête révèle que la piste d’un diplôme d’éleveur-infirmier permettant d’alléger la charge des cabinets vétérinaires apparaît une chose à développer pour la moitié des 53 éleveurs interrogés. L’allègement de cette charge de travail est une des pistes proposées pour lutter contre la désertification.

Structures et territoire

Certains pensent qu’il faudrait aussi imaginer de nouvelles organisations, calquées sur le modèle des Maisons médicales pour lutter contre le manque de médecins. Il faut gagner en attractivité pour attirer de jeunes praticiens : cela peut passer par des partenariats avec des écoles de vétérinaires, favoriser la féminisation du métier, s’appuyer sur des cabinets de taille plus importante permettant de mieux répartir la charge de travail. Les éleveurs ont en tout cas conscience des difficultés des vétérinaires et se montrent solidaires avec ces professionnels perçus comme des partenaires. Du côté des étudiants vétérinaires, ce qui apparaît prioritaire c’est la structure dans laquelle il va travailler, avant le territoire. Toutefois, ils recherchent aussi des territoires dotés de bons services et avec un potentiel d’emploi pour leur conjoint. Élément préoccupant : une structure vétérinaire sur deux envisage l’arrêt de la pratique rurale dans les 5 ans, en raison de difficultés de recrutement, d’éloignement géographique des élevages… L’activité rurale représente 37 % du chiffre d’affaires des structures vétérinaires dans l’Yonne, et 63 % pour celles de la Nièvre. Un vétérinaire sur tris pense arrêter la « rurale » dans les 5 à 10 ans, soit pour cause de départ en retraite, soit par épuisement et impact sur la santé ou la vie de famille. Au final, l’accélération du phénomène de désertification vétérinaire est avérée et plus accentuée sur le nord de la zone qu’au sud. On constate une inadéquation entre les attentes des jeunes vétérinaires et l’offre des territoires. Il faudra une action forte pour contrecarrer cette tendance négative. Quatre axes stratégiques sont privilégiés pour y parvenir :

- améliorer la gestion des établissements de soins vétérinaires

- développer et faire évoluer l’offre de services et le partenariat élevage-vétérinaire

- faciliter la venue et le maintien des jeunes vétérinaires

- organiser, coordonner et animer le territoire.